Yennayer : célébrer avec faste et fierté la fête qui nous ressemble
Contribution d’Abdelaziz Boucherit – Les prêcheurs de la haine se lèvent, comme un seul homme, pour dénoncer tout ce qui ressuscite, de près ou de loin, les couleurs qui rappellent les emblèmes antiques des Algériens. La statue de Cacnaq est une victoire sur l’obscurantisme. Nous édifions la statue d’Aksel dans la Kabylie des Koutamas et la statue de la Kahina au centre des Aurès.
C’est Yennayer et nous devons arrêter d’être honteux de nous-mêmes pour relever le défi et célébrer avec faste et fierté la fête qui nous ressemble. Nous serons riches, par les victoires successives de la berbérité. L’esprit critique berbère nous libérera de la crédulité béate, prisonnière d’un esprit primaire formaté à outrance par le spectre du haram. Ce n’est pas parce que nous sommes musulmans que nous devons accepter la philosophie nauséabonde édictée par l’esprit en décomposition des Arabo-islamistes. Mais nous sommes trahis par une classe politique qui se plaît, outre mesure, à effacer nos vertus culturelles pour nous éloigner de la modernité et de l’ouverture vers la culture universelle des peuples de toute l’humanité.
Le complexe atavique de l’Algérien de se réfugier, en faisant le clown, dans les cultures des autres devient une vertu à la mode. Et nous laissons faire, impuissants devant les méthodes insidieuses d’un système néfaste qui défigure, sciemment et sans se cacher, le caractère berbère de notre société. Le pouvoir, cet ennemi interne soutenu par les islamistes, ne se contente pas d’écrabouiller, au vu et au su de tout le monde, les symboles berbères, mais il nous impose, c’est encore pire, de vénérer ce qui nous vient d’ailleurs.
Je compatis pour la grande douleur de tout Algérien qui se sent, aujourd’hui, berbère. Ce n’est pas facile, pour beaucoup, d’être brimé et qui souffrent du déracinement sur leur propre terre.
Yennayer qui fut la grande fête du peuple amazigh d’Afrique du Nord devient, par la propagande forcenée des Arabo-islamistes, une menace pour l’équilibre et la paix de la société.
Les principes berbères forgés par une pensée pratique de nos aïeux, qui avaient fait leurs preuves à travers le temps, sont en danger. Nous devons nous montrer vigilants en nous concentrant sur l’essentiel pour avoir gain de cause afin de rendre à l’Algérie son véritable visage d’antan.
La revanche de la raison l’importera, assurément, un jour pour voir le pouvoir entre les mains du peuple. J’aimerais vivre assez longtemps pour voir enfin une Algérie libre, vivant conformément aux valeurs et suivant les couleurs vives de sa culture. Et brandir aux yeux du monde entier une démocratie définie par le pouvoir du peuple.
Yannayer, qu’on le veuille ou non, fait partie du patrimoine millénaire de la tradition berbère. Le socle, si on regarde bien, d’un savoir-vivre basé sur les valeurs d’une philosophie universelle qui prêche la liberté et le bien-être des hommes. Des concepts venus de très loin enrobés par des principes fondateurs, malgré des hostilités récurrentes. Ils réussirent par la force de leur évidence à tracer leurs chemins, à travers le temps, pour parvenir, jusqu’à nous. Nous avons la chance que la véritable pensée berbère, telle qu’elle fût conçue et vécue par nos aïeux, soit arrivée à bon port. Préservons-là, elle serait la richesse qui fonderait l’ossature de la force de demain de notre nation.
Pour ressusciter Yennayer (Yennar) de ses cendres, cette fête qui nous ressemble tous, chaque Algérien doit se mobiliser, par des petits gestes physiques, culinaires, musicaux, chants oraux, ou créations intellectuelles, chacun à son niveau, pour pérenniser ce patrimoine qui fut la fierté des hommes et des femmes berbères venus de la plaine et de la montagne. Ce jour, l’aurore, avec ses senteurs des roses en miel, réveillera avec le sourire le soleil qui brillera sur tous les Amazighs.
Je souhaite bonne fête de Yennayer à tous les Berbères du monde. J’offre à tous les Berbères, c’est ma contribution, la fable de Yennar (Yennayer) tirée de mon recueil des fables et contes berbères en poésie aux éditions Edilivre.
Yennar et la chèvre
Yennar, le fils impérial de l’empire du temps
Se réjouit de son règne à l’arrivée de l’hiver
Et clame haut sa fierté d’être fêté chaque an
Par la ferveur légendaire des tribus berbères
On l’accueille avec chants et cantates sacrées
En priant d’épurer la terre avec des saignées
Ce prince dur, féroce, sans recul et sans pitié
S’attaque aux faibles, aux intrus et impuretés
La chèvre regarde impuissante son chevreau
Transi, engourdi et gelé d’un froid mordant
Sous la pluie avec des trombes glacées d’eau
La rage dans le cœur, mais elle fait semblant
De tenir son rang en faisant preuve de bonté
Usant d’un langage fin et l’art de la flatterie
En courtisant le prince avec un savoir parler
Plaire aux puissants et masquer sa bouderie
En apparat des grands jours la tête auréolée
Adulé par la dévotion servile des adorateurs
L’entrée musicale aux notes d’un vent glacé
Annonce le cynisme cruel du bon seigneur
L’insolent Yennar, insensible à la souffrance
Des malades et des jeunes fragiles infortunés
Utilisant sans sagesse ses pouvoirs immenses
En oubliant qu’un jour son règne sera terminé
Il exige, encore plus les fureurs des tempêtes
Une neige dense et le verglas qui givre la terre
Les pluies et le déluge féroce qui tue les bêtes
Des éclats des éclairs et les bruits du tonnerre
La chèvre usée mais garde encore son sourire
Vaincue, mais n’a jamais perdu sa confiance
Se révolter ici, c’est exposer son fils au pire
La revanche se nourrit du génie et la patience
Ouf la fin ! C’est, enfin, le jour de votre départ
Dit la chèvre, heureuse et soulagée, à Yennar
Vous partez, sans faire un mal, pauvre fuyard
Votre chute nous ravit, place à l’aimé Fourar
La chèvre rebelle a de la rancune cachée
En faisant croire à l’image d’une vraie fidèle
Elle sait enrober sa petite mine dégoûtée
Pour Yennar, cet aveu est une trahison cruelle
Je demande à mon frère, pour laver l’affront
De me prêter un jour et une nuit de sa saison
Et revenir faire sentir à toi et ton cher enfant
La douleur du froid qui fait perdre la raison
Yennar tient parole, la chèvre a perdu son fils
Fourar floué, incrédule de voir février mutilé
D’un jour et une nuit, par les vertus du vice
On perd toujours à aider la haine des humiliés
A. B.
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