Victimes collatérales
Par Mrizek Sahraoui – Donald Trump a perdu l’élection présidentielle américaine, certes, mais son échec qui devait à la base n’être que personnel a, par ailleurs, fait d’autres victimes collatérales. Outre la démocratie américaine qu’il a fragilisée, le parti républicain, le sien, plus fracturé que jamais, en pâtiront ceux dont on ne parle pas pour le moment : tous les populistes de droite occidentaux, désormais orphelins. Ces derniers font grise mise depuis le 3 novembre dernier, date de la chute, à la fois, du porte-étendard du suprématisme blanc, non moins patriotard-bâtisseur de mur, mais aussi du le héraut du combat – opiniâtre d’arrière-garde – pour une internationale raciste, xénophobe. Dont le corpus idéologique est largement repris par The Movement, l’organisation créée par le sulfureux ancien conseiller Steve Bannon.
Ils se sont fait discrets. Du Brésil, Jair Bolsonaro, dont le pays est l’un des épicentres de la pandémie mondiale, serait, dit-on, à deux doigts de décréter un deuil national, en Italie, en passant par la France, l’Allemagne, toutes deux s’apprêtant à vivre la troisième vague et, par ricochet, un troisième confinement, à la Pologne et la Hongrie de Viktor Orban, l’heure est à la sidération et l’expectative. Le départ de Donald Trump, le maître incontesté dans l’art de la vilenie – après, bien sûr, le coup de poignard donné dans le dos du Sahara Occidental –, l’incarnation de Narcisse, et, désormais, une vivante allégorie du naufrage, sonne comme un désastre collectif, ont décrypté certains analystes, non sans ravissement.
Pour tirer un trait final sur l’ère Trump, il faut naturellement attendre la prise de fonction de son successeur, prévue le 20 janvier, à midi, et le départ définitif de Donald Trump de la Maison-Blanche. Avec le milliardaire déchu, il ne faut rien exclure, y compris, pour contrer l’investiture de Joe Biden, un recours à la politique de la terre brûlée dont l’attaque du Capitole en serait l’avertissement.
Aux souverainistes partisans de Donald Trump aux lendemains qui déchantent – qui les suivra en effet ? –, désormais, chacun sait – ou se rappelle – ce qu’il advient de la démocratie entre les mains d’un extrémiste de tous bords, s’ajoutent ceux qui chassent (très) à droite. La fin chaotique du 45e Président américain, alors même que cela ne saute pas aux yeux, n’est pas de nature à arranger les affaires d’Emmanuel Macron notamment. Celui qui a fait, fait tout pour choisir son adversaire pour la présidentielle de 2022 : un duel face à la présidente du Rassemblement national, comme en 2017.
Selon les observateurs qui ne font pas partie de l’aréopage régulièrement sollicité par les médias, Emmanuel Macron a perdu la carte qui lui aurait permis de rempiler : l’extrême droite comme adversaire, plus que jamais décrédibilisée après l’effondrement du trumpisme, synonyme de la destruction de la démocratie, et c’est un euphémisme.
L’échec de Donald Trump est aussi celui de l’ensemble de la galaxie réactionnaire mondiale. Il faudra du temps pour que l’ogre, pour l’heure sous perfusion, renaisse de ses cendres. Du coup, il faudra s’attendre à un duel plus classique lors de la présidentielle de 2022, une hypothèse mortelle pour Emmanuel Macron.
M. S.
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