Abane et Ben M’hidi : prophètes terribles d’une Algérie éternellement rebelle

Abane Algérie
La jeunesse algérienne se doit de marcher sur les pas d’Abane et de Ben M’hidi. PPAgency

Par Khaled Boulaziz et Kaerdin Zerrouati – «Algérie, si ce n’était ta beauté inscrite dans tous les cieux/Je n’aurais jamais su le chemin vers mon Dieu.» (Moufdi Zakariya.) On constate, avec amertume, que l’effort pour la réappropriation de notre histoire nationale, qui n’est que la somme de nos histoires individuelles, reste posé et qu’il ne se limite point à faire reconnaître à la France l’ampleur des crimes qu’elle a commis au cours des cent trente-deux années d’occupation caractérisée par une violence inouïe. Pire encore, au fil des années, sa barbarie, qui a culminé au cours de la violente Guerre de libération qu’il nous a imposée, a été oubliée.

Cette pulsion à l’oubli est une entreprise sciemment réfléchie et entretenue par un dispositif élaboré pour la mainmise sur l’Algérie économiquement, politiquement et culturellement. Il y a un plan prémédité de division d’abord dans les esprits des Algériens en créant et élisant de nouveaux prophètes, ceux de la discorde et de la haine.

Mémoire courte ou plan prémédité, les algériens doivent se ressourcer ad continuum dans les préceptes de ceux qui ont consenti au sacrifice ultime pour que l’Algérie libre, unie et combative soit une réalité de toujours.

Nous voyons les prestidigitateurs de l’écriture de l’histoire, les apprentis-sorciers de la discorde et de la partition de l’Algérie se manifester à chaque fois que l’Etat devient fragile et que les Algériens luttent pour achever leur émancipation et tentent de se réconcilier.

L’éveil national des derniers mois s’est imposé de ne pas se donner d’idées définitives sur ce qui constitue le bon régime politique. Il en doute lui-même, il se cherche. Mais devant tant de défis à relever, il est nécessaire de retracer les pas de nos seuls messies et héros.

Abane, Ben M’hidi, deux immortels dans un engagement prophétique pour la cause nationale, restent l’arrimage pour notre conscience nationale moderne ; conscience d’une Algérie d’abord unie et jeune mais éternellement rebelle.

Initiateurs du Congrès de la Soummam, la plateforme qui y découla vota deux principes fondamentaux : primauté du politique sur le militaire, et primauté de l’intérieur sur l’extérieur.

La non-reconnaissance de ces deux principes par certains «chefs» fut dans une grande mesure fatale à la jeune nation algérienne, avec un cortège de pleurs et de sang. Mais sans ce duo, le Congrès aurait été un échec, car si Abane était connu par certains, Ben M’hidi, en tant qu’historique, l’était par tous les chefs. Il était la caution d’Abane et son plus sûr soutien.

Leur fait d’armes est inscrit à jamais dans l’âme de cette nation à devenir, Abane et les congressistes de la Soummam dans une lettre adressée à la Fédération de France du FLN en pleine guerre ont condamné les éléments qui, au-delà  d’une certaine frontière idéologique, continuent leur travail de sape et de division au sein de la nation algérienne.

Abane est un rassembleur au-dessus de tout soupçon, mais aussi, bien que francophone, un partisan de l’identité algérienne de culture arabo-islamique. A aucun moment, dans ses attitudes ou dans ses prises de position, il ne remit en cause de quelque façon que ce fût, les valeurs islamiques contenues dans la Proclamation du 1er Novembre 1954.

Abane n’était pas pratiquant, beaucoup de dirigeants ne l’étaient pas, ce qui ne l’empêchait pas d’être tolérant et respectueux de ses autres compagnons qui observaient scrupuleusement le dogme.

Loin des aspérités d’Abane, Ben M’hidi était un homme de consensus qui veillait à ne jamais blesser ou même froisser quelqu’un. Mais il ne laisse personne lui marcher sur les pieds.

Abane et Ben M’hidi étaient deux cœurs qui battaient que pour la Révolution. Dans leur combat, ils ne se quitteront plus. Dans une totale unité de vue, ils ont fini par imposer la même conception de la lutte dans ses aspects politique et militaire, la même appréhension de voir la Révolution instrumentalisée de l’extérieur, les mêmes urgences ; enveloppées dans une impérieuse ferveur, dont l’impératif absolu reste l’unité patriotique du peuple algérien.

