La Toussaint rouge est notre éternel recommencement face au défaitisme
Par Khaled Boulaziz et Kaerdin Zerrouati – «Tout homme dévoué doit payer à sa patrie son tribut de patriotisme : en lui disant tout ce qu’il croit, en sa conscience, être la vérité». La perfidie ne permet jamais de voir les choses telles qu’elles sont. Les perfides voient le réel à travers un miroir déformant qui grossit les détails insignifiants, transforme les nains en géants et les mensonges en vérité. C’est pour cette raison qu’un voile couvre toujours une partie de l’histoire de la colonisation de l’Algérie par la France insurrectionnelle et maçonnique.
Après avoir décapité le roi et la reine, massacré des centaines de milliers de Français – massacre des 170 000 Vendéens –, la république illuministe française, dans son élan de folie des grandeurs, a voulu répandre son idéologie criminelle au monde entier, aidée par la source même du désordre d’hier et d’aujourd’hui : le grand capital élitiste.
Les vrais parrains de ce crime : Jacob Bacri, un ruffian maléfique, Duval, un agent provocateur et receleur, le prince de Talleyrand ou l’Astaroth-diplomate, le roi Louis-Philippe, «cette âme plus basse que mon parquet», disait Charles X, le président Thiers, l’un des plus grands criminels de l’histoire française, et le maréchal Clauzel, dit «l’homme colonie», et le plus sanguinaire des généraux de la République.
La France occultiste et son armée criminelle firent des mosquées leurs premières cibles, les convertissant en églises et cathédrales sous la menace des armes, notamment la grande mosquée ottomane de Ketchaoua à Alger, construite en 1612 et devenue cathédrale Saint-Philippe en décembre 1832.
La même année, les Français exterminèrent la totalité de la tribu des Ouffia, n’épargnant ni femme ni enfant et s’emparant de l’ensemble de ses biens.
De Broglie disait que l’Algérie était notre loge à l’Opéra. Mais le rideau allait tomber car le crime-spectacle ne pouvait continuer.
Toute rébellion de forme entraîne une rébellion d’essence
Cent vingt-quatre ans, jour pour jour, les éclairs de la Toussaint 1954 tonnèrent dans un ciel lourdement chargé des nuées d’un colonialisme séculaire, séculier et impitoyable. L’orage de l’insurrection était inévitable après la longue nuit coloniale.
Le 1er Novembre fut le fruit d’une longue gestation dans toutes les strates de la société. La sublimation s’était réalisée entre deux facteurs complémentaires qui s’étaient forgés l’un et l’autre dans le cours du processus historique.
Il y a eu, d’une part, les imaginaires, le profil psychoculturel avec les représentations dominantes dans la société opprimée et exploitée. D’autre part, il y a eu les prises de conscience politiques qui ont été l’aboutissement d’efforts titanesques pour féconder et soutenir les incessantes révoltes du peuple depuis la conquête
L’éternel présent face à l’amnésie
La Guerre d’Algérie fut la plus hallucinante qu’un peuple ait menée pour briser l’oppression coloniale. Et personne ne supposa que la France allait défendre pied à pied ce colonialisme éhonté qui fait pendant à tous les génocides. On ne soupçonnait pas davantage que le peuple algérien s’installerait dans l’histoire avec autant d’intensité. Cette intensité qui fit d’Alger la Mecque des révolutionnaires.
De ce fait, le 1er Novembre, la Toussaint rouge inscrite dans l’imaginaire national sanctifié par le sang de nos martyres est la lanterne éclairante de nos déboires historiques passés et à avenir. Elle est et reste un moment cardinal et rassembleur des Algériens, de tous les Algériens.
Cette date, telle que vécue par nos aïeux, il faut la vivre encore une fois et encore d’innombrables fois avec chaque douleur, chaque émoi, chaque souffle, chaque soupir et de tout ce qu’il y a eu dans le combat libérateur d’indiciblement petit et grand.
Altérer son essence, c’est en faire table rase dans notre conscience et favoriser la naissance d’un esprit défaitiste parmi notre jeunesse qui sera plus enclin au compromis et à la tolérance naïve avec la France ; une puissance néocoloniale de troisième rang à la culture rétrograde dominante qui insiste pour s’accrocher à des chimères passées mal desservies.
La France, au devoir de repentance sélective, aura besoin d’expier ses péchés génocidaires qui s’étendent des Caraïbes à l’Asie du Sud-Est et à l’Afrique, et qui ont tué des millions de personnes. Une France surtout asservie au grand capital élitiste et ses pourvoyeurs : les adorateurs du Veau d’Or, grands perfides devant l’éternel.
L’ennemi d’hier est l’ennemi d’aujourd’hui, il est l’ennemi de toujours. Et la Toussaint rouge fut et reste notre éternel recommencement face à l’amnésie défaitiste.
K. B./K. Z.
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