Premier vol à consommation médiatique Tel-Aviv-Rabat ou la diplomatie du maïs
Par Mrizek Sahraoui – Transgénique, pour le coup. Beaucoup a été dit à propos de l’accord de la honte entre le royaume chérifien et l’Etat hébreu sous couvert d’un (ex-) Président qui se dit républicain sans respecter les valeurs républicaines. Jusqu’à moins d’un mois de l’investiture de Joe Biden, le Président élu, Donald Trump refuse toujours le verdict des urnes, pourtant clair, net et sans appel.
La suite des événements, notamment le vol inaugural, finalement un banal exercice de communication destiné à la consommation médiatique internationale et, accessoirement, à consoler les fans de Donald Trump, désormais orphelins, est plus intéressante. Eh bien, à sa descente d’avion comme sur le tarmac de l’aéroport de Rabat, Jared Kushner, l’homme qui aura su jouer en sous-main, on le sait à présent, la carte de la diplomatie du maïs, a ravivé un lointain souvenir. Celui d’un autre diplomate, Bernard Kouchner, qui, en son temps, avait et, en vain, tenté de vendre une autre technique de virtuose restée dans l’histoire comme la plus grande arnaque jamais égalée dans les annales des Affaires étrangères : la diplomatie du sac de blé – ou de riz, ce fut selon – pour régler les conflits de (son) époque. Epoque tristement marquée notamment par le génocide au Rwanda qui lui est sans doute restée au travers de l’encolure. Sans plus, et probablement sans regret.
Si le premier vol de la ligne entre Tel-Aviv et Rabat, à bord duquel s’est trouvé Jared Kushner, le gendre du Président, lequel risque, pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, d’être délogé manu militari de la Maison-Blanche, s’est avéré relever de la pure communication, la palanquée des personnalités présentes lors de ce voyage, une bonne partie pétrie aux dogmes de Foggy Bottom, mérite, elle, d’être, en revanche, regardée de près.
Dans cette liste accompagnant le mari de la fille du président américain sortant – par la petite porte de la Maison-Blanche –, dont la mission s’achève définitivement le 20 janvier prochain, figure un autre ponte de l’administration Trump. Un businessman dont la principale préoccupation est moins de venir en aide aux pays pauvres (tel le Maroc) que de sevrer les richesses où elles se trouvent, comme le veut la tradition américaine, plus largement occidentale, en matière d’aide au développement économique dans les pays défavorisés ou à moyens revenus.
La présence, tout sauf un hasard, aux côtés de Jared Kushner du PDG de la société de financement du développement international des Etats-Unis (DFC) témoigne, d’une part, de la volonté de l’Amérique de s’implanter en Afrique pour mieux soumettre les pays africains en quête d’aide financière internationale et, de l’autre, à contrecarrer les investissements chinois dans la région. Un paradigme qui rentre, on ne peut plus clair, dans la stratégie globale de la guerre commerciale rudement menée contre la Chine.
Jouant tout de même le bon samaritain en public, cette société, très controversée et qui a fait par le passé l’objet de sanctions à la suite de scandales liés à des fraudes en tout genre, dans la même veine que celles qui donnent le doigt puis reprennent le bras, est accusée par de nombreuses ONG d’utiliser «la faim à des fins commerciales et politiques, au bénéfice des grosses industries agroalimentaires».
Inutile donc de crier victoire. La vente concomitante du Sahara Occidental au mépris du droit international ne sera pas, au final, une affaire rentable, quand on sait l’appétit insatiable des monstres de la finance et des mastodontes de l’industrie agroalimentaire américains, de toute évidence à l’assaut de l’Afrique, avec comme porte d’entrée grande ouverte le royaume du Maroc.
M. S.
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