La visite «exceptionnelle» du chef du Pentagone à Alger vue par les Israéliens
Par Abdelkader S. – Les médias israéliens ne pouvaient pas «ignorer» la visite du secrétaire américain à la Défense en Algérie, pour la première fois depuis quinze ans. Signe que l’escale du chef du Pentagone à Alger, dans le cadre d’une tournée qui le conduit au Maghreb et au Moyen-Orient, revêt une importance particulière, celle-ci étant qualifiée d’«exceptionnelle». Si bien que les médias israéliens s’y sont intéressés de très près, mais en évitant de la commenter, se contentant de reprendre in extenso les agences de presse.
Le journal Times of Israel a, quant à lui, relayé la dépêche de l’AFP qui a titré «Washington et Alger renouent un partenariat stratégique dans une région en crise», et selon laquelle «contre-terrorisme, coopération militaire, sécurité en Afrique du Nord, Libye, Sahel, etc.» étaient au menu des discussions entre l’envoyé spécial de Donald Trump et ses interlocuteurs algériens. «Les Etats-Unis et l’Algérie ont renoué un partenariat stratégique lors de la visite du ministre américain de la Défense, Mark Esper, jeudi à Alger, la première en presque quinze ans», lit-on dans la dépêche reprise par le média israélien.
L’AFP note qu’«Esper s’est longuement entretenu avec le président Abdelmadjid Tebboune, aussi chef des armées et ministre de la Défense, en présence du chef d’état-major, le général Saïd Chengriha, et du responsable de la sécurité extérieure, Mohamed Bouzit» et reprend le communiqué de la présidence de la République «qui a qualifié la rencontre de fructueuse» et précisé que «les deux parties vont poursuivre la concertation et la coordination pour consolider les fondements de la paix et de la sécurité dans la région, dans le cadre du respect de l’unité et de la souveraineté de ses pays».
C’est sans doute le communiqué le moins «protocolaire» de l’ambassade des Etats-Unis à Alger qui a intéressé les Israéliens, ce dernier révélant que le chef du Pentagone «a formulé son soutien à l’élargissement des relations militaires et a souligné le leadership constant de l’Algérie en matière de sécurité régionale». Ce qui signifie que Washington voudrait bousculer à la fois la Russie en matière d’armement d’une armée algérienne équipée à 90% par Moscou, et la France dans sa «chasse gardée». L’Algérie, qui a refusé de prendre part au G5 Sahel mis en place par Paris, acceptera-t-elle de s’engager dans la lutte contre les groupes terroristes dans le Sahel aux côtés des Américains une fois que la nouvelle Constitution soumise au référendum dans moins d’un mois le permettra ?
«Le ministre Esper et le président Tebboune ont discuté de la question sécuritaire en Afrique du Nord et au Sahel ainsi que des moyens pouvant faire progresser le partenariat militaire et diplomatique stratégique entre les deux pays», a-t-on précisé en tout, sans entrer dans les détails d’une fort probable coopération future renforcée, sans que l’Algérie se détourne de son allié stratégique, la Russie. L’AFP a, d’ailleurs, relevé que «si les responsables militaires américains se rendent fréquemment en Tunisie et au Maroc, où la coopération en matière de défense avec les Etats-Unis est bien rodée, Esper est le premier secrétaire à la Défense à se rendre en Algérie, alliée de la Russie et de la Chine, dont l’influence est grandissante au Maghreb».
Quel lien y a-t-il entre la tournée de Mark Esper et la normalisation en cours entre des pays arabes et l’entité sioniste ? A-t-il été question de ce vaste plan imaginé par Bernard Lewis et Zbigniew Kazimierz Brzezinski, au courant des années 1970, sous l’appellation d’«Arc de crise» que les Etats-Unis sont en train de mettre en œuvre, quarante ans plus tard ? «Cette doctrine commence à se faire jour et vise à la déstabilisation de l’ensemble de la région méditerranéenne, particulièrement dans le Moyen-Orient au profit de l’Etat hébreu, des Européens et des Etats-Unis», a indiqué un expert des questions géostratégiques à Algeriepatriotique. «Le seul Etat pouvant compter dans ce Moyen-Orient, l’Egypte, se voit affaibli avec le creusement de la nouvelle voie d’eau rejoignant les deux mers et aboutissant au golfe d’Akaba, côté israélien», souligne notre source.
«Il faut ajouter à cela le début du conflit au Haut-Karabakh qui peut réveiller les ambitions des Turcs et des Grecs», note encore cet expert, selon lequel en Afrique du Nord, les axes de déstabilisation «sont menés ouvertement en Libye, alors que d’autres couvent sournoisement». «Les négociations entre le Liban et Israël en font partie», estime encore notre source, convaincue que «la dernière visite des deux officiers de haut rang américains – le chef du Pentagone et le commandant d’Africom – en Algérie en sont un autre, sauf que, dans ce cas, cela commence, pour le moment, à amener l’Algérie dans le giron des Etats-Unis». «La suite est à venir», pense encore notre source qui pointe un «monde arabe sentimentaliste» et suggère que la solution aux dossiers palestinien et sahraoui soient «envisagée dans un cadre plus global».
A. S.
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