Rabat a déboursé 4 millions de dirhams pour le film marocain anti-algérien
Par Sabri Oukaci – Hicham Hajji s’était déplacé au Festival de Cannes en mai 2019 afin de présenter son film polémique Redemption Day, tourné au Maroc, dont il est à la fois le réalisateur, le producteur et le scénariste. Après des études secondaires au lycée français de Rabat et un diplôme obtenu à l’Ecole du cinéma de Montréal, Hicham Hajji a passé une année à travailler sur des vidéoclips avant de décider de retourner au Maroc où il va être appelé à travailler sur de longs-métrages nationaux et internationaux, en tant que second assistant réalisateur, puis premier dans plusieurs longs-métrages principalement marocains, français et américains.
C’est ainsi, en toute logique, qu’il est devenu directeur de production et lancera une société de production, HFilms, en 2008, avec laquelle il a pu décrocher quelques projets en tant que producteur exécutif. Il a, par la suite, développé ses propres projets en tant que producteur.
Il y a quelques semaines, Voltage Pictures, une société de financement, de production et de distribution de films pour le cinéma et la télévision, a dévoilé les premières images du film d’action Redemption Day, mettant en vedette Andy Garcia, Gary Dourdan et Serinda Swan et se déroulant au Maroc. En voici le synopsis.
Suite à la découverte des plus vieux ossements humains au Maroc datant de plus de 300 000 ans, Kate Paxton, une célèbre archéologue américaine, se rend sur place avec son équipe afin de les étudier, mais elle se fait soudainement kidnapper par un groupe terroriste algérien financé par la CIA. Son mari, un soldat américain, va tout faire pour la sauver avec l’aide d’un agent marocain de la brigade antiterroriste avec qui il a servi en Syrie.
Brad Paxton, personnage principal du film, va alors se lancer dans une opération de sauvetage meurtrière qui le confrontera à ses propres démons ainsi qu’aux forces puissantes et sombres de son propre gouvernement.
Tourné principalement dans la ville d’Ouarzazate, dans le sud du Maroc, le film, qui fait déjà polémique, présente le chef du groupe terroriste, de nationalité algérienne, sous les traits de l’acteur franco-algérien Samy Naceri, alors qu’Andy Garcia joue le rôle de l’ambassadeur américain au Maroc et le Marocain Brice El-Glaoui Bexter incarne l’agent antiterroriste marocain.
Rien de finalement bien original dans ce film qui reprend les standards éculés des blockbusters hollywoodiens, avec leurs duos de chocs (Buddy Movie), remplis d’adrénaline et de pétarades à longueur de temps, de la vengeance, de l’hémoglobine et un héros qui veut sauver sa femme emprisonnée par des méchants. Du déjà-vu.
Ce long-métrage, financé en partie par le gouvernement marocain, tend bien évidemment à véhiculer une image dégradée de l’Algérie, associée aux violences terroristes et au kidnapping d’étrangers. Un autre cliché qu’a trouvé le Makhzen pour tenter de véhiculer ses vieilles idées propagandistes contre l’Algérie, «pays hostile», contrairement au Maroc, présenté comme un pays sûr et ouvert aux étrangers.
Pourtant, sur son profil tweeter, le jeune cinéaste natif de Rabat affirmait que son film n’était pas financé par le Maroc, tout comme il donnait aux médias une tout autre explication quant à l’origine de sa démarche cinématographique.
«Lorsque mon ami a perdu sa sœur, la photographe Leila Alaoui, dans un attentat [du 15 janvier 2016 alors qu’elle était en mission pour Amnesty International pour une campagne contre les mariages précoces] au Burkina Faso, je me suis dit qu’il fallait absolument que je fasse un film sur ce sujet et de le faire de la manière la plus spectaculaire et la plus commerciale, de façon à raconter au monde que ces abrutis de terroristes n’ont rien de musulmans tout en faisant un film d’action spectaculaire», avait déclaré Hajji. Des abrutis terroristes algériens. Voilà, la messe est dite !
Se contredisant le 5 juin 2019, celui qui s’est installé aux Etats-Unis après avoir abandonné ses enfants, les laissant derrière lui au Maroc, répondait à la question du journaliste Cédric Lépine concernant les avantages et les inconvénients de l’industrie du cinéma de chacun des deux pays. Hicham Hajji avait alors déclaré que «l’avantage au Maroc est qu’il y a une aide publique. Généralement, les films marocains sont financés à 100% avec cette aide».
Et, selon nos informations, ce seraient plus de 4 millions de dirhams en subventions publiques qui ont été avancés par Sarim Fassi Fihri, producteur de cinéma marocain et directeur du Centre cinématographique marocain (CCM), pour soutenir le long-métrage. Après ce financement, Sarim Fassi Fihri avait déposé plainte contre le réalisateur Hicham Hajji pour une affaire de diffamation et d’insulte à un fonctionnaire public, au tribunal correctionnel à Casablanca. «Mon dépôt de plainte, le 3 juillet 2019, soit deux mois après les faits, a entraîné de la part de Hicham Hajji une longue publication sur sa page Facebook où il se déclare victime des abus du CCM à son égard», avait alors déclaré Sarim Fassi-Fihri.
Il faut dire que Hajji n’avait pas apprécié que les studios MPS Cinedina, qui appartiennent à Sarim Fassi Fihri, lui réclament le paiement des factures dues après y avoir tourné quelques scènes. Sarim Fassi Fihri avait alors menacé qu’à défaut de paiement, les camions chargés du matériel ayant servi au tournage resteraient bloqués et ne seraient pas autorisés à être rapatriés en France. Hicham Hajji s’était alors livré à des accusations gravissimes à l’encontre du directeur du CCM dans une séquence filmée et diffusée sur les réseaux sociaux. On y voit le réalisateur signer ostensiblement un chèque et hurler : «On est en train de signer un chèque pour le patron du CCM, ce fils de p… !» faisant de troublantes allusions à un racket de la part du directeur du CCM.
Sarim Fassi Fihri a retiré sa plainte au mois de septembre de la même année, et ce n’est pas par hasard qu’on retrouve, participant dans le film Redemption Day, la réalisatrice Zhor Fassi Fihri. Ce n’est pas la première fois que Hicham Hajji va utiliser la polémique pour tenter de faire le buzz en recourant aux scandales, espérant par-là se refaire une santé financière, lui qui déclare être au bord de la faillite.
En septembre 2019, Hicham Hajji avait apposé sa signature en signe de solidarité avec le manifeste pour dénoncer les «lois liberticides» du Code pénal marocain et engager «un débat national sur les libertés individuelles», sur «l’avortement» et les «relations sexuelles hors mariage». Un support qui lui a valu, là encore, les foudres d’une société marocaine conservatrice qui voit mal se développer en son sein des idées teintées d’un libéralisme odieux et bien éloignées des coutumes profondément musulmanes des Marocains.
Décidément, rien n’arrête les Marocains, à l’image de Hicham Hajji, dans leur culture de la manipulation, le mensonge et la provocation.
S. O.
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