Emié confirme l’antagonisme entre DST et DGSE qui a gêné l’armée en Algérie
Par Kamel M. – Le patron de la DGSE, le service du renseignement extérieur français, Bernard Emié, a confirmé implicitement l’existence de rivalités entre l’ex-DST et le service d’espionnage qu’il dirige après son retour d’Alger. Interrogé par Le Figaro en même temps que son collègue de la DGSI, Nicolas Lerner, sur la manière dont la communauté du renseignement comptait «resserrer ses liens» face au terrorisme islamiste, l’ancien ambassadeur de France en Algérie a affirmé que des mesures ont été prises par le Président français pour qu’il «n’y ait pas de compétition entre les services».
Le mot «compétition» est faible, estiment, cependant, des sources informées qui rappellent que la guerre larvée entre la DST et la DGSE a rendu la tâche des services de sécurité algériens «extrêmement difficile» dans leur lutte contre le terrorisme islamiste dans les années 1990. Si la DST collaborait avec le DRS algérien, expliquent ces sources, la DGSE s’ingéniait à mettre les bâtons dans les roues par mille et un subterfuges, du soutien indirect aux groupes terroristes à la campagne du «qui tue qui» dont l’un des principaux animateurs fut le «journaliste» Jean-Baptiste Rivoire, connu pour ses accointances avec la caserne Mortier.
Bernard Emié a précisé qu’en juin 2017, soit un mois à peine après son élection à l’Elysée, Emmanuel Macron «a donné une feuille de route claire à trois personnes qu’il venait de désigner : le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, Pierre de Bousquet, aujourd’hui directeur du cabinet du ministre de l’Intérieur, le patron de la DGSI, Laurent Nuñez, actuel CNLRT, et moi-même à la tête de la DGSE». «Nous devions faire en sorte d’être encore plus efficaces dans la lutte antiterroriste, d’éviter tous les trous dans la raquette et qu’il n’y ait pas de compétition entre les services», a-t-il fait remarquer.
«Nous avons pu et su imposer en interne des changements de méthode et de culture qui ne sont pas allés de soi immédiatement», a encore confié Bernard Emié, en ajoutant que «nous pouvons désormais parler non seulement de coordination mais aussi de fusion et les résultats sont très concrets». Le successeur de Bernard Bajolet, lui aussi ancien ambassadeur de France à Alger, a fait savoir que le service qu’il dirige depuis un peu plus de trois ans «partage tout» avec la DGSI, succédanée de la DST. «De cousins éloignés, nous sommes devenus des frères complices», a-t-il insisté.
Bernard Emié a également indiqué que la DGSE «a été désignée le chef de file de la lutte antiterroriste à l’extérieur [des frontières françaises] avec l’aide essentielle de [nos] partenaires internationaux, soit des dizaines de services de renseignement étrangers». Et de relever que «la menace [terroriste islamiste] pèse sur tous les Etats, sans exception». Il en est ainsi de la «bande sahélo-saharienne» qui «est d’une importance majeure pour la France», a-t-il dit. «Nous y poursuivons nos efforts avec une action très coordonnée des services de renseignement et de nos forces armées, appuyée par nos alliés, a-t-il poursuivi.
«Depuis octobre, force est de constater qu’il y a un climat de très fortes tensions dont certains profitent pour présenter la France comme l’ennemie des musulmans. C’est oublier nos liens historiques et profonds avec l’islam, a confié Bernard Emié dans un langage qui tend moins au renseignement qu’à la diplomatie, en estimant que «le monde a changé». Le service qu’il dirige aussi, assure-t-il.
K. M.
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