Un initié du Makhzen : «Le but du Maroc est de récupérer Tindouf et Béchar»
Par Houari A. – Un porte-voix du Makhzen présenté comme politologue a admis que l’objectif du Maroc à terme est de «récupérer le Sahara oriental», c’est-à-dire les villes algériennes de Béchar et Tindouf, à l’extrême sud-ouest du pays. Cet aveu, qui a été fait lors d’un débat houleux sur France 24 au sujet de la guerre qui bat son plein à Guergarate, fait resurgir une vieille rengaine marocaine qui remonte à l’indépendance de l’Algérie.
Dans son livre Ben Barka, Hassan II, De Gaulle, ce que je sais d’eux, paru en 2015 aux éditions Karthala, Maurice Buttin rappelle les convoitises du Makhzen et ses manœuvres pour accaparer une partie de l’Algérie dès après le cessez-le-feu signé entre le FLN et le gouvernement du général Charles De Gaulle. L’avocat et écrivain français natif de Meknès, au Maroc, se souvient que «dès le lendemain de l’indépendance [du Maroc], Allal El-Fassi […] développe la thèse du Grand Maroc, allant du fleuve Sénégal au sud, à la Méditerranée au nord, de l’océan Atlantique à l’ouest, à une partie de l’Algérie à l’est !» «C’est le début des revendications par les nationalistes de territoires depuis des lustres sous domination espagnole et du refus de toute reconnaissance d’un futur Etat mauritanien. Officiellement, le pouvoir marocain soutient aussi cette thèse», explique-t-il.
«La volonté d’instaurer la République n’est pas vraiment du goût de Moulay Hassan, puis de Hassan II, craignant des réactions semblables de ses sujets : l’Assemblée constituante, évoquée à plusieurs reprises par Mohammed V, n’est-elle pas devenue réalité en Algérie dès le lendemain de son indépendance ?» rappelle l’auteur, qui ajoute : «La direction socialiste prise par le pouvoir politique avec le président Ben Bella, notamment les nombreuses nationalisations d’entreprises ou d’activités diverses, n’inspireront-elles pas trop fortement l’opposition marocaine ?» mettant ainsi en avant la crainte de voir le peuple marocain revendiquer un système républicain.
Maurice Buttin rappelle que la France «[n’entendait] tenir aucun compte des revendications marocaines sur la frontière est du pays. Hassan II, lui-même, a signé, le 6 juillet 1961, un protocole d’accord secret avec Ferhat Abbas – le président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) – par lequel le Maroc acceptait de soutenir les revendications des nationalistes algériens sur le Sahara». Hassan II se servira alors de la Guerre des sables dans l’objectif machiavélique de «réveiller le peuple marocain dans son atavisme anti-algérien et le détourner des problèmes internes», explique l’avocat du militant nationaliste Mehdi Ben Barka, assassiné par le Mossad à Paris.
«Hassan II prie le gouvernement algérien d’accepter de rectifier la frontière algéro-marocaine telle que tracée par la France. Mais il ne reçoit aucune réponse à cette revendication. Dès lors, les incidents deviennent de plus en plus nombreux sur les confins entre les deux pays, en août et septembre 1963», écrit Maurice Buttin, en soulignant que «des hommes sont tombés de part et d’autre, mais le sort des frontières n’est en rien modifié» et que «Hassan II [a] fait machine arrière».
Recul tactique uniquement, puisque la revendication refoulée dans le for intérieur des fervents partisans de l’expansionnisme marocain refait surface de façon cyclique et à chaque fois que le Makhzen pense que l’ennemi de l’Est est suffisamment faible pour pouvoir le pousser dans ses derniers retranchements. A Rabat, on croit que le moment est venu de donner l’estocade, avec l’absence prolongée du président Tebboune, malade, l’encerclement de l’Algérie de toute part et la crise politique interne qui perdure depuis la déchéance d’Abdelaziz Bouteflika, le tout aggravé par une chute drastique des cours des hydrocarbures, principale source de revenus pour le pays.
Sauf que la situation au Maroc n’est guère meilleure. Elle est même plus grave.
H. A.
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