Heureux divorce !
Par Mrizek Sahraoui – Il y eut un accord commercial mais au forceps, et c’est loin d’être fini. Le Royaume-Uni et l’UE ont finalement abouti à un accord, après une transition de dix longs mois d’interminables et non moins laborieuses négociations qui ont, à une semaine du délai imparti, failli achopper sur quelques points de détails qui, au fond, ne sont que la réalité vigoureuse d’une séparation douloureuse qui portera dans l’histoire le nom de Brexit.
Alors que Boris Johnson, le Premier ministre britannique, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et les négociateurs en chef crient victoire à l’unisson sur le toit de l’Europe, sur terre, précisément aux alentours du port de Douvres, porte de sortie vers le continent, la colère des routiers, plus de 6 000, selon les médias locaux, coincés en attente d’embarquement, grandit et fait émerger l’amer avant-goût des contraintes liées aux futures formalités douanières qui seront mises en œuvre, dès le 1er janvier prochain. Les économistes avancent le chiffre de 255 millions, voire jusqu’à 350 millions de déclarations de douanes par an, que devront traiter les services portuaires britanniques, dès le mois de janvier 2021.
Les autorités britanniques et les responsables européens en charge du dossier ont présenté l’accord conclu ce 24 décembre, bien que son contenu ne soit pas totalement mis à la portée du public, voire des parlementaires européens, comme un cadeau de Noël. C’est même la jubilation des deux côtés de la Manche, au point où on eût qualifié ce compromis venu apporter un réconfort à l’occasion de cette fin d’une année horrible d’événements révolutionnaires. Ce peut-il être le cas, mais un heureux divorce, dirait-on, qui s’apparente plus à un auto-satisfecit qu’à un réel exercice d’évaluation d’une situation très complexe annonciatrice d’un avenir brumeux, incertain, ou même dystopique.
Difficile, en effet, de cacher indéfiniment aux Européens, circonspects et très angoissés par l’arrivée probable d’une nouvelle vague meurtrière de la pandémie, que le Brexit n’aura pas été un phénomène découlant principalement du nationalisme anglais. D’ailleurs, d’aucuns s’accordent à cingler que seul le nationalisme a gagné dans cette affaire qui laissera des traces. Notamment dans une Union européenne moribonde, en proie à l’influence des courants et des mouvances nationalistes résolument opposés au maintien du statut actuel de l’Europe. Une Europe, qui plus est, ayant plusieurs fers au feu : gérer les crises sanitaires et des flux migratoires, lancer les campagnes vaccinales, gérer les humeurs coléreuses d’un sultan turc féodal, de plus en plus exigeant et conquérant, au moment où le moteur franco-allemand présente des ratés, peine à tenir le régime, quand il n’est pas carrément en panne.
Le but n’est pas de jouer les Cassandre, mais le moins que l’on puisse alléguer est que l’Europe, après le divorce d’avec le Royaume-Uni, est loin de vivre une honeymoon, malgré l’euphorie collective qui s’est emparée des artisans de cet accord post-Brexit, tout de même historique.
M. S.
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