Autopsie d’une élection présidentielle américaine inédite à l’ère de la pandémie
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – Tous les regards sont tournés vers les Etats-Unis qui ont organisé, ce 3 novembre, leur élection présidentielle ayant coïncidé cette année avec la crise mondiale du Covid-19 qui fait des ravages, particulièrement dans ce pays où les contaminations dépassent les 100 000 cas quotidiennement. Les Etats-Unis ont toujours fasciné le monde de par la place qu’ils occupent dans le monde, leur influence, leur prestige, leur savoir scientifique, leur apport et le message qu’ils ont toujours véhiculé à travers les siècles pour la dimension humaine dans sa globalité.
Les Etats-Unis ont toujours occupé dans le monde moderne les devants de la scène, dans tous les domaines. Ils sont, à l’instar d’autres pays, à l’origine de beaucoup d’inventions et de découvertes qui ont fait progresser l’humanité et lui ont permis de faire des avancées scientifiques considérables dont nous profitons tous des bienfaits et des avantages. Ils ont toujours collaboré et apporté leur savoir pour élever la science à son firmament. De tout temps, le pays de Mohamed Ali, de Martin Luther King, de Marilyn Monroe, de Coca-Cola avait exercé une attraction considérable sur les immigrants qui caressaient le fol espoir de s’y installer et d’y trouver une société stable, riche et sans problème, qui leur permette de construire leur avenir et celui de leurs enfants à la hauteur de leurs rêves et de leurs aspirations.
Or, une fois confrontés à la réalité du terrain, ces prétendants à une vie meilleure vont vite déchanter pour ceux qui ne se sont pas bien préparés et vont découvrir l’autre facette de cette Amérique et les côtés impitoyables du libéralisme économique. Il faut dire que ce pays a tant donné à l’humanité dans le domaine scientifique, mais son l’histoire est parfois peu reluisante, traînant un passé peu glorieux – surtout au Vietnam –, un pays qui a toujours cherché à exercer son hégémonie sur le reste du monde et dominer les autres.
Et, lorsque ce pays organise son élection présidentielle tous les quatre ans, le monde entier se sent impliqué de près ou de loin pour plusieurs raisons. Parce que, entre autres, les Etats-Unis sont le leader mondial, ils sont la première puissance économique et militaire du monde et ils ont une grande responsabilité à assumer vis-à-vis de leurs alliés et de leurs partenaires à travers le monde, qui attendent avec impatience le nom du vainqueur et tous espèrent nouer des relations privilégiées avec le futur locataire de la Maison-Blanche dont le destin politique de certains parfois en dépend.
Par ailleurs, compte tenu de l’ampleur qu’exerce l’influence américaine sur le reste du monde et afin de saisir toute l’importance, la portée, les mécanismes, les nuances, les conséquences et les impacts potentiels de cette élection pas comme les autres, tous les dirigeants du monde, amis comme ennemis, suivent minutieusement les résultats de cette élection et lui accordent une attention toute particulière. En tout état de cause, le monde est impatient de connaître le dénouement et le nom du futur vainqueur, Américains et autres, qui tous retiennent leur souffle et tous espèrent être dans le camp du futur vainqueur.
Pour une fois, les deux candidats sont tous les deux avancés dans l’âge. Cela ressemble étrangement aux candidats du tiers-monde. Pour avoir été le président des Etats-Unis pendant quatre ans, Trump est mieux connu sur la scène internationale que Biden. Tout le monde connaît la personnalité controversée de Trump, son côté burlesque, ses déclarations tonitruantes, ses sautes d’humeur, l’homme qui a plusieurs facettes et qui n’a pas la langue dans sa poche, etc. Par contre, Biden est moins connu. On sait qu’il a été deux fois vice-président d’Obama, qu’il est âgé de 77 ans et que sa mémoire le trompe souvent. Il fut aussi accusé par deux fois de plagiat : une fois pour avoir copié mot à mot le discours de l’ancien chef du Parti travailliste britannique, Neil Kinnock, et une seconde fois lorsqu’il s’est inspiré d’un texte qu’avait écrit l’ancien chef du NPD canadien, Jack Layton, quelques jours avant son décès, en 2011. Il fut aussi accusé par quelques femmes d’avoir eu envers elles des gestes inappropriés, ce qu’il a évidemment démenti.
