Vérités sur la colonisation française en Algérie : l’armée fait barrage à Macron
Par Kamel M. – «Jusqu’où le secret-défense peut-il empêcher de connaître précisément ce qui s’est passé dans l’histoire de France il y a plus de soixante-dix ans, et notamment pendant la Guerre d’Algérie ?» s’interroge France Culture, qui a traité le sujet du travail mémoriel entamé par l’Algérie et la France, en relevant qu’«un vigoureux tour de vis verrouille la consultation de milliers d’archives classées secret-défense».
Le média français fait savoir qu’une requête vient d’être déposée par un collectif de chercheurs et d’archivistes auprès du Conseil d’Etat, dans laquelle ils notent que «depuis près d’un an, l’accès à de nombreuses archives tend à se refermer à la faveur de procédures toujours plus scrupuleuses… ou d’intentions plus obscures». «Leur démarche, qui associe des historiens, le collectif Maurice-Audin et plusieurs associations d’archivistes, témoigne d’un bras de fer qui ne se relâche pas», explique France Culture qui parle même d’un «pourrissement».
Ce collectif, qui dénonce une «intrusion administrative et militaire», démontre, par là même, que la volonté politique, sans doute sincère, affichée par Macron pourrait être court-circuitée par «une institution militaire qui se crisperait sur son passé». «Début 2020, le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale, qui relève de Matignon, a décidé de faire appliquer de façon plus anguleuse que jamais un texte interne, au cœur de toute la bataille», écrit le média français, en référence à une instruction interministérielle qui réglemente l’accès aux pièces dites «classifiées». «Derrière le terme, c’est en fait toute la question du secret-défense qui revient dans l’actualité», souligne France Culture, en se posant la question de savoir «qui décide de ce qu’on a le droit de consulter ou pas en matière d’archives».
On apprend, dans ce sillage, qu’il est impossible d’approcher de «nombreux cartons qui concernent la Guerre d’Algérie», malgré «les annonces au sujet de l’ouverture des archives liées à l’affaire Maurice Audin, du nom de ce mathématicien algérien d’origine européenne, disparu en 1957, et chez la veuve duquel Emmanuel Macron en personne avait promis, en septembre 2018, une transparence très attendue par de nombreux historiens», note France Culture qui se réfère au discours d’Emmanuel Macron qui annonçait qu’il «souhaite que toutes les archives de l’Etat qui concernent les disparus de la Guerre d’Algérie puissent être librement consultées et qu’une dérogation générale soit instituée en ce sens».
Pour France Culture, «le secret-défense entrave la mémoire». Il y aurait, en effet, un bras de fer entre les politiques et les militaires qui empêchent l’accès à certaines archives en ne les déclassifiant pas. «En soi, c’est déjà une sacrée usine à gaz quand on sait la quantité de documents annotés secret-défense dans certains pans de l’histoire de France, comme, par exemple, la Guerre d’Algérie», écrit France Culture qui pointe un verrouillage insidieux qui fait que «c’est l’autorité qui a produit les archives en question qui doit être en mesure d’autoriser leur communication au public».
Les chercheurs dénoncent cet état de fait et accusent ceux qui bloquent l’accès aux archives d’empêcher un «travail serein» et «en toute liberté académique» sur «l’histoire d’un épisode historique dès lors que l’institution, partie prenante dans l’événement, peut bloquer la connaissance qu’on en a». «En empêchant, de gré ou de force, un accès plus fluide aux archives, on n’entrave pas seulement la connaissance, pointilliste et éminemment empirique, des pratiques et des façons de faire de l’armée française, qui prit l’ascendant sur le pouvoir civil métropolitain, à Alger, au plus fort de la guerre. En compliquant les démarches et les recherches des uns et des autres, qu’ils soient chercheurs ou descendants des disparus ou des appelés, on complique aussi inextricablement un accès à une mémoire déjà fragile», s’indigne le collectif de chercheurs.
«L’histoire de la Guerre d’Algérie et de ses résidus est déjà tissée de silences tellement puissants, et tellement verrouillés eux-mêmes déjà, que la parole fut longtemps trop douloureuse, trop bancale, trop périlleuse en somme», concluent-ils.
K. M.
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