La guerre «médiatique» contre l’Algérie : trop, c’est trop !
Par Boualem Snaoui – Dans l’affaire Drareni, la déclaration de la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès von der Mühll, «la France réaffirme son attachement à la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes, partout dans le monde, (…) la liberté d’informer est un droit fondamental, qui doit être protégé», peut vous donner le tournis si vous ne saisissez pas le sens des mots et de la politique bien huilée du jeu des deux poids et deux mesures.
Cette déclaration, que l’on peut inscrire dans le carnet de la guerre politico-médiatique menée contre l’Algérie et son peuple, nous renvoie étonnamment au drame dont a été victime un journaliste français, Jacques-Marie Bourget, dont le poumon gauche a été transpercé par le tir d’un sniper de l’armée israélienne, en plein exercice de son métier, sur la grande place de Ramallah, le 21 octobre 2000. Son récit fait froid dans le dos. Il ne doit la vie sauve qu’à la mobilisation et à la solidarité des Palestiniens.
Il n’est pas inutile de rappeler, dans les circonstances actuelles, l’avis du Quai d’Orsay, qui débouta la demande du journaliste, en date du 14 novembre 2003 ; avis nécessaire avant de statuer sur l’indemnisation par le Fonds de garantie des actes terroristes et autres infractions (FGTI) : «Les faits sont imputables à un militaire de l’armée israélienne agissant dans le cadre d’une mission de sécurité et de maintien de l’ordre». Entre 2006 et 2008, Jacques-Marie Bourget sollicita à plusieurs reprises l’aide du Quai d’Orsay et des présidents Chirac puis Sarkozy, sans recevoir de véritable réponse. Le 29 juin 2012, le FGTI décida de refuser toute indemnisation au journaliste, prétextant que «M. Bourget se trouvait dans une zone dangereuse comportant des risques élevés puisqu’il se tenait à proximité de militaires armés en action de tir».
Jacques-Marie Bourget n’aura droit à aucun rassemblement des tenants de la presse dite «démocratique». Bien plus, l’impression générale de faire taire cette grave atteinte à la «liberté de la presse et de la démocratie», d’un journaliste – citoyen français – porteur d’une expertise journalistique, s’est vite propagée «silencieusement» dans le milieu militant. Il ne faut rien dire, il ne faut rien faire. Juste éteindre le «feu démocratique».
Celui qui se définit lui-même comme un reporter sans RSF (Reporter sans frontières), n’hésite pas à tirer «une grande satisfaction» du fait que cette organisation, titulaire du prix Dan David (et le million de dollars qui va avec, reçu le 19 mai à Tel-Aviv, en présence du Président israélien), l’ait ignorée dans son combat de journaliste-résistant. Il rappelle les financements de cet organisme, qui ne sont plus un secret pour personne, par la NED, l’extrême-droite cubaine exilée à Miami, sans oublier de citer le livre de Maxime Vivas, La face caché de RSF, publié chez Aden Editions.
L’association ACRIMED (Action critique médias) a eu le courage de relever que «les autorités françaises observent une retenue persistante, à défaut d’être étonnante». Et elle ajoute : «Aucun Etat impliqué dans une tentative d’assassinat ou refusant d’assumer ses responsabilités dans l’enquête sur cette tentative d’assassinat ne devrait, pourtant, bénéficier de la moindre mansuétude».
Moralité de l’histoire : pour bénéficier d’une importante couverture politico-médiatique, il vaut mieux être un Algérien désigné à Paris par la presse dominante détenue à 95% par des groupes et des propriétaires privés, qu’un «journaliste français» victime d’une balle de l’armée israélienne en Palestine occupée.
Dans un article publié le 7 septembre 2020, sur le site de France-Inter, on rapporte que des représentants de la presse dominante se sont rassemblés près de l’ambassade d’Algérie. La photo, accompagnant l’article montre effectivement ces représentants du grand capital, qui ont fait «tomber le masque» et avancent désormais à visage découvert, sans distanciation aucune. Est-ce une fake news ou sont-ils immunisés contre le Covid-19 et contre les amendes de 135 euros ? Peut-être que devant l’ambassade d’Algérie, il n y a pas de risques de contaminations ni de verbalisations. On n’a pas vu les caricaturistes, héros de Rosa Moussaoui, venir immortaliser la scène.
