Bouteflika, Saïdani, Khelil et les autres : ces virus qui ont précédé le Covid-19
Par Dr Abderrahmane Cherfouh – Incontestablement, le Covid-19 est le sujet par défaut de l’année 2020. Toute la presse mondiale en a fait ses manchettes et son chou gras. Tous les bilans, toutes les analyses. Les rétrospectives de cette étrange, maudite et cauchemardesque année 2020 ont été consacrées au Covid-19. Comme cela a été le cas pour tous les pays aux quatre coins du globe, l’Algérie a souffert le martyre en cette année 2020. Le confinement dû à la pandémie a limité les activités essentielles et tout paralysé. La crise a frappé tout le monde et atteint son apogée. Le citoyen, quelle que soit sa place dans la société, en a ras-le-bol, n’en peut plus et ne sait plus à quel saint se vouer. Cette terrible et redoutable pandémie a imposé de lourds sacrifices à nos tous et aggravé la situation de l’Algérie qui était déjà peu reluisante et moribonde. Notre pays n’a jamais autant souffert que cette année.
L’économie a pris un rude coup, le chômage qui monte en flèche, la santé mise à rude épreuve, le pétrole qui dégringole, l’érosion du pouvoir d’achat des citoyens, le manque de liquidités, la perte de confiance, «la main étrangère», la trahison de notre voisin de l’Ouest et son nouveau deal avec l’entité sioniste, la démographie galopante, la crise de confiance, la crise d’identité de certains, l’ethnicisation qui revient en vogue, les garde-chiourmes de la liberté de penser qui montrent leurs dents, les salafo-djihadistes plus présents que jamais qui reprennent du poil de la bête… et leur doctrine mise en veilleuse un certain temps et qui revient en force, la recherche du bouc émissaire. Tout ça, en une année ? N’est-ce pas trop pour un pays et un peuple ? Cette succession de malheurs et cette hécatombe qui se sont abattues sur notre pays ont épuisé le peuple et érodé sa patience ! Il faut avoir du courage pour tenir bon et ne pas perdre son sang-froid.
Le pays est presque en déroute et au bord de l’asphyxie. L’air est devenu presque irrespirable. Sauve-qui-peut, semble dire une grande partie du peuple algérien. L’Algérie est vraiment malade. Et si l’Algérie traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire, ce n’est pas seulement la faute à nos ennemis, à la «main étrangère», au virus, à la chute du prix de pétrole, c’est parce que Bouteflika et sa bande ont fait mal les choses. Les décideurs avaient mal choisi le commandant du navire qui a tout fait pour le faire couler sciemment, et en toute connaissance de cause. Il a fallu vingt ans au peuple algérien pour se libérer d’un régime despotique dirigé par un dictateur, un mégalomane et ses larbins qui ont accaparé les richesses du pays, et dont certains croupissent en prison et d’autres se sont volatilisés à travers le monde, emportant tout avec eux et laissant le pays en faillite.
Toute cette bande de criminels, composée de Chakib Khelil, son épouse et son fils, Abdeslam Bouchouareb, Amar Saïdani, Farid Bedjaoui, Réda Hemche, le général Ghali Belkecir et sa femme, ainsi que tous les collectionneurs d’appartements de grand luxe et les amateurs de pot-de-vin connus et inconnus du public, qui avaient détourné des milliards de dollars et les ont placés à l’étranger, sont en fuite et ont pris la poudre d’escampette pour aller se cacher ailleurs, mais ils finiront tôt ou tard, un jour ou l’autre, par rendre compte à la justice. Du moins, nous l’espérons. Pour Me Zakaria Dahlouk, l’avocat du Trésor public, le préjudice causé à ce dernier s’élève à 10 000 milliards de dinars ou 1 million de milliards de centimes, ou encore l’équivalent d’un million de logements à raison d’un milliard de centimes l’unité, de quoi loger 1 million de familles.
Comment se peut-il que des êtres humains dotés d’un cerveau soient aussi boulimiques et siphonnent le pays sans jamais se rassasier ? Des sommes colossales, à peine croyables, ont été détournées et révélées par la justice. Des chiffres effarants, astronomiques qui donnent le tournis et le vertige.
