Mouvement de contestation populaire algérien : le Tunisien Marzouki s’en mêle
Par Abdelkader S et Tarek B. – L’ancien président tunisien Moncef Marzouki s’implique ouvertement dans le mouvement de contestation populaire algérien, dévié de sa trajectoire initiale chemin faisant. C’est à travers la préface d’un livre à paraître sur le Hirak que l’homme-lige de Doha est intervenu pour contrer les révélations fracassantes d’Ahmed Bensaada qui a ébranlé le mouvement Rachad et ses sponsors.
«Le renégat Moncef Marzouki, gluant de pétrodollars qataris, s’enfonce dans la lie de la servilité islamiste», commente un observateur avisé qui connaît bien le parcours de ce Président éphémère, installé à Carthage par les Al-Thani. Le livre préfacé par l’ancien président tunisien s’offusque de ce que «le Hirak algérien subit depuis le début du printemps dernier une campagne de propagande particulièrement agressive et sournoise, entretenue par un large spectre d’organes médiatiques et animée par divers acteurs politiques et académiques», citant nommément le livre Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ?
Le contre-livre est l’œuvre d’«un «groupe d’universitaires algériens» qui «a pris l’initiative de préparer ensemble un travail académique pour faire face à un échantillon de ces attaques». Si Moncef Marzouki participe à cette publication «bouée de sauvetage», c’est parce qu’il se sent visé par les révélations d’Ahmed Bensaada qui ont valu à son éditeur algérois d’être agressé physiquement par les hommes de main de Larbi Zitout et Mourad Dhina. L’ancien chef de l’Etat tunisien partage avec ses acolytes londonien et genevois la récusation de la «théorie du complot promue par certains dans le monde arabe qui dénie à nos peuples le droit et la capacité d’agir, de leur propre chef, contre des régimes autoritaires corrompus».
Ahmed Bensaada n’est pas le seul universitaire à être visé par les auteurs de l’ouvrage à paraître. Sont ciblés également les directeurs d’Afrique Asie, Majed Nehme, et de Proche&Moyen-Orient, Richard Labévière, «qui ont pré- et postfacé son opuscule, respectivement». «Ceux qui ressassent la rengaine éculée de la main étrangère feignent de ne pas voir qu’elle est, en fait, la béquille de ce régime en fin de cycle historique», lit-on dans la présentation de cet ouvrage qui se targue de vouloir défendre le pays et son armée de toute intervention étrangère (sic).
Lors d’un déplacement au Maroc en juin 2019, Moncef Marzouki avait cru bon de déballer ses platitudes bouffies de ressentiments contre l’Algérie sur les raisons du blocage de l’intégration maghrébine, utilisant les espoirs suscités par la transition politique en Algérie comme «cheval de Troie» pour donner une seconde vie à son agenda pro-marocain, qu’il a échoué à appliquer durant son séjour expéditif et plutôt insignifiant au palais de Carthage.
Ce n’était pourtant pas la première fois que l’ex-président tunisien faisait preuve d’ingratitude à l’encontre de l’Algérie. Son empressement à commenter la situation interne algérienne était un indicateur de l’ampleur de son ressentiment et de ses frustrations. Toutefois, la virulence de sa sortie médiatique, à l’époque, atteignait le summum de l’ingratitude puisqu’elle émanait d’un homme politique ayant pourtant occupé une fonction présidentielle qui lui avait permis d’être un témoin privilégié des efforts algériens en vue d’accompagner la transition démocratique en Tunisie, au moment où ses partenaires traditionnels lui tournaient dos, y compris le Maroc qui s’attelait assidûment à récupérer les parts de marchés perdues par un concurrent traditionnel.
L’homme à la mémoire courte oubliait qu’au moment où la Tunisie était en pleine tourmente économique, l’Algérie était un des rares pays à lui octroyer une aide financière d’un montant global évalué à quelque 500 millions de dollars. Au plan politique, l’implication diplomatique d’Alger, au plus haut sommet de l’Etat, avait été couronnée par un chiffre record jamais atteint dans des relations bilatérales avec aucun autre pays de 30 visites de haut rang échangées rien qu’en une seule année. De même, au moment où la Tunisie commençait à faire face à la menace terroriste et au phénomène du retour des djihadistes, l’Algérie avait renforcé la coopération militaire et sécuritaire pour pallier, entre autres, le manque de moyens en la matière dont pâtit ce pays frère qui, à un certain moment, n’était plus en mesure de payer les soldes de ses personnels de sécurité.
L’amnésie sélective de Moncef Marzouki face à ces multiples marques de sollicitude de la part de l’Algérie, gouvernement et peuple, n’est pas innocente. Loin s’en faut. En fait, elle exprime le ressentiment profond de l’ancien président tunisien qui croit pouvoir, en lançant quelques compliments frelatés en direction du Hirak, se jouer de l’opinion publique algérienne pour se venger de deux «affronts» imputés injustement à l’Algérie.
Tout d’abord, au plan interne tunisien, Moncef Marzouki n’a pas digéré sa cuisante défaite lors de l’élection présidentielle de 2014 face à son successeur, le défunt Béji Caïd Essebsi, qui aurait, selon lui, reçu le soutien actif de la part du gouvernement algérien. Ainsi, celui qui se voyait incarner le visage de la Tunisie nouvelle ne peut admettre, à ce jour, une défaite aussi nette lors de la toute première élection au suffrage universel depuis la «révolution du Jasmin», dont le mythe exclusiviste est battu en brèche par les espoirs autrement plus prometteurs de la révolution tranquille qui est en cours en Algérie.
Ensuite, au plan maghrébin, l’ancien locataire du palais de Carthage a gardé une dent bien dure contre l’Algérie qui lui a signifié une fin de non-recevoir à son initiative de médiation entre le Maroc et son voisin de l’Est, qu’il espérait mener rondement au service du royaume de Mohammed VI dont il est d’ailleurs un sujet bien reconnaissant.
Une sorte d’«occupation pour combler le vide de sa fonction», avait alors ironisé l’ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères algérien, qui avait qualifié, au passage, cette offre de «pure vue de l’esprit puisque tous les canaux sont ouverts» entre les deux pays. Celui qui a vigoureusement joué une partition marocaine, allant même à appeler de ses vœux le «retour» du Maroc à l’Union africaine, garde également un mauvais souvenir de la mise au placard de ses fantasques «cinq libertés», conçues pour revigorer l’UMA, mais qui, en fait, visaient à mettre à profit le contexte post «printemps arabe» pour dessiner une chimère de «nouvel ordre maghrébin», à la mesure des intérêts mercantilistes étroits de son pays natal et de ceux de son pays d’adoption.
Les fanfaronnades de l’ancien président tunisien ne résistent pas au tamis de la vérité objective qu’il a sacrifiée pour le compte d’une marocanité de rechange dont rien ne garantit qu’elle lui procurera une quelconque utilité politique dans son pays de naissance.
A. S./T. B.
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