Ces mosquées européennes noyautées par les services secrets marocains
Contribution de Sabri Oukaci – La population du royaume de Belgique est estimée à 11 millions d’habitants, dont près de 20% sont issus de différentes vagues migratoires dont le Maroc et la Turquie, des pays qui ont suscité depuis quelques années des crispations autour de l’islam et de sa place dans la société.
Le système belge de gestion des différents cultes est basé sur la reconnaissance, impliquant leur financement par les pouvoirs publics, ainsi que par le principe de séparation qui implique une non-immixtion respective.
La reconnaissance officielle d’un lieu de culte par les autorités belges n’est pas une obligation, mais les choses sont différentes pour la Grande Mosquée de Bruxelles, comme l’affirme un arrêté royal, la «non-obtention de la reconnaissance de la communauté islamique locale de la Grande Mosquée de Bruxelles», implique la fin immédiate «et sans préavis» de la convention de concession.
Cette reconnaissance est importante car elle permet, entre autres, de combler un déficit financier ou un financement de travaux d’entretien et des avantages fiscaux, mais surtout la prise en charge du salaire d’un maximum de trois imams par mosquée, grâce à l’intervention des pouvoirs publics
En contrepartie, l’Association Sans But Lucratif (ASBL) gérant le lieu de culte se voit obligée de rendre ses statuts totalement transparents et dévoiler ses comptes et ses sources de financement pour pouvoir bénéficier de l’avis favorable des Régions, du Service public fédéral justice, ainsi que de la Sûreté de l’Etat.
Or, suite aux attentats revendiqués par l’Etat islamique du mois de mars 2016 à Bruxelles, l’opinion publique belge s’est saisie de la question de la radicalisation et de l’islamisme, lançant un vaste débat sur le culte musulman et sa compatibilité avec les principes du Royaume.
Selon un sondage ayant été effectué sur près de 5 000 personnes publié en 2017, plus de 55% des sondés estimaient que la présence des communautés musulmanes en Belgique était une menace pour l’identité de la Belgique.
Même si la population musulmane belge s’est diversifiée, principalement à cause de flux migratoires plus récents en provenance de Syrie, d’Irak ou du Pakistan, les musulmans belges restent majoritairement issus de vagues migratoires conséquentes aux accords bilatéraux signés avec le Maroc et la Turquie.
C’est donc tout naturellement que les autorités du pays ont entrepris une série de mesures afin de comprendre et tenter d’apporter des solutions aux effets dévastateurs de la radicalisation au sein de ces communautés et dans les lieux de culte musulman, dont deux mosquées sur trois ne seraient pas reconnues par les autorités belges, et qui seraient le plus souvent financées par certains Etats étrangers comme l’Arabie Saoudite, le Maroc ou la Turquie via leurs ambassades et consulats.
Ces actions ont eu pour conséquence, en avril 2019, le retrait du Centre islamique et culturel de Belgique, rattaché à la Ligue islamique mondiale et à l’Arabie Saoudite, de la gestion de la Grande Mosquée de Bruxelles, suite à une recommandation de la Commission d’enquête parlementaire sur les attentats terroristes du 22 mars 2016.
La gestion temporaire de cette mosquée, en attente de la reconnaissance des pouvoirs politiques, a alors été confiée à l’association l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), organe représentatif du culte islamique en Belgique, dans le but de faire cesser toute ingérence extérieure et de susciter un islam belge compatible avec la démocratie, les droits de l’Homme et l’égalité entre hommes et femmes.
Au mois de décembre 2020, quelques jours avant l’ouverture du procès des attentats terroristes revendiqués par l’Etat islamique qui ont ensanglanté Bruxelles en 2016, faisant 32 morts et 340 blessés, et perpétrés par une cellule franco-belge constituée autour d’Abdelhamid Abaaoud, la Belgique rendait un avis négatif à la demande de reconnaissance de la Grande Mosquée du Cinquantenaire de Bruxelles.
La décision était motivée, selon nos informations, par les recommandations d’un rapport de la Sûreté de l’Etat qui avait réuni de nombreuses preuves d’ingérence étrangère dans la gestion de la Grande Mosquée, et même des manœuvres d’espionnage pour le compte du pouvoir marocain !
La Sûreté avait clairement désigné trois collaborateurs de la Grande Mosquée du Centenaire, dont son dirigeant qui fait partie de l’association censée mettre en place un trajet de formation pour les imams, comme membres des services de renseignement marocains.
Soulignons que l’espionnage n’est pas pénalement punissable en Belgique, même si depuis plusieurs mois plusieurs députés tentent de le faire rentrer dans le droit pénal.
