L’Algérie à la croisée des chemins
Par Samir Bouakouir(*) – L’échec prévisible du référendum sur la nouvelle Constitution a bel et bien sonné le glas d’un faux processus politique dont la finalité n’était autre que de donner une nouvelle apparence institutionnelle à un pouvoir qui continue à s’exercer dans l’ombre.
Avec cet échec, c’est la «solution constitutionnelle» imposée par l’armée, à travers une application à la hussarde de l’article 102 en mars 2019, qui devient caduque. Y recourir à nouveau, moins en raison d’une possible incapacité physique de l’actuel chef de l’Etat à exercer ses fonctions, – ce sera le prétexte officiel –, que d’une inaptitude politique à gérer un pays au bord du précipite, reviendrait, en s’inspirant de Marx tout en inversant l’ordre pour les faire correspondre à notre réalité kafkaïenne, à faire répéter deux fois l’Histoire, la première fois comme une farce, la seconde fois comme une tragédie.
Ce serait faire preuve pour le moins d’un manque total de lucidité que d’envisager une fois de plus, de trop cette fois, de nouvelles fausses issues qui, fatalement, conduiront, si ce n’est à l’effondrement, à l’enterrement des idéaux de Novembre 54.
Une douloureuse perspective que les vrais patriotes, et ils ne sont pas rares, redoutent par-dessus tout et qui, à ne point douter, réjouirait tous les révisionnistes locaux et les vieux nostalgiques du «double collège» ainsi que tous ceux pour qui l’Etat national est un obstacle à la réalisation de leurs desseins idéologiques ou hégémoniques.
Aujourd’hui, la solution politique est l’unique voie de salut pour la nation. Une solution politique qui ne se calquera pas sur les modèles transitionnels dits démocratique voulus par les oligarchies néolibérales mondiales qui, soulignons-le, n’ont pas de réelles filiations avec les libéraux classiques du XIXe siècle, certes, hostiles à l’intervention de l’Etat dans l’économie mais sanctifiant néanmoins les libertés et les droits individuels en les rendant inviolables. Cette nouvelle «aristocratie» mondiale développe une vision totalitaire qui, à force de «lois sécuritaires», transforme les Etats en instruments de généralisation du principe de concurrence sauvage bien au-delà de la sphère économique pour l’étendre à l’ensemble de la vie en société.
La solution politique que préconise par exemple un parti comme le FFS, et pas seulement fort heureusement, est celle d’un nouveau consensus national autour de mécanismes politiques singuliers, à inventer collectivement, qui se nourriront des bonnes et vieilles traditions historiques et sociales du peuple algérien.
Comité de sages, haute instance dirigeante, directoire, présidium…, peu importe la dénomination, peu importe la forme ; ce qui est fondamental, c’est le fond et c’est sur quoi nous devons nous accorder, par le dialogue et la concertation à tous les niveaux, pour redresser le pays, le doter de vraies institutions légitimes et pérennes et préserver ainsi la souveraineté nationale.
Et c’est à l’armée, seule institution digne de ce nom, d’impulser ce processus politique salvateur, parce qu’elle est à la fois responsable de la situation actuelle et qu’elle détient les clefs de sortie de cette impasse intégrale. L’armée doit ouvertement assumer le pouvoir qu’elle détient en vérité dans les faits. Il ne s’agit donc nullement d’un appel à une intervention militaire mais d’une clarification politique nécessaire pour s’atteler avec l’ensemble des forces vives de la société à la reconstruction de l’Etat pour parachever le projet national et sanctuariser l’Algérie. Des périls extérieurs pèsent, en effet, sur le pays et s’amplifient en proportion avec l’accentuation de nos fragilités internes. Il faut cesser de jouer avec le destin de l’Algérie comme on joue au poker. Ce serait condamner notre patrie, au mépris de notre histoire nationale et de l’esprit révolutionnaire qui a constamment et admirablement animé les Algériennes et les Algériens à n’être qu’une insignifiante petite province de cet Empire qui assujettit les individus et les peuples.
Alors, s’adresser aujourd’hui à l’Armée nationale populaire, c’est l’interpeller dans un moment d’une exceptionnelle gravité. Et c’est surtout, et contrairement aux aventuriers qui veulent l’en éloigner pour mieux désarmer le pays, lui rappeler plus que jamais son rôle politique historique.
Le pays est désormais face à son destin. A la croisée des chemins.
S. B.
(*) Conseiller du premier secrétaire du FFS.
Ndlr : Les idées et opinions exprimées dans cette contribution n’engagent que son auteur et n’expriment pas la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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