Stora : «Les excuses et les repentances sont des histoires d’agendas politiques»
Par Abdelkader S. – D’évidence, Benjamin Stora n’était pas censé ignorer, en acceptant la mission casse-cou que lui a confié Emmanuel Macron, qu’il allait avancer sur un sable mouvant duquel personne n’allait le sortir. C’est, en quelque sorte, un soldat qu’on a envoyé derrière les lignes sous un feu «ennemi» nourri sans qu’il lui soit possible d’en revenir «indemne». Il sait aussi qu’en face, son alter égo, Abelmadjid Chikhi, est dans une posture autrement plus confortable en ce sens que la direction qu’il donnera à son rapport est connue d’avance. Il n’y aura ni demi-mesure ni tendance à l’apaisement. Bien au contraire.
Benjamin Stora a été «abandonné» par le commanditaire du rapport, le président Macron, dès qu’il lui a remis la mouture de 146 pages, fruit d’une réflexion à laquelle il a associé un certain nombre de personnes «habilitées» pour ce faire. Le locataire de l’Elysée a, en effet, de nouveau décroché le téléphone pour appeler son homologue algérien et, d’après la communication officielle, il aurait été question, lors de cet entretien à distance, de mémoire et d’histoire, donc, en clair, du rapport de «l’historien de la réconciliation». Ce dernier a-t-il déjà été lâché ?
Face à la levée de boucliers suscitée de part et d’autre de la Méditerranée par son document, Benjamin Stora fait corps avec la position officielle française exprimée par Emmanuel Macron : «Les histoires d’excuses et de repentance, ce sont des histoires d’agendas politiques», a-t-il affirmé sur France 5, dans l’émission C ce soir, intitulée «Peut-on se réconcilier sans s’excuser ?» Auparavant, il publiait une tribune dans un quotidien algérien vers lequel l’a clairement aiguillé un «écrivain» algérien dont l’hypermédiatisation en France en fait une voix de haute contre dont le rôle est de désargumenter toute réaction qui viendrait d’Algérie à chaque fois que celle-ci entend donner le la.
Loin d’avoir aidé les deux pays à transcender le lourd contentieux historique, la création de la commission présidée par Stora et Chikhi chemine vers un fiasco qui était prévisible, du reste. Les deux historiens devant présenter chacun un rapport distinct, il allait de soi que la volonté éminemment politique de réécrire l’histoire en en estropiant son côté fâchant n’allait pas balayer d’un coup de plume un passif que, non seulement la France ne veut, et ne peut, pas solder au regard de la farouche opposition d’une partie de la société française – pieds-noirs, harkis, nostalgiques de l’Algérie française, extrémistes de droite – qui constitue autant de voix pour le candidat à sa propre succession lors d’élections présidentielles dont la date qui approche à grands pas.
A. S.
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