Vaccin : un médecin exerçant au Canada explique pourquoi l’Algérie est indécise
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – Instructions du président Tebboune au Premier ministre Abdelaziz Djerrad pour lancer la campagne de vaccination, déclarations contradictoires de plusieurs responsables de la santé, tergiversations de part et d’autre, improvisation, manque de transparence, chaîne de froid, logistique, choix et prix du vaccin. Il faut aussi ajouter à cela les points sur les «i» du ministre de la Santé à l’encontre de certains responsables qui ont émis des commentaires autour du lancement de la campagne de vaccination et qui ne relèvent pas de leurs prérogatives, selon lui. Les défis et les problèmes que soulève le lancement de la vaccination en Algérie sont nombreux. Un vrai casse-tête chinois que nous pose encore ce Covid-19.
Ce n’est pourtant pas le cas ailleurs. Dernier virage à amorcer avant la ligne droite pour beaucoup de pays qui se lancent dans la course aux vaccins contre le Covid-19. Ainsi, aux quatre coins du monde, les préparatifs pour lancer la campagne de vaccination battent leur plein et les responsables, qu’ils soient politiques ou sanitaires, donnent des directives, élaborent des stratégies et affutent leurs armes dans un contexte de lutte mondiale contre la pandémie, en vue d’être prêts le jour «J». Chaque détail a son importance et il faut dire que la tâche s’annonce difficile et périlleuse, vu le défi logistique que posent certains vaccins pour leur acheminement et leur conservation avant de les administrer aux concernés.
Un consensus mondial s’est dégagé pour établir l’ordre de priorités des personnes qui recevront le vaccin. En premier lieu, on doit commencer par vacciner les personnes âgées qui résident dans les foyers ainsi que le personnel de santé et tous les assimilés qui veillent sur elles. Ensuite, ce sera le tour des personnes âgées de 80 ans et plus et ainsi de suite. Cet ordre de priorité a été décidé en tenant compte du risque qu’encoure chaque groupe face au Covid-19 en fonction de l’âge, des maladies chroniques que présente chaque personne ainsi que les risques que courent les professionnels de la santé et les assimilés qui s’occupent des malades contaminés.
Certains pays ont déjà commencé la vaccination. La Grande-Bretagne, où une nouvelle variante du coronavirus a été découverte, la campagne de vaccination à grande échelle a déjà commencé, ouvrant le bal le 8 décembre 2020, en administrant le vaccin Pfizer/BioNTech à une patiente âgée de 90 ans. Les Etats-Unis, pays le plus touché en nombre de décès (presque 300 000), n’a pas tardé à suivre les Britanniques six jours plus tard. Le 14 décembre, une infirmière a été la première personne à recevoir le vaccin Pfizer et déjà un million de personnes ont été vaccinées à ce jour. On prévoit de vacciner 100 millions de personnes avant la fin du 1er trimestre 2021. A la même date, au Canada, une personne âgée de 89 ans a reçu le vaccin Pfizer /BioNTech. 150 personnes au total, des résidents et des employés d’un CHSLD (Centre d’hébergement et de soins de longue durée) ont été vaccinées le même jour pour honorer cette catégorie de population qui a perdu beaucoup de ses membres.
En Russie, c’est le vaccin Spoutnik-V développé localement qui est administré. La campagne de vaccination a été lancée bien avant les Britanniques, les Américains et les Canadiens. Le 27 novembre, les Russes ont commencé à vacciner leurs militaires et le 7 décembre 2020, la vaccination à grande échelle a commencé pour les autres catégories de la population.
En Europe, l’agence européenne a donné le feu vert pour lancer la campagne de vaccination en autorisant le vaccin Pfizer/BioNTech. Les 27 pays de l’Union européenne sont convenus de lancer le même jour leur campagne de vaccination contre le coronavirus ce 27 décembre.
Ces pays savent que le Covid-19 ne sera pas éternel. Une fois la pandémie vaincue par le vaccin, ce sera le moment de relancer la machine économique pour pouvoir essayer de rattraper le temps perdu causé par cette pandémie. Un autre âpre combat qui reste encore à mener. Il sera difficile pour beaucoup de pays de redémarrer une économie qui était déjà en léthargie et le temps presse.
En Algérie, aucune stratégie n’a été dévoilée pour le moment. C’est le flou total. Nos responsables de la santé font des déclarations qui ne sont guère rassurantes et sont souvent contradictoires. Rien n’a été décidé officiellement en haut lieu. Aucune date n’été avancée ni pour l’arrivée des vaccins ni pour le début de la vaccination. Pourtant, le président Tebboune a anticipé en donnant des instructions au Premier ministre pour se préparer à acquérir le vaccin dès sa disponibilité et en quantité suffisante, alors qu’aucun vaccin n’était encore développé. «Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a donné, ce jour, des instructions au Premier ministre pour accélérer les contacts nécessaires avec les pays où les recherches scientifiques ont avancé pour la production du vaccin anti-Covid-19, et ce, en vue d’obtenir ce vaccin en quantités demandées dès sa commercialisation», lit-on dans le communiqué de la Présidence du 2 août 2020.
Le 20 décembre, lors de sa dernière intervention à partir d’Allemagne où il est en convalescence, il a encore donné des instructions au Premier ministre pour lancer la campagne de vaccination au mois de janvier 2021. Nous sommes à quelques jours de la nouvelle année et rien ne pointe à l’horizon.
Le 22 décembre, le Premier ministre, lors d’une réunion consacrée à la campagne de vaccination, nous apprend que le comité scientifique algérien avait contacté plusieurs laboratoires fabricants de vaccins et que les contrats de livraison étaient sont sur le point d’être finalisés. Attendons encore quelques jours pour y voir plus clair !
En vérité, l’Algérie bute sur le choix du vaccin. Pour celui de Pfizer/BioNtech, le maintien à -75 degrés depuis le lieu de sa fabrication jusqu’au centre de vaccination est un grand défi qui se pose à notre pays, vu nos moyens limités et notre capacité réduite à stocker un vaccin qui nécessite une logistique complexe. Il y a aussi d’autres contraintes pour acquérir les vaccins de Pfizer/BioNTech et de Moderna. On peut citer, entre autres, les prix qui sont faramineux comparés à d’autres vaccins qui sont moins couteux. Leurs disponibilités sur le marché sont rares. Ce ne sont pas des vaccins qui sont facilement accessibles. Il faut faire sa commande et attendre plusieurs semaines avant d’en prendre possession.
A ce jour, plus d’une centaine de vaccins contre le Covid-19 sont en développement de par le monde. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est engagée, par le mécanisme Covax qu’elle dirige, à assurer une distribution juste et équitable du vaccin qu’elle jugera efficace et adéquat au moment voulu. L’Algérie a intégré ce groupe Covax qui compte 170 pays membres. Par ailleurs, l’Algérie n’est pas le seul pays à ne pas avoir choisi son vaccin et à ne pas avoir établi un calendrier pour lancer sa campagne de vaccination. D’autres, plus avancés en matière de moyens et de logistique, tels que le Japon, l’Australie et la Corée du Sud, n’ont pas encore éprouvé la nécessité de s’engager dans une campagne de vaccination sans avoir au préalable attendu de voir si les vaccins sont réellement efficaces sur le terrain. Ceci, pour justifier leur retard par rapport aux autres pays qui se sont engagés sur le terrain de la vaccination. Mais il faut souligner que ces pays ont su maîtriser la pandémie du coronavirus, ce qui n’est pas le cas en Algérie et même aux Etats-Unis et dans la majorité des pays européens.
A. C.
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