La face cachée de notre ami le roi et du Makhzen
Par Ali Akika – Notre «ami» le jeune roi du Maroc a-t-il fini par céder au marchandage d’Israël comme celui proposé au Soudan, reconnaissance d’Israël contre effacement de ce pays de la liste du terrorisme dans le monde. Avec le Maroc, ce commerce d’épicier consiste à reconnaître mutuellement des souverainetés sur des terres colonisées et qui ne leur appartiennent pas. C’est le retour au moyen-âge et le règne de la jungle. Un zombi arrive et déclare ceci est à moi, vous avez une heure pour dégager…
Derrière la manœuvre de ce bizarre et mafieux commerce, il y a Israël qui se charge d’utiliser le levier de la puissante Amérique. Alléché par ce minable trafic, notre petit roi pense faire une bonne affaire. Notre roi a juste oublié que les contrats bidon sur le terrain politique sont nuls. Il a sans doute voulu mettre à profit le chaos organisé par Trump et Netanyahou avant que ces deux parrains ne sombrent dans le trou noir de l’Histoire. Ce tour de passe-passe a vite été compris par le Polisario qui répondit en mettant fin au cirque du cessez-le-feu qui profitait à l’occupant. Le petit roi ne s’attendait pas à cette réaction, pensant sans doute à 2017 où la tension en zone frontière de Guergarate fut réglée avec les mécanismes frelatés de l’ONU. Aujourd’hui, le Polisario a dit niet, non et l’ONU sera bien obligée de sortir de sa torpeur qui ressemble à de la complicité. Le mouvement de libération sahraoui veut signifier à l’occupant qu’on ne peut se prendre la grenouille de la fable de La Fontaine qui se veut faire plus grosse que le bœuf.(1)
Avec cette aventure, notre ami le roi M6 tente de concrétiser le rêve de son père Hassan II, conquérir le Sahara Occidental. Il s’agite beaucoup mais l’équation de la géopolitique n’est pas de tout repos face à un peuple décidé à ne pas courber l’échine. Aussi fait-il appel aux monarchies du Golfe qui, comme lui, paniquent et doutent de leurs forces à résister aux vagues qui se déchaînent à notre époque si troublée. Il s’est donc tourné vers une «internationale des monarques» sous la protection de puissances étrangères censées être leur planche de salut.(2)
Mais avant de touiller dans le vide de la «pensée stratégique» de notre ami le roi et les tartufferies du machin ONU, comme disait De Gaulle, une petite évocation d’un roi qui veut imiter Erdogan rêvant à un «empire ottoman contemporain»…
Kân yâmâ kân, il était une fois, dans une contrée bercée par la fraîcheur de l’Océan qui atténuait la chaleur torride du désert, un peuple vivait en nomade. Une vie matérielle rude, certes, mais propice à la poésie du nomadisme. Ces deux caractéristiques ont fait de ses habitants de farouches guerriers protecteurs de leur mode vie. Il se trouve qu’un voisin, installé dans ses beaux palais, «s’éprit» de leur pays aux confins de l’Afrique profonde. Ce n’est pas par démangeaison d’un impérieux besoin de vie spirituelle comme celui du père Charles de Foucault. C’est simplement dû à une propension «naturelle» de prédateur qui pousse ce roi à convoiter ce désert.
Ce n’est pas non plus Qays de Majnoun Layla qui se réfugia dans des dunes, rongé par les douleurs d’un amour contrarié. Nous avons plutôt à faire à un roi qui se réveilla un beau jour, au moment où le maître colonial de cette contrée plia bagage. Sa «nostalgie» de l’aventure par procuration s’appuya sur un mythe qui berça ses fantasmes, l’incitant à aller à la conquête de ce pays voisin. Comme visa d’entrée, il n’avait que le titre d’héritier fantasmé et bidonné de cette province prétendument détachée d’un immense et fabuleux empire d’antan. Il vendit cette fable d’abord à son peuple, ensuite à des étrangers bien placés et aptes à se transformer en mercenaires de la plume en contrepartie de séjour dans des riyadhs des Mille et une Nuits. Il oublia simplement que l’histoire ne se nourrit point ni de légendes, et encore moins de mensonges.
La Haute Cour de justice internationale lui répondit, en énonçant les preuves vivantes des hommes habitant ce territoire, par un NON quant à la jouissance d’un tel héritage. Rabroué, il passa au registre de gagner du temps en signant, en 1991, un cessez-le-feu avec les habitants/combattants qui s’étaient mis au travers de son chemin. Leur détermination et leur courage avaient suffi à le ramener à la raison et lui faire accepter un cessez-le feu en contrepartie du droit à l’autodétermination des habitants. Hélas, le vieux roi roublard transmit à son fils, héritier du trône, la même tactique et la même façon de penser. L’héritier continua à respecter les bienfaits du cessez-le-feu sans appliquer la contrepartie de l’accord signé. Il pensa s’en sortir par une fuite en avant d’une politique de l’esbroufe puisée dans la métaphysique de la pensée féodale. En quoi consiste cette métaphysique ? Elle ressemble à la chanson de Dalida Parolé Parolé.
Notre petit roi ne sait pas que les paroles s’envolent au moindre bruissement de l’envol d’un oiseau. Il inventa alors une solution susceptible de séduire le machin dénommé ONU. Il jeta son dévolu sur la notion d’autonomie qu’il offrirait aux habitants de «sa province». Et seigneur au grand cœur, il concédait à ses futurs sujets le droit d’errer d’une oasis à une autre pour faire paître leur cheptel, sans payer d’impôt. On se demande du reste si cette invention d’autonomie n’a pas été soufflée à «notre» bon roi par cette puissance qui s’abreuve encore à une source dénommée maréchal Lyautey.