Dans une vision prophétique Abane et Ben M’hidi ont su unifier toutes les couches du peuple algérien, toutes générations et régions confondues. Avec cette capacité de rassembler – qu’on ne retrouve que chez les chefs sûrs d’eux-mêmes qui n’ont point besoin de diviser pour régner.

Pour eux, l’indépendance demeurerait une chimère sans l’unité effective du peuple. Tous les soulèvements et autres mouvements de résistance contre le système colonial n’étaient qu’une succession d’échecs, y compris du temps de l’Emir Abdelkader, et ce faute d’unité dans le combat collectif et faute de direction nationale.

La paire Abane Ben M’hidi, visionnaire, unique et soudée par la seule passion de l’Algérie a su consolider le jeune mouvement de libération et gérer avec fougue et abnégation, son passage du stade insurrectionnel initial à la phase révolutionnaire proprement dite.

Cette paire a ouvert aussi la Révolution aux malheurs de tous les peuples. Elle s’est inspirée de toutes les expériences des hommes depuis le premier souffle de l’humanité. Et elle lui a voulu d’être la digne héritière de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des sans-voix.

La jeunesse algérienne, porteuse des aspirations de cette nation, se doit de marcher sur les pas d’Abane et de Ben M’hidi, les seuls et uniques prophètes d’une Algérie à devenir, unie et éternellement rebelle.

Sans haine, mais intelligence et discernement cette même jeunesse doit conséquemment juger le présent par le passé, et ne pas trop se fier aujourd’hui à cette France ringarde, l’ennemie d’hier, d’aujourd’hui et de toujours.

K. B./K. Z.

Comment (9)

    Anonyme
    10 décembre 2020 - 22 h 12 min

    La jeunesse algérienne, porteuse des aspirations de cette nation, se doit de marcher sur les pas d’Abane et de Ben M’hidi,…! Est-il dit.
    La jeunesse algérienne vit dans l’Algérie dans le XXI° siècle qui n’est pas celui de 1962.

    Elle voit que les jeunes des nations de monde qui l’entourent bougent, évoluent, s’adaptent, contestent, imaginent, inventent, chantent, dansent, aiment, écrivent des romans, voyagent, se révoltent, prennent à bras le corps les problèmes actuels: environnements, réchauffement climatique, besoins alimentaires, la liberté, la démocratie… en un mot ces jeunes femmes et hommes vivent leur vraie vie d’humains sur terre.
    Oui, la jeunesse algérienne est porteuse des aspirations de cette nation. Elle a déclenché, il y a un an, un mouvement qui aurait du amener les dirigeants de ce pays à se poser la question de savoir si l’Algérie avait vraiment suivi les pas d’Abane et de Ben M’hidi depuis 1962. Et qu’en a-t-il résulté?

    La jeunesse algérienne a besoin de respirer. Elle a besoin de travailler, de s’investir, de se distraire. Elle a besoin surtout de liberté et de dignité comme Abane et Ben M’hidi en leur temps qui, eux, ont choisi leur chemin en toute conscience et en temps que patriote. Alors, messieurs les conseilleurs, laissez donc cette jeunesse que vous voulez enfermer dans le carcan du passé (ce passé que nos jeunes respectent et honorent) dont des gouvernances successives se sont servis pour mieux anesthésier ce peuple qui ne demandait qu’à aspirer au bonheur.

    Qu’en est-il, vous qui vous considérez compétents pour donner des conseils à notre jeunesse, de ce problème des haranguas quittant le pays au risque de mourir ? Qu’en est-il de ces étudiants qui ne reviennent pas au pays après leurs études ? Pourquoi tant de jeunes s’adonnent à la drogue dès le plus jeune âge ? Pourquoi l’Etat, qui à des fins politiques, sacrifie la vie de la jeunesse en accordant à une partie de la population le droit d’imposer sa vision des mœurs (et ses commandements) à une autre partie de la population, au lieu de réguler et de protéger par la loi seulement, et par l’application juste de la loi dans ce domaine : est-ce que marcher la main dans la main avec sa copine en public est dommageable pour la patrie… Est-ce qu’une femme doit avoir moins de droit qu’un homme…Est-ce le lot de la femme d’être importunée et/ou insultée dans la rue…? Est-ce donc de cette Algérie-là qu’Abane rêvait, lui qui n’était pas pratiquant mais tolérant et respectueux de ses autres compagnons?

