Les cinglantes vérités d’un historien israélien qui font mal au régime de Rabat
Par Nabil D. – La saturation médiatique qui a accompagné l’annonce par Donald Trump de la normalisation du Maroc avec Israël a servi à étouffer toute opinion contraire à cette décision dont la survenance avait été prédite par de nombreux observateurs et médias, dont Algeriepatriotique dans de nombreux articles. Les réseaux sociaux et les chaînes d’information internationales dominantes ont assuré à ce mariage entre le Makhzen et le régime de Tel-Aviv une couverture planétaire qui a relégué jusqu’à la gravissime crise sanitaire mondiale au second plan.
Pourtant, un analyste, docteur en histoire du Moyen-Orient, lucide a transcendé cet emballement généralisé et décrit une réalité qu’Américains, Israéliens et Marocains tentent d’occulter. Zvi Bar’el écrit dans les colonnes du quotidien israélien Haaretz : «Le roi du Maroc est riche, mais son pays est pauvre». Il décrit le train de vie d’un monarque épicurien au train de vie inimaginable : «En 2016, le roi Mohammed VI du Maroc a offert au président Barack Obama un bel ensemble de cadeaux, dont un bracelet en diamant, des boucles d’oreilles en argent et une montre d’une valeur combinée de plus de 100 000 dollars. Environ deux ans plus tard, il s’est avéré qu’ils étaient relativement modestes du point de vue du roi.»
Ce n’est pas tout. «En 2018, le monarque a été vu porter une montre beaucoup plus chère de l’horloger Patek Philippe d’une valeur de 1,2 million de dollars – et ce n’était pas la montre la plus chère de son tiroir. Puis, au début de cette année, 25 personnes, dont une femme qui travaillait comme femme de chambre au palais royal de Marrakech, ont été jugées pour avoir volé 36 montres, dont la moins chère valait environ 20 000 dollars. Au-delà de l’atteinte au prestige du service de sécurité chargé des palais royaux, la divulgation du vol a suscité un tollé public sur le style de vie débauché du roi à un moment où environ un quart de ses 35 millions de sujets vivent au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté», rappelle l’enseignant au Sapir Academic College.
«Mohammed VI peut se permettre son style de vie en raison de sa richesse personnelle estimée à plus de 8 milliards de dollars, qui s’ajoute au budget de la cour royale, estimé à plusieurs centaines de millions de dollars par an. Cela fait de lui le monarque le plus riche d’Afrique et le cinquième le plus riche du monde», note Zvi Bar’el dans Haaretz qui ironise : «Tout cela ne veut même pas dire qu’avec la reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, une nouvelle voie pour les cadeaux s’est ouverte pour la cour royale israélienne à la résidence du Premier ministre à Jérusalem.»
Contredisant l’image idyllique d’un Maroc prospère distillée par la propagande du Makhzen, le chercheur à l’Institut Truman de l’Université hébraïque de Jérusalem relève que «le chemin du Maroc vers le statut de nation développée est encore long», que sa dépendance au pétrole étranger est «totale», qu’«environ la moitié de la population vit de l’agriculture et les aléas du tourisme, qui représente environ 11% du PIB du pays» et que «le taux d’analphabétisme est d’environ 45%».
Se référant à un sondage réalisé en 2019 par le réseau de recherche Arab Barometer, l’auteur fait remarque que «70% des jeunes Marocains âgés de 18 à 29 ans ont exprimé le désir d’émigrer». Ce chiffre «n’est pas surprenant», compte tenu du taux de chômage excessivement élevé dans le pays, constate l’analyste, selon lequel «chez les jeunes, le taux est environ le double».
Zvi Bar’el n’exclut pas une explosion sociale car, explique-t-il, «cette tranche d’âge est la plus préoccupante en tant que source de troubles et de révoltes, comme on l’a vu en 2015 et 2017, lorsque des milliers de personnes de la région du Rif sont descendues dans la rue pour protester contre la détresse économique et le manque d’aide gouvernementale».
N. D.
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