Ce dernier, on le sait, avait conquis militairement le Maroc mais l’affubla d’un nom plus présentable, le protectorat qui remplissait la même fonction que la colonie. Et cette puissance amie lui conseilla d’inviter d’autres amies à venir ouvrir des représentations diplomatiques. Rappelons que le pays où réside un consulat ou une ambassade doit être membre de l’ONU. Pour l’heure, hélas, ce n’est pas le cas du Sahara Occidental. Mais pour l’occupant, le Maroc comme pour un autre Etat bâti sur les terres de Palestine, le droit international, c’est simplement un détail.
Quittons les fumeuses élucubrations de notre colonisateur et revenons sur les terres arides du réel, de l’histoire et de la politique. Face au déni des réalités de notre petit roi, le Polisario, dont il faut saluer la patience, a mis fin à ce petit jeu minable du poker menteur. Notre petit roi, faisant confiance à des amitiés aussi douteuses qu’intéressées, commençait à croire vraiment que le Polisario allait se fatiguer et se faire oublier. Encore une leçon apprise auprès de son allié Israël, empêtré avec les Palestiniens qui sont loin de se fatiguer.
A la tête d’un royaume enclavé qui l’isolait de l’Afrique, marché juteux pour ses produits agricoles et autres, notre roi monnayait aussi le transit à la France de ce territoire occupé. Avec un Sahara indépendant, le transit vers cette Afrique si convoitée ne serait serait pas si facile. Aussi, pour bénéficier des ouvertures en direction de l’Afrique, il lui fallait sortir de son enclavement pour avoir une carte géopolitique dans sa besace. Il tenta à la veille de l’indépendance de la Maurétanie d’avaler ce pays. La France mit le holà et refroidit les ardeurs de notre ami le roi. Profitant de la toute jeune indépendance de l’Algérie, il osa attaquer ce pays pour «récupérer» Tindouf. Mais ce pays était un trop gros morceau pour lui. Il finit par reconnaître Tindouf comme terre algérienne par un traité en bonne et due forme.
Son furieux désir d’une fenêtre sur l’Afrique ne le quitta pas pour autant. Le roi patienta, et quelques années plus tard, mit à profit la mort de Franco. Une occasion rêvée pour envahir le Sahara Occidental, évacué par l’Espagne occupée à rétablir la démocratie à la mort du vieux dictateur. Le roi Hassan II pensait faire une bouchée d’un mouvement naissant, le Polisario. Il se trompa lourdement. Il découvrit que sur ces «terres désertes» existait un peuple décidé à ne pas se laisser coloniser par un roi convoitant les fabuleuses richesses de phosphate de son sous-sol. Notre ami le roi savait qu’avec le fruit de sa prédation, le Maroc allait devenir le premier producteur du monde de ce minerai indispensable à la fertilité des sols.
Le roi fit une grave erreur en allant chercher des amitiés lointaines et faire la guerre à ses voisins. Privilégier la solidarité avec des monarchies du Golfe et avec Israël et les considérer comme des garanties de survie de sa propre monarchie relèvent d’une vision métaphysique de l’histoire. Le sort d’un régime politique dépend du peuple et non des amitiés et alliances qui vivent au gré des vents de l’histoire. La monarchie anglaise dont on connaît l’histoire prestigieuse doit sa permanence grâce à l’intelligence de ses monarques qui cédèrent la gestion du pays à des élus par le peuple. Ça leur évita de disparaître ou de finir dans l’exil à l’époque d’une Europe en proie à des révoltions.
Que va-t-il se passer maintenant que le Polisario oppose la critique des armes à la croyance infantile d’une rhétorique fleurissant sur le néant d’une pensée et la négation du droit international ? Les bla bla métaphysiques de notre roi et les tartufferies de l’ONU sont à mettre dans le grenier des souvenirs. Place à la vérité des choses et au verdict des armes. Dans une guerre, la victoire revient à celui qui s’allie avec le temps et s’adosse à son peuple. Deux atouts qui manquent cruellement au petit roi. Et puis, une guerre met en lumière les causes d’un conflit. Et dans le cas du Sahara, la cause est claire comme l’eau de roche et, de surcroît, déjà légitimée par la Cour internationale de justice et les résolutions de l’ONU, qui a classé le Sahara Occidental comme territoire à décoloniser et ses populations ont droit à l’autodétermination. Il ne faut pas être devin pour lire ce qui se passe derrière le refus du roi de répondre aux résolutions de l’ONU. A moins de vouloir ressembler à un Etat champion toutes catégories dans son refus d’appliquer la loi internationale. Mais l’opinion internationale alertée par les bruits de la guerre saura désigner les fauteurs de guerre.
A. A.
* Notre ami le roi est le titre d’un livre de Gilles Perrault qui décrit la face cachée du roi du Maroc Hassan II.
1- La fable de La Fontaine, la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf.
2- Tous ces pays qui courbent l’échine pour s’abriter sous le parapluie israélien devraient penser aux accords avec l’Egypte et la Jordanie. L’Egypte est payée en retour par le futur gazoduc Eliat-Haïfa doublant le canal de Suez qui va être déserté par les pétroliers en direction de l’Europe ou vers l’Asie. Quant à la Jordanie, elle peine à retrouver des fermes «louées» à Israël lors des accords du «Traité de paix» entre les deux Etats.
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