    Tagara
    10 décembre 2020 - 17 h 21 min

    Au souk de larbaa nath iraten où se trouvait pour la dernière fois Abane Ramdane. Un villageois lui a posé cette question « Crois-tu vraiment qu’il viendra le jour où partira celui-là qui bouffe notre terre ? » Abane lui répond « Celui qui bouffe notre terre partira avec certitude, mais le plus dur restera à faire partir : celui qui bouffe notre tête ».
    Liberons l’esprit algérien et retrouvons notre personnalité algerienne qui ne cesse de se perdre

    Hmed hamou
    9 décembre 2020 - 18 h 37 min

    [« La jeunesse algérienne, porteuse des aspirations de cette nation, se doit de marcher sur les pas d’Abane et de Ben M’hidi, les seuls et uniques prophètes d’une Algérie à devenir, unie et éternellement rebelle. »]
    Si j’avais un esprit un peu plus tordu, et un peu moins arabo-islamique que Abane (d’après vos écris), lui le [ » rassembleur au-dessus de tout soupçon.. (lui le) francophone, ( et néanmoins) partisan de l’identité algérienne de culture arabo-islamique »] bien que mainte fois, faut-il le rappeler, soupçonné lui et son congrès de la soummam et même clairement accusé (par benbella, et beaucoup d’autres, on en a même parlé ici sur AP) de pourfendeur de de notre identité arabo-islamique justement et même de danger pour notre unité (oui, l’ironie, lui Abane le rassembleur au-dessus de tout soupçon et chantre de notre identité arabo-islamique)..!! Donc, si je n’étais pas un tantinet moins arabo-islamique que Abane, je vous aurez aussitôt lu, aussitôt affiché chez sheikh hamadache pour blasphème !! Et vous verrez ce que c’est que un vrai arabo-islamique en action à travers une fatwa… Déjà en croyant en un seul prophète on est pas à l’abri de tomber sous le coup de l’apostasie, mais avec deux,… Soit vous êtes être téméraires ou alors être détenteurs d’une dérogation (pour blasphèmer) en haut lieu (chez les gardiens du temple) …
    Kamel Daoud en sait quelque chose lui, on la accusé d’apostasie pour moins que ça; sans même pousser l’audace jusqu’à nous inventer un nouveau prophete et encore moins deux prophetes et exclusifs pour une algérie à devenir!
    Donc, J’espère pour vous que vous êtes suffisamment arabo-islamiques pour passer le test du polygraphe et autres photographes, détecteurs d’apostasie, de l’inquisition religieuse? Quant aux tests de l’nquisition culturelle, je ne me fais pas de soucis, vous le passerez haut la main, je vous pense suffisamment adeptes du brassage génétique des Algériens et de leur multiculturalisme à outrance, les deux conditions indispensables pour tout bon algerien selon les critères de Benzatat, Benzatat & al. , Snaoui et Snaoui & al. (nos penseurs spécialistes du raisonnement par l’absurde).
    Bon bref. Si je m’attendais à ça, moi à qui on a depuis toujours fait croire comme à beaucoup d’autres que « nul n’est prophète en son pays », voilà qu’on (notre jeunesse) se retrouve maintenant, avec deux prophètes, au prix d’un, Allah ibarek !
    C’est l’éléphant qui s’ennuit, adjoignons lui un frère, tout un troupeau tant qu’on y est.

    En revanche, ce que je n’ai pas compris, par sans doute trop d’émotions d’un coup, c’est ceux ci: [« Sans haine, mais intelligence et discernement cette même jeunesse doit conséquemment juger le présent par le passé, et ne pas trop se fier aujourd’hui à cette France ringarde, l’ennemie d’hier, d’aujourd’hui et de toujours. »]?? Juger le présent par le passé !! Y a de quoi manger son chapeau et ses bottes en caoutchouc ; c’est même un coup à perdre la foi et même raison étant donné qu’il est hors de question de soupçonner nos élites pensantes de supercherie ! Certains nous reprochent de trop juger le passé par les yeux du présent, et voilà que vous deux, Mrs K. B. / K. Z., vous nous suggérez (à notre jeunesse) de juger le présent par le passé !?
    Vous savez que je vous envie messieurs. Vous deux et même Mrs Snaoui et Benzatat. Vous êtes capables de nous raconter une chose et son contraire et on trouvera toujours que c’est cohérent et intelligent; vous êtes même capables de nous faire avaler des couleuvres et des serpents à sonnettes, encore sonnant et remuant, de la nasse à l’assiette…et on en redemandera tellement qu’on les trouvera fins, goûteux et cuits « al dente », juste comme il faut.
    Vous savez tellement vous y prendre avec nos cerveaux de moineaux. Vous êtes capables de nos desserter pendant des heures sur notre brassage génétique et culturelle et nous en convaincre aussitôt pourquoi notre unité ne saurait se concrétiser qu’à travers notre identité arabo-islamique exclusive. Rien à dire,Vous êtes, tous les quatre, nos champions du raisonnement par l’absurde; vous êtes ses prophetes exclusifs . Les koreishites et le peuple élu n’ont qu’à bien se tenir, la lignée des prophètes c’est nous qui la détenons maintenant.

