Affront émirati : l’Algérie est-elle capable d’appliquer le principe de réciprocité ?
Par Mohamed K. – En regardant de plus près la liste des pays arabes concernés par la suspension de la délivrance des visas sur ordre du régime émirati, on constate qu’ils partagent tous un point commun. En effet, aucun d’entre eux ne fait partie des Etats du Maghreb et du Moyen-Orient cités parmi ceux qui ont procédé à la normalisation avec l’entité sioniste ou l’ont soutenue. Aussi cette mesure, qui a étonné plus d’un par sa soudaineté et son caractère extrême, résonne comme un chantage à l’endroit de ce nouveau front du refus.
Le silence de la diplomatie algérienne demeure, pourtant, une énigme. Prompte à réagir à toute mesure d’un Etat étranger considérée comme une atteinte à l’honneur des Algériens, l’Algérie se mure dans un intriguant silence et ni le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, ni une personnalité officielle, ni aucun parti politique n’ont réagi à cet affront, au moment où des cercles applaudissent encore le «caractère fraternel» qui marque les relations entre les deux pays.
La règle de la réciprocité sera-t-elle appliquée ? D’aucuns ne cachent pas leur scepticisme, tant le couple Bouteflika-Gaïd-Salah a jeté le pays dans la gueule du loup, en ouvrant la voie large devant les investissements émiratis tous azimuts et en allant jusqu’à permettre à un dignitaire de ce pays, Ahmed Hassan Al-Shibani, à qui il avait été permis de quitter le pays, les valises remplies de dollars, à l’orée de la chute du régime, selon des indiscrétions. La question se pose de savoir si notre pays a les coudées franches pour inviter les investisseurs émiratis à faire leurs bagages après celle nouvelle gifle qui a suivi celle de l’ouverture d’un consulat dans la ville occupée de Laâyoune.
L’ingérence émiratie a été dénoncée par les millions de manifestants qui battaient le pavé pour exiger la fin du système politique en vigueur depuis 1962. Les portraits des émirs du Golfe étaient, pour la première fois depuis l’indépendance, brandis aux côtés de ceux des symboles de la colonisation française, les Algériens ayant compris que les tenants du pouvoir, qui ont sévi depuis vingt longues années, ont vendu le pays aux pétromonarchies qui ont participé au pillage de nos richesses.
Pis, la lune de miel indécente et ostentatoire entre le régime d’Abu Dhabi et le gouvernement israélien constitue une véritable menace pour notre sécurité nationale. Les accords politiques, diplomatiques et économiques signés entre les Emirats arabes unis et l’Etat hébreu signifient clairement que toute entité commerciale émiratie qui exerce en Algérie est systématiquement liée à Israël et que toutes les informations stratégiques en possession des entreprises émiraties présentes dans notre pays peuvent être consultées par les autorités politiques et sécuritaires israéliennes.
Tous les arguments sont réunis pour inciter l’Algérie à se démarquer d’un certain nombre de pays arabes, voire à se retirer de la Ligue arabe, une demande formulée instamment et de longue date par de nombreux observateurs. L’ancien diplomate Abdelaziz Rahabi vient, d’ailleurs, de rappeler l’obsolescence totale de cette coquille vide. Mais l’Algérie affaiblie et isolée en a-t-elle encore vraiment les moyens ?
M. K.
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