Accord Interbus : la gifle que l’Europe assène au Makhzen et à Donald Trump
Par Sabri Oukaci – L’accord Interbus relatif au transport international occasionnel de voyageurs par autocar ou par autobus, limité aux pays membres de la Conférence européenne des ministres des Transports (CEMT), est entré en vigueur le 1er janvier 2003. Cet accord, qui concerne les pays de l’Union européenne, de la République d’Albanie, de la Principauté d’Andorre, de la Bosnie-Herzégovine, de la République de Macédoine du Nord, de la République de Moldavie, du Monténégro, de la République de Turquie et de l’Ukraine, s’applique au transport international occasionnel de voyageurs de toutes les nationalités et aux déplacements à vide des autocars et des autobus sur les territoires des pays contractants.
L’accord Interbus avait, en outre, organisé des adhésions postérieures à son entrée en vigueur pour les membres de la Conférence européenne des ministres des Transports, tels Saint-Marin, Monaco ou encore Andorre. C’est, en effet, le 5 décembre 2014 que le Conseil avait autorisé la Commission à ouvrir des négociations dans le cadre d’un protocole d’entente, au nom de l’Union européenne, en vue d’étendre le champ d’application de l’accord Interbus au transport régulier et régulier spécial de voyageurs par autocar ou par autobus
C’est sur cette base que, le 30 novembre 2020, la Commission européenne a publié une proposition de décision du Conseil de l’Union européenne concernant la modification de l’accord relatif au transport international de voyageurs par autocar, en vue de permettre l’adhésion du royaume du Maroc.
Si, jusque-là l’accord Interbus était ouvert à l’adhésion de pays qui sont membres à part entière de la CEMT, la Commission européenne a toutefois a accepté la demande d’adhésion du Maroc, qui n’est pourtant pas membre à part entière de la CEMT, mais y jouit du simple statut d’observateur.
Après avoir fourni une base juridique à la demande d’adhésion du royaume du Maroc, comme préalablement accepté pour la République de Saint-Marin, par exemple, la Commission a pu, le 16 juillet 2018, adopter les premières décisions relatives à la signature des protocoles de négociation.
Notons que l’accord Interbus et le protocole modifiant l’accord Interbus en vue d’étendre la possibilité d’adhésion au royaume du Maroc avait exigé une limite temporelle en établissant que «le présent protocole est ouvert à la signature à Bruxelles du 16 juillet 2018 au 16 avril 2019, au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, qui fait fonction de dépositaire du protocole».
Or, avant l’expiration de la période durant laquelle ils étaient ouverts à la signature, à savoir le 16 avril 2019, seule l’Union européenne avait signé le protocole sur les services réguliers et réguliers spéciaux, alors qu’à peine quatre contractants à l’accord Interbus avaient signé le protocole permettant l’adhésion du royaume du Maroc.
Devant ce premier échec d’adhésion, les autorités marocaines ont sollicité à nouveau le Conseil de l’Union européenne, qui a décidé de modifier, à la fin du mois de novembre 2019, l’accord Interbus, autorisant la Commission à négocier, au nom de l’Union européenne, des modifications du protocole à l’accord Interbus, en ce qui concerne le transport international régulier et régulier spécial de voyageurs par autocar ou par autobus, ainsi que celui relatif au transport international occasionnel de voyageurs par autocar ou par autobus, en vue d’étendre la possibilité d’adhésion au royaume du Maroc, de manière à ce qu’il n’y ait pas de limitation de la période durant laquelle les protocoles sont ouverts à la signature, que la modification de la dénomination d’une des parties contractantes à l’accord Interbus soit prise en compte et qu’il soit prévu une nouvelle modalité d’entrée en vigueur du protocole sur le royaume du Maroc.
Toutefois, il y a lieu de relever que la proposition finale de la décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, du protocole modifiant l’accord Interbus en vue d’étendre la possibilité d’adhésion au royaume du Maroc, a exclu son application sur le territoire non-autonome du Sahara Occidental, compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne dans les affaires C-266/16, C-104/16P, T-275/18 et T-180/14.
En effet, la Commission européenne semble s’être basée sur les décisions qui forment la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne sur le Sahara Occidental, formés par l’Accord d’association UE-Maroc (arrêt C-104/16 du 21 décembre 2016), l’accord de pêche UE-Maroc (arrêt C-266/16 du 27 février 2018 et T-180/14 du 19 juillet 2018) et, enfin, l’accord d’aviation UE-Maroc (ordonnance T-275/18 du 30 novembre 2018).
Alors qu’aucun document n’est encore signé, l’adhésion du Maroc aux accords Interbus semble avoir pris une tournure politique qui satisfait les Sahraouis, au grand désarroi de la monarchie marocaine.
«Cette simple annotation sur un document préparatoire à la décision du Conseil européen, se basant sur la légalité internationale quant au statut du Sahara Occidental, est une double gifle que l’Europe assène au Makhzen et à Donald Trump», affirment des diplomates de la République arabe sahraouie démocratique.
S. O.
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