On regarde partout, à droite, à gauche, en haut, en bas, on y voit que des histoires de corruption, des malversations, de détournements confirmant le bilan calamiteux du règne de Bouteflika. Toutes les institutions de l’Etat étaient gangrenées par la corruption, qui était devenue une épidémie contagieuse révélant une faille majeure dans la gestion des richesses du pays
Se peut-il qu’un jour ces gens-là soient rongés par les remords et qu’ils aient un problème de conscience et puissent se regarder dans le miroir sans rougir et sans avoir honte d’eux-mêmes ? Tous ces gens-là qui vivaient dans l’opulence et le luxe clament – toute honte bue – devant les juges leur innocence et rejettent tout sur Bouteflika, en se réfugiant derrière les instructions données par fakhamatouhou. Aucun repentir, aucun regret de leur part n’a été exprimé pour l’irresponsabilité incroyable dont ils ont fait preuve à l’égard de leurs concitoyens. Ils n’ont même pas eu le courage d’assumer leurs actes. Comment se peut-il qu’une vieille dame inconnue qui, après avoir été reçue une seule fois par Bouteflika, puisse disposer d’une fortune colossale et posséder 17 kilogrammes d’or, des villas un peu partout dans le monde et que des hauts fonctionnaires se plient à son desiderata et sa volonté ? Ils devraient avoir honte d’avoir vécu ces gens-là dans de grandes maisons équipées de toutes les commodités avec des grandes piscines chauffées alors qu’en Algérie il y un manque d’eau dans les villages et que les robinets sont à sec. Ce serait monstrueux, immoral et indécent de la part de ceux qui ont fui à l’étranger de continuer à vivre une vie de rêve avec l’argent qu’ils n’avaient pas gagné à la sueur de leur front alors qu’en Algérie les gens vivent dans la pauvreté et éprouvent des difficultés énormes à joindre les deux bouts.
Nous sommes affligés et tristes de voir les enfants du peuple dévorés par les requins et voir leurs corps rejetés par la mer alors que leurs enfants sont choyés et étudient dans les meilleures universités du monde. Les comptes en banque qu’ils détiennent toujours, les bolides dernier cri qu’ils achètent pour eux-mêmes et leurs enfants, les avions et les jets privés qu’ils louent, les palaces qu’ils fréquentent, les grands hôtels de luxe, les salons de massage, les cures de jouvence dans les meilleurs établissements spécialisés, les voyages reposants qu’ils effectuent à travers le monde pour se relaxer et s’amuser et toutes les mondanités, tout ça fait partie de leur univers. Rien n’est éternel et tout a une fin. Aucun honneur, ni dignité de la part de ces gens-là. Ce sont des monstres ! Nous avions tous visionné le documentaire poignant montrant des Algériens vivant dans des conditions dignes du Moyen Âge. Ce documentaire avait ému et fait pleurer le Premier ministre. Nous avions eu tous la même réaction que lui. Nous avions tous été émus, consternés et incrédules. Tout ça se passait dans l’Algérie d’un million et demi de martyrs, au vu et au su de tous les responsables qui n’en avaient cure.
Mais il n’y avait pas qu’eux qui avaient siphonné le Trésor public. Il y a aussi leurs autres acolytes qui sévissent et qui se cachent à l’intérieur du pays et qui ont fait aussi beaucoup de mal à l’Algérie. Il y a les députés et les sénateurs qui ont versé des pots-de-vin pour être élus, les milliers de faux anciens moudjahidine qui ont trafiqué de fausses attestations de moudjahidine. Tous les malhonnêtes, qu’ils aient été ministres, hauts responsables, walis, chefs de daïra, maires qui tiraient profit de leur position en encourageant la corruption, en acceptant les pots-de-vin et en s’enrichissant malhonnêtement.
On peut citer aussi les médecins du secteur public qui exercent illégalement dans le privé, le corps médical, toutes professions confondues, les juges, les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les architectes, les ingénieurs, les journalistes… enfin tous les corps du métier qui portent préjudice à leurs confrères par leur comportement et qui ne se conforment pas à la loi, auxquels on peut ajouter les enseignants, tous paliers confondus, qui donnent aux élèves des cours privés en faisant payer aux malheureux parents d’élèves des sommes astronomiques.
La liste est encore longue. Tous ceux qui ont pris plusieurs logements grâce à des connaissances et les louent à des prix défiant toute concurrence. Y compris ceux qui habitaient dans les bidonvilles et qui, une fois recasés et leurs bidonvilles éradiqués, vendaient leur logement et construisaient un autre bidonville pour bénéficier une fois de plus d’autres logements.
Tous les dirigeants du football malhonnêtes qui achetaient et vendaient les matchs, tous les arbitres qui acceptaient des pots-de-vin pour favoriser une équipe aux dépens de l’autre. Tous les commerçants véreux, les boulangers, les chauffeurs de taxi, les marchands des fruits et légumes, les épiciers, les employés de bureaux qui s’absentaient, les buralistes, les courtiers immobiliers, les restaurateurs, les cafetiers, les ouvriers d’usine, les maçons… Enfin, tous les membres des corps de métiers que renferme l’Algérie et qui ne respectent pas la loi. Même ceux qui crachent par terre, qui jettent les immondices partout et embêtent les filles et les femmes dans les rues doivent adopter un comportement civique et exemplaire.
Nous naviguons en plein délire, le rejet de l’autre, la haine et le mépris dont on fait preuve envers ceux et celles qui ne pensent pas comme nous, l’intolérance, les faux débats sur fond d’attaques personnelles. Tous ces maux font partie présentement du paysage algérien et n’augurent rien de bon. Il faut qu’on se corrige, et, s’il faut sauver le peuple algérien, c’est d’abord de lui-même.
A. C.
(Canada)
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