La charte de l’islam de France piège l’Algérie : «Argent OK, ingérence non !»
Par Nabil D. – La très contestée charte de principes de l’islam de France, qui a été signée par le recteur de la Grande Mosquée de Paris, comporte un passage qui piège l’Algérie. Au départ, il était question de prohiber complètement tous financements étrangers des cultes en France, notamment l’islam montré du doigt comme une matrice du terrorisme. Mais, dans son article 6 intitulé «Rejet de toutes les formes d’ingérence et de l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques», il n’est plus question d’interdiction mais d’assujettissement de ces subventions à une condition sine qua non.
«Tout financement provenant de l’étranger émanant d’un Etat étranger, d’une organisation non gouvernementale, d’une personne morale ou physique doit s’inscrire dans le strict respect des lois en vigueur et ne donne le droit à aucun donateur de s’ingérer de manière directe ou indirecte dans l’exercice du culte musulman en France. Les signataires doivent rejeter clairement toute ingérence de l’étranger dans la gestion de leurs mosquées et la mission de leurs imams», est-il prescrit dans l’alinéa relatif à l’apport financier extérieur.
La charte, boycottée par deux fédérations proches du régime islamiste de Recep Tayyip Erdogan, dessert donc l’Algérie qui pourra continuer de verser les cotisations annuelles destinées à la Grande Mosquée de Paris mais n’aura aucun droit de regard ni sur l’orientation idéologique de celle-ci ni sur sa gestion. Que s’est-il passé entre le moment où les différents acteurs de l’islam [de] France se tiraient dans les pattes et le jour de la transmission de la mouture définitive – triturée – à l’Elysée, aux fins d’être signée par cinq fédérations sur les huit qui composent le lézardé Conseil français du culte musulman (CFCM) que préside le Marocain Mohammed Moussaoui ?
L’ambassadeur d’Algérie à Paris, Antar Daoud, avait rappelé, lors d’un déplacement à la Grande Mosquée de Paris que ce lieu de culte «est d’abord algérien». Ce «d’abord» voulant dire que ce lieu de culte inauguré dans les années 1920, s’il est ouvert à tous, il n’en reste pas moins que c’est l’Algérie qui en est le bailleur de fonds et, donc, le gestionnaire exclusif. Mais la manière dont la succession de Dalil Boubakeur s’est déroulée en janvier 2020, au moment où l’Algérie était embourbée dans sa profonde crise politique interne, a valu au nouveau locataire du rectorat une volée de bois vert de la part des plus hautes autorités algériennes qui ont perçu ce transfert de pouvoir distors, sans le consentement d’Alger, comme un agissement condamnable, tant il a mis les responsables politiques, religieux et sécuritaires algériens devant le fait accompli.
La relation entre les dirigeants actuels de la Grande Mosquée de Paris et Alger ne tient qu’à un fil. Et le cours des événements indique clairement que cette relation ira en se dégradant davantage jusqu’à la rupture définitive. Il reste à savoir comment les autorités algériennes comptent agir face à cette bravade qui risque de faire perdre à l’Algérie son droit de regard sur une institution dont elle a la charge depuis l’indépendance et dont la mission consiste à sauvegarder le rite malékite parmi les fidèles algériens qui constituent la plus grande communauté musulmane en France.
N. D.
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