L’islamologue Razika Adnani : «L’islam traditionnel s’impose aujourd’hui !»
Par Nabil D. – L’islamologue franco-algérienne Razika Adnani a estimé, dans une interview au média français 20 Minutes, qu’un imam «ne peut pas appeler les musulmans qui viennent faire leur prière à la mosquée au respect des valeurs républicaines comme l’égalité femmes-hommes et tenir en même temps un discours religieux qui considère que les femmes sont inférieures aux hommes, par exemple», à partir du moment où «aujourd’hui, c’est l’islam traditionnel qui s’impose».
La conférencière, membre du Conseil d’orientation de la Fondation de l’islam de France (FIF) note, par ailleurs, «il faut reconnaître la responsabilité de l’islam, tel que les musulmans le conçoivent et le pratiquent, dans les problèmes qui se posent pour pouvoir faire cette réforme de l’islam [en France] qui est nécessaire aujourd’hui», car «on ne peut régler un problème que si l’on reconnaît son existence». «Créer un Conseil des imams est une bonne chose, mais sans cette réforme de l’islam, cela risque de créer un discours des imams qui ne sera pas accepté par les jeunes musulmans au sein des mosquées», a-t-elle affirmé.
Razika Adnani est catégorique : «Le problème qui se pose réside dans l’incapacité des responsables de l’islam, même s’ils défendent les valeurs républicaines et appellent au respect de la laïcité, à tenir un vrai discours de réforme sur certains points.» Selon elle, «beaucoup de questions se posent aujourd’hui au sein de l’islam mais que beaucoup évitent». «On entend souvent que le problème n’est pas l’islam mais l’islamisme ou que c’est juste une mauvaise compréhension de l’islam», a-t-elle insisté.
L’islamologue se dit convaincue que «la prise de conscience doit venir des musulmans eux-mêmes». «Concernant l’imam, la question est de savoir quel discours il tient. Est-il capable de poser la question des versets qui posent problème dans nos sociétés actuelles, et quelle sera sa réponse ou sa position ?» s’est-elle interrogée, en regrettant que «jusqu’à présent, beaucoup affirment qu’il faut respecter la laïcité et les valeurs de la République, mais ils n’abordent pas concrètement, ou très timidement, ces questions».
Interrogée sur le dialogue que les autorités françaises ont engagé avec les responsables du culte musulman, Razika Adnani a répondu que «c’est assurément une bonne chose pour l’islam en France et pour les musulmans». «C’est une bonne chose que les extrémistes aussi voient qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut, comme tenir un discours qui met en danger la République et la sécurité de la société», a-t-elle ajouté, en faisant remarquer, cependant, que «ce sont les conséquences sur le terrain qui interrogent».
L’initiative d’Emmanuel Macron «concerne la gestion de l’islam de France et non le culte musulman», a expliqué l’islamologue française d’origine algérienne, qui considère que «l’objectif est, d’autre part, de faire face à l’islam politique comme il le dit, autrement dit, des personnes qui font de la politique, au nom de l’islam, certes, mais cela reste une activité politique». «Il n’y a donc pas de contradictions avec la loi sur la laïcité que l’Etat réagisse pour protéger la République, tant qu’on est dans le domaine politique», a-t-elle conclu.
N. D.
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