Mandat herculéen
Par Mrizek Sahraoui – Plus que dix longs – très longs – jours pour le clap de fin du mandat Trump, à jamais marqué par le sceau de la tarasconnade à répétition, la politique du coup de menton, la confection à l’échelle industrielle d’informations mensongères et, point d’orgue de l’ère Trump, par le chaos qu’il a directement ou indirectement fait semer par ses fans dans les coursives et les travées du Capitole, «un des jours les plus sombres de l’histoire du pays», s’est indigné le 46e Président des Etats-Unis qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain. Normalement.
Si le compte à rebours est lancé, il n’en demeure pas moins que rien n’empêche le Président fada d’achever son œuvre destructrice. L’appel de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, au chef d’état-major des Armées pour «éloigner Trump des codes nucléaires», est bien plus qu’un simple principe de précaution. Un sous-marin nucléaire lanceur de missiles est déployé dans le golfe persique depuis décembre dernier. C’est dire la menace qui pèse sur la région, et sur le monde.
C’est un mandat herculéen qui attend Joe Biden. La question est de savoir si le Président élu, qui a, jusqu’ici, fait montre d’équanimité, a ou aura les épaules assez larges pour faire face à la situation. Aura-t-il la capacité – et la volonté surtout – à réparer les dégâts causés par la politique faite de ruses et d’amorce de son prédécesseur, qui n’a épargné ni son pays, ni ses alliés, encore moins tous les autres, autrement dit, le reste du monde.
En interne, Joe Biden l’a répété à maintes reprises, la priorité est de livrer bataille au coronavirus qui fait encore et toujours des ravages aux Etats-Unis, où le dernier bilan établi par l’institut Johns-Hopkins fait état de plus de 22,5 millions de personnes contaminées recensées depuis le début de la pandémie. Ce samedi, on décompte près de 330 000 nouveaux cas et un total de 379 117 décès. S’impose également la nécessité de rétablir la confiance dans la démocratie ; d’être le Président de tous les Américains, dans une Amérique plus que jamais divisée. Et les stigmates de la division seront sans doute très longs à cicatriser.
Comme de bien entendu, c’est aussi à l’international que Joe Biden est attendu. Son mandat s’appréciera à l’aune de son aptitude à reprendre la définition des relations internationales, à respecter la légalité et le droit internationaux, tels que définis et codifiés par la Charte des Nations unies.
Dans un entretien qu’il a accordé à un journaliste du New York Times, début décembre, Joe Biden a pointé ses deux priorités, outre le retour des Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat : les relations avec la Chine et la reprise des discussions avec l’Iran. Si, avec la Chine, Joe Biden veut se donner le temps, s’agissant de l’Iran, il entend, avait-il indiqué au journal américain, «revenir sans tergiverser» aux termes de l’accord paraphé en 2015 avec l’Iran et cinq pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Russie et la Chine), duquel s’était retiré Donald Trump le 8 mai 2018.
L’autre interrogation, c’est de savoir si le 46e président américain [ferait] table rase de la politique étrangère illisible, imbitable et percluse de contradictions de Donald Trump, et reviendrait, tout au moins, à l’état où celle-ci était du temps de Barack Obama, où il était lui-même vice-président. Auquel cas, il est fort à parier que les «accords» dans lesquels figure un alinéa portant sur la cession du Sahara Occidental au profit du royaume du Maroc, au mépris des nombreuses résolutions de l’ONU, devraient tomber en caducité.
D’autant que, tout juste après l’annonce de cette ignominie par Jared Kushner, le gendre qui s’immisce dans les affaires des autres, mais laissant le beau-père-compère s’enferrer jusqu’à la garde, de nombreuses voix au Congrès, désormais entre les mains des démocrates, s’étaient élevées contre cette reconnaissance de la «marocanité» du Sahara Occidental.
Le temps nous le dira.
M. S.
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