Le lobby sioniste américain dépêche un de ses représentants actifs en Algérie
Par Sabri Oukaci – Le secrétaire-adjoint américain du Bureau des Affaires du Proche-Orient, David Schenker, se rendra en Jordanie, en Algérie et au Maroc du 3 au 12 janvier courant. Selon le communiqué du département d’Etat américain, le secrétaire-adjoint Schenker discutera au cours de son périple de «coopération économique et sécuritaire avec les dirigeants des différents gouvernements» et «soulignera le profond engagement des Etats-Unis à favoriser la prospérité économique, la paix et la stabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord».
David Schenker est né en 1968 de parents de confession juive. Il a fréquenté les universités du Vermont et du Michigan, ainsi que l’université américaine du Caire. Il a travaillé au cabinet du secrétaire d’Etat à la Défense en tant que directeur national du Levant. A ce titre, il était chargé de conseiller le secrétaire d’Etat à la Défense et d’autres hauts dirigeants du Pentagone sur les affaires militaires et politiques de la Syrie, du Liban, de la Jordanie, d’Israël et des territoires palestiniens.
Avant de prêter serment en tant que secrétaire-adjoint aux Affaires du Proche-Orient le 14 juin 2019, David Schenker a été, entre 2006 et 2019, directeur du programme sur la politique arabe au Washington Institute for Near East Policy (WINEP), l’Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient.
Le WINEP est un think tank dont la mission est de «proposer une compréhension équilibrée et réaliste des intérêts américains au Moyen-Orient et promouvoir les politiques qui les sécurisent». A ce titre, il est très influent auprès des autorités américaines et des médias. L’institut a été fondé en 1985 par des proches de l’AIPAC, l’un des plus puissants organes de lobby pro-israélien aux Etats-Unis basé à Washington, proposant le plus souvent des analyses favorables à l’extrême-droite israélienne.
En avril dernier, le WINEP a publié un article dans lequel il déclare que «la politique étrangère hypernationaliste de l’Algérie, associée à sa réticence à s’engager avec les puissances occidentales, a traditionnellement limité la portée des relations bilatérales avec les Etats-Unis. Pourtant, la situation de plus en plus désastreuse du pays et la colère générale du public envers le système qui l’a nourri peuvent offrir à Washington des opportunités de jeter les bases d’un engagement élargi».
Sous la plume de Sarah Feuer, chercheuse à l’Institut d’études sur la sécurité nationale de l’université de Tel-Aviv, le think tank ajoute que «la crise peut contenir une autre lueur d’espoir : avec Alger distrait par les impératifs liés au Covid-19, il sera moins susceptible de prendre des mesures soudaines et provocantes dans son conflit de longue date avec le Maroc au sujet du Sahara Occidental».
Il paraît évident, dès lors, que le déplacement en Algérie de l’envoyé spécial de l’establishment américain, qui a passé treize années au WINEP et qui n’a pas été retenu dans le gouvernement de Joe Biden, faisant là son très probable dernier voyage dans la région, s’inscrit dans l’optique de faire des propositions allant dans le seul intérêt économique et politique du lobby sioniste aux Etats-Unis et de leurs récents alliés.
C’est ce qui explique que ce voyage suscite si peu d’intérêt auprès de la diplomatie algérienne, qui est au fait des tractations stériles et des nominations de dernière minute qui s’accélèrent à Washington. Les Algériens ne sont pas seuls à dresser ce triste et dangereux constat.
En effet, de nombreux représentants démocrates du Congrès américain se sont alarmé des récentes nominations de personnels à l’orientation idéologique clairement hostile à la Palestine, largement surreprésentés dans toutes les agences gouvernementales.
Les élus du Sénat et de la Chambre des représentants affirment que le président sortant Trump tente de définitivement sceller l’accord entendu des Etats-Unis à l’entreprise de colonisation et d’annexion des territoires palestiniens par Israël, en plaçant à des postes sensibles des personnes au parti pris, et ce avant de quitter ses fonctions le 20 janvier prochain.
Le puissant et riche lobby sioniste à Washington, représenté par le gendre de l’actuel locataire de la Maison-Blanche, Jared Kushner, issu d’une riche famille d’entrepreneurs juifs orthodoxes, par son ancien avocat également juif orthodoxe, Jason Greenblatt, remplacé par Avi Berkowitz, l’une des cinquante personnalités de confession juive les plus influentes de 2019, selon le Jerusalem Post, a largement influencé Donald Trump pour mettre en œuvre des changements à leur seul avantage et à celui de l’Etat hébreu, convaincus que l’administration Biden aura du mal à les annuler.
Pour preuve, le 31 décembre dernier, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a désigné Aryeh Lightstone comme envoyé spécial des Etats-Unis pour la normalisation économique, dans le but de représenter les intérêts américains entre Israël et les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
Chef religieux ordonné, le rabbin Aryeh Lightstone fut membre du Conseil national de la synagogue juvénile (NCSY), une organisation de jeunesse juive orthodoxe, avant d’être conseiller principal puis chef de cabinet de l’ambassadeur des Etats-Unis en Israël, le juif orthodoxe David Friedman.
En parallèle, Aryeh Lightstone dirige le Fonds Abraham créé par Israël, les Etats-Unis et les Emirats arabes unis, mis en place pour accroître les relations commerciales américaines et la prospérité de l’Etat d’Israël grâce aux pétromonarchies du Golfe et, depuis peu, au Maroc.
«Le Fonds Abraham s’attaquera aux défis auxquels la région est confrontée et augmentera les opportunités économiques pour tous», a déclaré Adam Boehler, PDG de l’US International Development Finance Corporation. «Nous sommes ravis de faire passer ce partenariat historique au niveau supérieur pour promouvoir une prospérité partagée», a ajouté Boehler à Tel-Aviv, en octobre dernier.
Le profit, voilà exactement la finalité du leurre de la reconnaissance des territoires du Sahara Occidental faite au monarque chérifien par un président américain sous influence et sur le départ.
Cela, le peuple marocain l’ignore-t-il ?
S. O.
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