C’est le ministre belge de la Justice, compétent pour les matières liées aux cultes et aux organisations philosophiques, Vincent Van Quickenborne, qui, ayant pris connaissance de ce rapport affirmant que l’islam mis en avant par cette mosquée, d’inspiration rigoriste et wahhabite, n’était pas suffisamment en phase avec la société belge, a aussitôt suspendu le processus de reconnaissance de la Grande Mosquée de Bruxelles.
«Les tentacules du Maroc s’étendent loin et empêchent un islam autonome de se développer en Belgique», a-t-il déclaré dans une interview accordée à une chaîne de télévision, rajoutant que le gouvernement belge «n’acceptera jamais que d’autres pays essaient de détourner l’islam à des fins politiques», et a appelé l’EMB à renouveler ses instances et à promouvoir un islam progressiste compatible avec les valeurs de la société.
Le 15 décembre 2020, Salah Echallaoui, ex-président et vice-président de l’EMB, a annoncé sa démission pour pouvoir se «consacrer à la défense de mes droits, de ma dignité et de mon honneur», son nom ayant été cité comme intermédiaire entre le Maroc et l’EMB.
Pour lui, la sortie du ministre dans les médias est «un coup de poignard dans le dos» alors que «nous avons toujours travaillé, main dans la main» avec les autorités belges. C’est, estime-t-il, une «rupture radicale du ministère de la justice».
Cette démission, qui sera suivie d’une plainte pour diffamation contre le ministre de la Justice belge, intervient au moment où l’EMB se penche sur le renouvellement de ses membres, leur mandat de six ans étant arrivé à terme, conformément au règlement interne.
Cette incroyable histoire n’est pas une première pour le Makhzen, largement accusé d’immixtion dans la gestion et de prise de contrôle de plusieurs centres de culte musulman, connus pour leur discours extrémiste en Europe.
Au mois de décembre 2020, le maire de Montpellier socialiste, Michaël Delafosse, qui a été nommé responsable de la commission laïcité au sein de l’Association des maires de France (AMF), s’est opposé à la vente de la mosquée Averroès au Royaume du Maroc pour un euro symbolique, avec comme intermédiaire l’Union des mosquées de France (UMF), une structure nationale directement adossée au royaume du Maroc.
Une opposition qui trouve probablement son origine dans la tragédie qui a mené une vingtaine de jeunes du quartier de la Paillade, à Montpellier, à quitter la ville pour aller faire le djihad en Syrie, recrutés par ce qui est connu comme le réseau de Lunel, du nom de cette ville située à dans le département de l’Hérault, dont Montpellier est la préfecture…
Pour rappel, la grande mosquée Averroès du quartier de la Paillade de Montpellier est administrée par Lhoussine Tahri, qui, selon plusieurs sources, est un proche des services marocains mais qui s’en serait, selon d’autres sources, éloigné…
Cette proximité des figures de l’islam marocain avec les services secrets marocains fait peur à nombre de citoyens de l’Hexagone, surpris d’apprendre qu’en 2016 l’enveloppe budgétaire allouée par le royaume du Maroc pour les mosquées et la rémunération des trente imams marocains qui exercent en France représentait un montant de 6 millions d’euros, selon les affirmations mêmes de Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc en France depuis 2012.
Dans un pays voisin, en Espagne, le gouvernement n’a pas hésité à expulser vers le Maroc Nordin Ziani, un responsable islamiste menaçant la sécurité nationale par ses contacts «avec les principaux leaders salafistes» afin de «favoriser l’expansion en Espagne des thèses radicales».
Ziani était également «un collaborateur très pertinent d’un service de renseignement étranger depuis 2000», expliquait le général Félix Sanz-Roldán, directeur des services secrets espagnols, dans une allusion claire à la Direction générale des études et de la documentation du Maroc (DGED), les services de renseignements marocains.
La presse espagnole avait indiqué, par ailleurs, que le ministère du royaume alaouite chargé des Marocains résidant à l’étranger de Nasser Bourita et celui des Affaires islamiques auraient versé plus de 2 millions d’euros par an à l’Union des centres culturels islamiques de Catalogne (UCCIC), une association chapeautée par Nordine Ziani, et qui coordonne 70 mosquées dans la région catalane. Selon le quotidien madrilène, les sommes auraient servi, entre autres, à organiser des «rassemblements de soutien au régime marocain» contre les Sahraouis.
Ce lien étroit entre milieux politiques et services de renseignements du Makhzen avec des agents en charge d’un certain islam en Europe fait dire à certains observateurs avertis que la vague des attentats terroristes européenne perpétrés par des Franco-belges d’origine marocaine serait en fait le fruit d’une machination orchestrée par de sombres officines pour servir les intérêts d’une puissance étrangère et ainsi pouvoir bénéficier d’une aide substantielle pour lutter contre l’extrémisme religieux. On vous laisse deviner de quels pays il pourrait s’agir.
S. O.
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