Erdogan continue de jouer la carte Algérie dans sa guerre contre Macron
Par Kamel M. – Le président turc s’arc-boute sur l’Algérie à chacune de ses passes d’arme avec son homologue français. Une nouvelle fois donc, Tayyip Recep Erdogan a rappelé à la France son passé colonial et ses crimes commis en Algérie pour l’inviter à se taire et à ne plus s’en prendre à Ankara, «sommée» de retirer ses «mercenaires» de Libye. Erdogan répond que la Turquie, contrairement à la France, n’a rien à se reprocher. Est-ce vraiment le cas ?
D’abord, estiment des observateurs avertis, le patron de l’AKP, le parti islamiste au pouvoir en Turquie, n’a pas à se servir de l’Algérie dans sa guerre froide avec Paris. «L’Algérie est un Etat souverain qui n’a pas besoin de quiconque pour prononcer un réquisitoire sur les affres du colonialisme français qu’elle a subi, qui plus est lorsque ces cris d’orfraies répondent à des joutes bilatérales qui ne la concernent en rien», relèvent ces sources indignées par «l’exploitation de ce dossier par Ankara pour régler ses comptes avec une autre puissance alors que l’Algérie s’oppose aux deux pays dans le conflit libyen». Car c’est bien la Libye qui fait qu’Erdogan et Macron s’entredéchirent, le premier brandissant la carte des crimes français en Algérie, le second celle du génocide arménien au début du siècle dernier.
Des médias algériens proches de la mouvance des Frères musulmans relaient les rodomontades du sultan d’Ankara, nostalgique de l’empire ottoman. Ce, au moment où un débat s’est enclenché en Algérie sur la véritable nature de la présence turque dans le pays et sur le rôle que les deys ont joué dans l’invasion française. Les récits historiques évoquent une trahison et un deal passé entre les dirigeants turcs de l’époque qui allait permettre l’occupation du pays en contrepartie d’avantages négociés, d’une préservation de «leurs» biens et de la protection de leurs familles.
Parce que musulman, l’empire ottoman a toujours été présenté comme une «régence», euphémisme qui cache une occupation indue du sol algérien qui ne diffère en rien du colonialisme français. Ce sont ces mêmes Turcs qui ont «vendu» l’Algérie à la France un certain 5 juillet 1830, alors que le général de Bourmont, conduisant son impressionnante flotte, peinait à vaincre les vaillants Algériens qui affrontaient l’armée française courageusement depuis le 14 juin, jusqu’à ce que la trahison du dey Hussein mît fin à cette résistance en signant un pacte honteux avec la France, en vertu duquel les Turcs cédaient leur «régence» au nouvel occupant, moyennant maintien de ses privilèges.
Dans la convention signée par le général en chef de l’armée française et le représentant de la Sublime Porte à Alger – qualifié d’«altesse» par les Français et dont une rue porte pourtant son nom à ce jour au cœur de la capitale –, il est stipulé que «le fort de la Casbah et tous les autres forts qui dépendent d’Alger seront remis aux troupes françaises ce matin, à dix heures (heure française)» (matin du 5 juillet, ndlr). En contrepartie de cette lâcheté, la France s’engage, lit-on dans le document historique, envers le dey d’Alger, «à lui laisser sa liberté et la possession de toutes ses richesses personnelles». En outre, le dey «sera libre de se retirer avec sa famille et ses richesses particulières dans le lieu qu’il fixera. Et tant qu’il restera à Alger, il y sera, lui et sa famille, sous la protection du général en chef de l’armée française». De Bourmont fit assurer la sécurité de l’abdiquant dey et celle de sa famille par une garde spéciale.
Quant au reste du peuple, la France conquérante et arrogante s’engagea, selon les clauses de cette même convention, à respecter l’exercice de sa religion (l’islam) et à ne pas porter atteinte aux biens et commerces des habitants. «Le général en chef en prend l’engagement sur l’honneur», est-il écrit dans la convention à l’issue de laquelle les troupes françaises entraient «dans la Casbah et successivement dans tous les forts de la ville et de la marine».
Le dey turc venait d’offrir l’Algérie à la France contre sa propre sécurité et la sauvegarde de sa fortune.
K. M.
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