    Ps. J’ai une suggestion (comble d’insolence que de suggérer à des prophetes). Aussi, je souhaiterais Mrs Khaled Boulaziz et Kaerdin Zerrouati que vous demeuriez unis pour longtemps à continuer réfléchissez et disserte en binôme. Même que vous rejoignez un jour mr Boualem Snaoui et mr Benzatat. A quatre vous serez encore plus performants. Étant donné que vous avez le même message, la même prophétie à répondre. En quadrinôme vous arriverez à traître notre beoufs plus efficacement. En se relayant dessus sans relâche vous arriverez sinon à le convaincre intellectuellement qu’il était une vache dans son ancienne vie, aumoins vous l’aurez à l’usure physique et mentale . Et dans les deux cas le but sera atteint. Il lâchera sa goutte sinon pas conviction (et c’est l’idéal), ou alors par dépit pour avoir la paix, du moins pour avoir un peu de répit, jusqu’à la nouvelle saillie.

    Anonyme
    9 décembre 2020 - 16 h 53 min

    on comet les mêmes erreurs du passé, batailler pour la oumma, les arabes, les nord africains alors que tout le monde s’agenouille et au même temps clame la bravoure des algériens qui doivent payer la traitrise de ce monde kharabe, bravo !

    Argentroi
    9 décembre 2020 - 12 h 24 min

    Nos deux compères tâtonnent et lancent des ballons d’essai tel un think tank à ses débuts ! J’ai cru déceler du novembrisme badissisme dans leurs précédents écrits et maintenant ils sont abanistes m’heïdistes soummamistes mais avec un soupçon de bigoterie islamiste quand insidieusement ils nous apprennent que Abane n’était pas pratiquant ! Ah, s’ils savaient ce qu’il en était de la pratique religieuse avant que Chadli ne livre l’Algérie toute entière aux islamistes !

    Karamazov
    9 décembre 2020 - 11 h 50 min

    Iwi , que deviendrons-nous si les vigiles du temple ne guettaient pas le moindre zoizo de mauvaise augure qui zozerait semer le doutes dans nos convictions fortement établies.

    Quand je pense que Harbi et son acolyte au cours du pire de leur blasphème ont zozé suggérer de désacraliser notre rapport à notre religion et à notre révolution j’ai failli désespérer .
    Et comme ils ont dit eux : « Cette pulsion à l’oubli est une entreprise sciemment réfléchie et entretenue par un dispositif élaboré pour la mainmise sur l’Algérie économiquement, politiquement et culturellement . »

    Autrement dit : Harbi et l’autre sont missionnés bach nensaw echi lifate , kounna taht aqdam , mya ou thalithin 3am, mada qassaw djazairiyoun ou djazaïriyates.

    Hemdoulah ya Sidi, que nous avons des intellectuels de haute voltige qui ne cèdent en rien quand ils s’agit de notre révolution.

    Je trouve que nos deux auteurs accomplissent un acte de patriotisme en remettant à leurs places ces deux iconoclastes de Harbi et ainsi que tout ceux qui voudraient nous faire une religion et une histoire sans ce qui en elles nous émerveille et nous captive : la mythologie.

    Surtout au moment où on nous appelle à la vigilance et que notre pays est menacé de l’extérieur par des jaloux de notre réussite intérieur et que hemdoullah tout va bien.

    Chauffons les bendirs et les trompettes de la renommée et sus à l’ennemi !

      je pense qu'ils nous ont ....
      9 décembre 2020 - 15 h 29 min

      ….vu à l’œuvre durant le Hirak.
      ils s’essayent encore et ne cesseront d’essayer de nous faire oublier cette partie de l’histoire dont nous sommes fiers, notre fierté les dérange..

    Toumiat salim
    9 décembre 2020 - 11 h 21 min

    Merci aux journalistes pour cet appel a l ‘amour éternel de la terre qui a engendrait ces Hommes qui nous ont donnés honneur et dignité et qui engendrera encore ces mêmes hommes pour que vive l Algerie.

      Elephant Man
      10 décembre 2020 - 15 h 46 min

      @Toumiat Salim
      ALLAH YARHAM ECHOUHADAS AL ABRAR
      TAHIA EL DJAZAÏR

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