L’Algérie doit maîtriser l’intelligence économique face au pouvoir mondial
Par Dr Abderrahmane Mebtoul – Les cyber-attaques récentes rendent urgente la maîtrise des nouvelles technologies de l’information. Face à cette situation ayant des impacts géostratégiques, économiques et sécuritaires, l’état-major de l’ANP à travers les dernières éditions El-Djeïch tire la sonnette d’alarme afin que la majorité des responsables des institutions stratégiques en Algérie, en déphasage par rapport aux nouvelles réalités tant internes que mondiales, s’adaptent en urgence, nécessitant un important investissement dans le savoir. Politiques, militaires, entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel.
Le nouveau système d’information : une révolution planétaire
La naissance des NTIC est la résultante de la convergence de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. Le développement d’Internet à haut débit, la démocratisation de l’ordinateur et des nouvelles technologies découlent d’une baisse des tarifs proposés par les fournisseurs d’accès et d’une demande de plus en plus présente de la clientèle. Le boum des blogs et des messageries électroniques donne aux TIC une place de plus en plus vaste dans notre société. Cette interaction de l’électronique et de l’informatique explique que les applications des NTIC puissent répondre aux besoins aussi bien des entreprises et de l’Etat que des ménages et des individus.
Désormais soumises aux mêmes lois du marché que n’importe quelle autre activité de production marchande, les NTIC constituent, en outre, un secteur où la concurrence se joue directement à l’échelle mondiale. La globalisation des entreprises, des marchés et des circuits de la finance n’a pas seulement impliqué un remodelage des structures économiques et des flux d’échange, elle a aussi conduit à la professionnalisation de la communication et de l’information, ainsi qu’à une intégration de plus en plus poussée des phases de la conception, de la création et de la consommation des produits, parallèlement à la fusion de sphères d’activités jadis séparées, voire opposées.
Plus qu’une ouverture vers le grand public, les TIC révolutionnent l’organisation interne de l’entreprise, les logiciels de gestion appelés les ERP (Entreprise Ressource Planning) gèrent différentes tâches comme les stocks ou la trésorerie, le travail collaboratif est simplifié grâce à l’utilisation de l’intranet et de la messagerie, le système «wireless» ou «sans fil» maintient un lien permanent avec des collaborateurs en déplacement tout comme la vidéo-conférence, tout cela génère un meilleur partage ainsi qu’une meilleure circulation de l’information interne. Ainsi, le monde est devenu une grande maison de verre.
L’infrastructure de l’Internet se répand aujourd’hui autour du monde pour créer un large réseau mondial et ce grâce à l’informatique qui permet aujourd’hui de numériser les informations et de gérer de nouveaux systèmes. L’intégration des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel a donné naissance à la Société de l’information qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des Etats et des organisations internationales. Cet intérêt s’est trouvé accru depuis plus d’une décennie en raison des retombées socio-économiques et culturelles des nouvelles technologies de l’information de la communication (NTIC), la «fracture numérique» transcendant les clivages géographiques et traverse de part en part toutes les sociétés humaines.
Les nouveaux moyens de télécommunications facilitent l’échange et la diffusion de la connaissance. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’Etat. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l’analyse de la valeur des produits et services, que l’on effectuera davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l’introduction des TIC.
Les NTIC permettent de mettre en place depuis quelques années des modèles d’organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et la flexibilité. Le phénomène de délocalisation de l’emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises, particulièrement à celles qui sont d’une grande envergure : télé-saisie, télétraitement et télémaintenance informatique sont maintenant une réalité de tous les jours.
Maîtriser l’intelligence économique pour des raisons de sécurité nationale
Contrairement au passé, en ce XXIe siècle, les nouvelles technologies contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’Etat, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsque qu’elle tend à vouloir faire des sociétés un Tout homogène alors qu’existent des spécificités sociales des nations à travers leur histoire. Cela peut conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire, la dictature des mots et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue vis-à-vis des informations officielles par la manipulation des foules, lorsque des responsables politiques formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer.
Les satellites remplissant l’atmosphère, permettent d’espionner tout pays, de détecter le mouvement des troupes et la diffusion d’images de toute la planète. Les drones sans pilotes commencent à remplacer l’aviation militaire classique pouvant cibler avec précision tout adversaire à partir de centres informatiques sophistiqués à des centaines de kilomètres. Les nouvelles techniques de l’information remplaceront dans un proche avenir les journaux papier et influent sur la gouvernance des Etats et l’organisation des entreprises/administrations en réseaux décentralisés, loin de l’organisation hiérarchique dépassée. L’interconnexion bancaire et éclectique peut bloquer tout pays dans ses transactions financières et la panne des réseaux d’électricité peut plonger tout pays dans les ténèbres. Le monde est à l’aube d’une quatrième révolution économique et technologique, fondée sur deux fondamentaux du développement du XXIe siècle, la bonne gouvernance et l’économie de la connaissance, avec comme trajectoire la transition numérique et la transition énergétique.