Sans le faire exprès, Jacques-Marie Bourget, ce journaliste français résistant depuis presque 20 ans, et toujours en vie (longue vie à lui !), vient de balayer, comme un tsunami, toute la propagande de la «liberté de la presse et de la démocratie» brandie par les médias dominants qui préparent l’opinion publique à une seconde guerre d’Algérie. Son combat à lui, en revanche, rend un grand service à la véritable liberté de la presse en France et ailleurs.
Désolé pour Drareni, mais sa photo est exposée en mode Colin Powell brandissant la fiole d’armes de destruction massive à l’ONU, le 5 février 2003, pour convaincre le monde de la justesse de la guerre de destruction contre le peuple irakien. L’Irak n’existe plus, ce pays millénaire a été effacé de la carte mondiale.
Je me limiterai à ce type de caricature, concernant celui qui traduit, sur compte tweeter, la convocation de l’ambassadeur de Notre ami le roi de Gilles Perrault, comme une réception par le ministère des Affaires étrangères, le 2 mai 2018, sans nous dire lequel. C’est une convocation ou une réception ?
Cela s’appelle de l’information ?
Après les attaques de Francis Ghilès sur France 24 et le reportage tendancieux «Algérie mon amour» de la chaîne publique française France 5, je viens d’apprendre par plusieurs canaux que le documentaire de Bernard de le Villardière, tourné clandestinement en octobre 2019, diffusé par la chaîne M6, le 21 septembre 2020, et intitulé «L’Algérie, le pays de toutes les révoltes», est encore une basse manœuvre. Beaucoup de journaux d’information et de désinformation parlent explicitement de «manipulation».
Le journaliste Gaspard Glanz vient de vivre les premières heures du nouveau schéma national du maintien de l’ordre (SNMO), paru jeudi 18 septembre, en marge de la manifestation syndicale parisienne. Ce journaliste écrit : «GAV : Garde à vue».
Le journaliste Gaspard Glanz n’a pas encore compris dans quel sens souffle le vent de la contestation : participer à la diabolisation et à l’abattage de l’Algérie. Les journalistes, dont Julien Moreau, dont reporterre.net rapporte les témoignages dans un article (et vidéo) en date du 14 septembre, n’ont rien compris non plus, à «la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes».
Je ne peux terminer ma contribution sans rappeler les propos guerriers tenus à l’égard de l’Algérie, récemment. Hamad Bin Jassim Al-Thani, ministre des Affaires étrangères du Qatar : «Votre tour viendra» ; Nicolas Sakozy : «L’Algérie dans un an, l’Iran dans 3 ans» ; Bernard Kouchner : «La génération de l’indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple».
Encerclement militaire, encerclement médiatique, encerclement politique, tout cela accompagné d’une cinquième colonne bien formée par les colons ! L’Algérie échappera-t-elle au chaos qu’on lui prépare, sans des accords géostratégiques ?
B. S.
https://www.acrimed.org/Tentative-d-homicide-volontaire-contre-un-journaliste-francais-les-autorites
https://blogs.mediapart.fr/jacques-marie-bourget/blog/190519/histoire-dun-crime-commis-par-israel
https://www.acrimed.org/Tentative-d-homicide-volontaire-contre-un-journaliste-francais-les-autorites
https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/268470-qui-le-pouvoir-de-linformation-en-france
Pas une ligne, pas un article sur ma GAV d’hier. Aucun média ou organe de presse de quelque médium que ce soit.
J’ai conscience que le comique de répétition est fatiguant… Mais le jour ou ça vous arrivera, camarades journalistes, vous comprendrez que c’est pas cool d’être seul.
— Gaspard Glanz (@GaspardGlanz) September 18, 2020
https://reporterre.net/Des-journalistes-empeches-de-travailler-pendant-la-manifestation-des-gilets-jaunes
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