Qui a racheté les lingots d’or de l’ancien Premier ministre et qu’en a-t-il fait ?
Par Nabil D. – Jamais le qualificatif de «République bananière» n’a autant sied à l’Algérie que depuis l’ébouriffant aveu de l’ancien Premier ministre qui a eu à conduire le département de la Justice au tout début des quatre mandats de Bouteflika. L’opinion publique n’en revient pas. Après avoir nourri une certaine empathie envers le plus malaimé des ministres du Président déchu suite au décès de son frère et l’humiliation dont il a été victime lors de son enterrement, Ahmed Ouyahia a ravi la vedette à Chakib Khelil qui était, aux yeux des Algériens, le parangon de la corruption et de la prévarication.
Des dizaines de lingots offerts par des émirs du Golfe à l’ancien dignitaire du régime et revendus au marché noir pour la coquette somme de 350 millions de dinars. Qui a racheté tout cet or et qu’en a-t-il fait ? Y a-t-il eu d’autres transactions similaires effectuées par d’autres hauts responsables auxquels les princes d’Arabie auraient aussi graissé la patte en contrepartie d’avantages qu’ils auraient obtenus en Algérie en termes de marchés ou de rachats de complaisance d’entreprises publiques algériennes ? Bref, cette révélation d’Ahmed Ouyahia fera-t-elle se saisir le parquet d’Alger pour diligenter une enquête sur ces pratiques illégales dont les Algériens ignoraient tout jusqu’à ce que le concerné lui-même en fasse l’aveu pour on ne sait quelle raison, sachant qu’en révélant ce énième forfait au grand jour, il se met dans une situation de circonstances aggravantes qui alourdiront encore plus les peines qui ont déjà été prononcées à son encontre ?
Si on ignore l’arrière-pensée d’Ahmed Ouyahia – a-t-il voulu ouvrir la boîte de Pandore pour entraîner dans sa chute d’autres responsables jusque-là épargnés ? –, il n’en demeure pas moins que le pavé qu’il a jeté dans la mare est venu rappeler que, pendant que des procès se tiennent depuis de nombreux mois – et se poursuivent encore – contre de hauts fonctionnaires accusés de corruption et de collusion avec l’argent sale, et des hommes d’affaires à qui il est reproché d’avoir flirté avec le cercle présidentiel et d’en avoir tiré profit, le marché parallèle qui brasse des centaines de milliards de dinars est plus prospère que jamais.
Ceux qui se demandaient comment il était possible que le marché noir de la devise ait sa bourse en plein cœur de la capitale, à quelques encablures du tribunal de Sidi M’hamed où défilent les «délinquants économiques» de l’ère Bouteflika, la confession d’un ancien chef du gouvernement a apporté une réponse claire : il y existe bel et bien un compérage entre la sphère politique et le circuit organisé par les bandes mafieuses – d’obédience islamiste notamment – qui prospèrent en marge du circuit légal, à l’ombre d’un Etat gangréné par la déliquescence et la vénalité.
Quelles autres surprises attendent encore les Algériens déjà assommés par ce qu’ils ont appris lors des procès qui n’en finissent pas de les ahurir ?
N. D.
Comment (30)