Je rappelle qu’en tant que directeur général des études économiques et premier conseiller à la Cour des comptes, j’avais été chargé par la présidence de l’époque en 1983 du dossier surestaries, des nombreux bateaux en rade qui occasionnent des sorties de devises importantes, j’avais suggéré, en relation avec les services du ministère du Commerce, de l’Intérieur, desFfinances et de différents départements ministériels concernés, l’urgence pour lutter contre à la fois les surestaries et les surfacturations l’établissement d’un tableau de la valeur par la mise en place d’un système d’information en réseaux et en temps réel reliés aux réseaux internationaux afin de connaître les coûts/qualité des produits importés.
Dans ce cadre, l’intelligence économique et sa gestion stratégique est devenue pour une nation et l’entreprise d’une manière particulière, l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sécurité. L’intelligence économique intègre deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Le modèle d’Intelligence économique recouvre en trois concepts. Nous avons d’abord les données qui sont des nombres, des mots, des événements existants en dehors d’un cadre conceptuel de référence. Ensuite, nous avons l’information qui est l’accumulation de données, traitées et transformées qui deviennent des informations, validées et confrontées, qui commencent à avoir un sens. Enfin, nous avons la connaissance qui est l’ensemble d’informations interprétées qui permet de prendre des décisions. Les passages par ces trois concepts se fait de la manière suivante.
Je veux la bonne information au bon moment. Une fois les objectifs globaux en matière d’information arrêtés, et les missions de recherche, collecte, tri et stockage validées, il faut analyser l’information, exploiter les résultats de manière à faire ressortir les aspects aidant à la prise de décision. Pour faire de l’intelligence économique un véritable avantage concurrentiel, il est indispensable de l’intégrer aux fonctions de l’administration et de l’entreprise. L’approche processus permet une meilleure coordination des étapes pour profiter au maximum du gisement informationnel en vue d’actions efficaces sur l’administration ou l’entreprise ou son environnement du fait d’interactions complexes.
Le contrôle de l’information permet de consolider le pouvoir militaire via l’économique
Une nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment, qu’il s’agisse de connaissance des marchés, d’informations juridiques, technologiques, normatives ou autres, créant une asymétrie d’information à son avantage. D’où l’appui aux entreprises pour l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les services de renseignement et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur.
Depuis l’apparition des intranets et des extranets, l’information se diffuse plus rapidement et plus largement hors des frontières, acquérant ainsi une telle valeur stratégique que l’enjeu est désormais de se l’approprier. Les motivations des pirates informatiques ont évolué : du piratage de logiciels de la part d’amateurs dont la motivation essentielle consistait à voler pour leur usage personnel, nous sommes passés à un piratage «professionnel» d’ordre économique (détournements d’argent) et piratage industriel, proche de l’espionnage. Les interceptions de communications ont aussi évolué. Des écoutes téléphoniques, nous sommes passés aux interceptions des messages électroniques. Lorsqu’un mail est envoyé de façon habituelle, il n’est pas crypté et peut transiter par une dizaine de proxys qui jalonnent le parcours vers sa destination.
Or, ces derniers conservent, pour des raisons techniques mais aussi légales, une copie des messages reçus. Les informations contenues dans le corps du message et dans les fichiers joints peuvent donc être lues par autant de responsables de proxys que nécessite le trajet. Les vols de documents ne se produisent pas seulement en accédant, à distance ou non, à un ordinateur ou un serveur, mais également de la façon la plus inattendue par les photocopieuses. Elles sont ainsi devenues de véritables centres de stockage informatisés, et cela très souvent à l’insu des dirigeants et salariés des entreprises.
Les copieurs et les machines multifonctions les plus modernes stockent les informations avant de les imprimer, des experts en informatique peuvent donc ensuite très facilement récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre.
En conclusion, l’Algérie est un pays à fortes potentialités et acteur stratégique de la région méditerranéenne et africaine. L’objectif stratégique est de traduire en termes concrets ses potentialités pour être en mesure de relever avec succès les défis innombrables qui nous sont lancés par le monde moderne en perpétuel mouvement n’existant pas de situations statique, où toute nation qui n’avance pas recule forcément. Je suis persuadé, en fonction de son histoire mouvementée depuis des siècles et de ses potentialités actuelles, notre peuple trouvera sans nul doute les ressources morales et psychologiques qui lui permettront, comme il l’a fait maintes fois face à l’adversité, de transcender avec dignité et honneur les rancunes et les haines tenaces.
La bureaucratie centrale et locale qui engendre la corruption, héritage d’une économie administrée, constitue une des contraintes les plus fortes menaçant la sécurité nationale et dont l’éradication est absolument nécessaire pour insuffler la dynamique au développement dans le cadre d’une libéralisation maîtrisée conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale à laquelle je suis profondément attachée car consolidant la cohésion nationale. Pour dépasser l’entropie actuelle, éviter un retour au FMI début 2022, ce qu’aucun patriote ne souhaite, je tiens à considérer que le développement de l’Algérie, sa stabilité et la reconquête de la cohésion nationale passe par la construction d’un front intérieur solide en faveur de profondes réformes.
Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, et à trouver les raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire, ensemble, le destin exceptionnel que nos glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux.
A. M.
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