Pour la préparation de cette élection très importante, chacun avait affuté ses armes, ne ménageant aucun effort et ne lésinant sur aucun moyen colossal – dont les deux camps disposent – pour être prêt à en découdre le jour J en sollicitant les faveurs des électeurs. Bien avant ce jour fatidique, tout le monde pensait que cette élection était déjà pliée et que ce n’était qu’une formalité pour Biden, d’autant plus que tous les pronostics penchaient du côté des Démocrates et que tout le monde prédisait que la vague bleue allait déferler sur le pays et emporter tout sur son passage. Ce qui s’est avéré finalement une chimère.
Trump a provoqué, encore une nouvelle fois, la surprise et a démenti tous les pronostics qui ne lui étaient pas favorables au départ. Il faut toujours se méfier, comme dit l’adage, de la réaction de la bête blessée. Détesté à l’extrême par la plupart des médias mondiaux, surtout occidentaux, qui voient en lui un danger potentiel pour la paix mondiale, Trump, de l’avis de tous, a subi un lynchage médiatique savamment orchestré à tort ou à raison, d’ailleurs. Haï, voire vomi par certains, il incarne le mal, la mauvaise foi, le mensonge, la malhonnêteté ; il ne fait preuve d’aucune humilité, d’aucune retenue, il n’a pas de compassion, il ne cultive aucune valeur humaine, il est amoral, inculte, impoli, il fait honte aux Américains et symbolise à lui tout seul la décadence des Etats-Unis, arguent ses détracteurs.
Tous ces «mauvais qualificatifs» et ces «dénigrements» n’ont pas eu d’emprise sur son public qui le soutient et voit en lui le sauveur de l’Amérique et l’homme providentiel capable de réaliser les aspirations des Américains. Ses partisans ne l’ont jamais trahi et se tamponnent le coquillard de ce que pensent les autres de leur favori et n’ont cure du qu’en-dira-t-on.
Tout ça, c’est pour l’histoire. Trump va sûrement perdre cette élection pour le bien de tous, pour la paix mondiale et pour d’autres raisons encore. A mon humble avis, l’adversaire de Trump, ce ne fut pas Biden lui-même, ni les Démocrates, mais c’est certainement le Covid-19 qui est pour beaucoup dans sa défaite. Malgré tout ce que le monde pensait de lui, et malgré son impopularité dans le monde et sa mauvaise réputation, Trump aura failli gagner. En prenant à la légère cette pandémie, Trump a précipité sa chute. Il ne voyait pas venir les conséquences de ce redoutable fléau qui allait écraser tout sur son passage, y compris sa personne.
Mais, il faut le dire aussi, en toute honnêteté, Trump n’avait pas la capacité de gérer cette pandémie et rien ne le prédisposait à y faire face. Pour certains analystes, malgré tout ce que le monde pense de lui, le «trumpisme» est un mouvement en marche et les Républicains, malgré leur défaite, vont sortir renforcés de cette élection. Comment expliquer ce phénomène ? Quel est le secret de cet homme qui est sans style ? Cet affreux, ce méchant, cette personnalité controversée qui ne laisse personne indifférent et qui attire des sympathisants par dizaines de millions dans son pays ? Je ne sais pas s’il y a une explication plausible, mais d’autres vont s’enfermer dans des ghettos idéologiques pour expliquer ce phénomène.
Que dire encore de cette élection ? On dit que la personnalité de Trump, qui avait accusé le camp démocrate de fraudes sans avoir fourni des preuves, a terni cette élection et lui a porté un grave préjudice. Cette accusation sans fondement de la part de Trump sur le déroulement de cette élection a provoqué des réactions passionnées, voire déchaînées de part et d’autre et elle a semé la controverse. Elle a beaucoup nui à la réputation de cette élection qui a été entachée et qui est habituellement le propre des Républiques bananières et la copie conforme de ce qui se passe dans les pays ou la démocratie n’est que de façade.
Comme toujours, jusqu’à la fin, Trump est resté fidèle à lui-même, ne reculant devant rien pour obtenir gain de cause. Sentant la défaite dans les dernières minutes, il a multiplié les démarches pour tenter d’inverser la vapeur en faisant fi de toute considération morale. Il s’est conduit tel qu’il a toujours été, en homme sans principes ni morale, et il a offert au monde un spectacle affligeant indigne de quelqu’un qui a été le dirigeant le plus puissant du monde.
Que dire encore de cette élection ? L’ère de Trump est révolue et une nouvelle ère va s’ouvrir avec Biden qui va s’atteler à combattre un adversaire plus que redoutable et qui l’attend au tournant, à savoir le coronavirus qui ne va lui laisser aucun moment de répit.
Une autre question mérite d’être posée : à l’aube de ce changement, la politique américaine vis-à-vis du reste du monde va-t-elle changer ?
A. C.
(Montréal)
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