Ces trois extrémismes qui tuent la liberté de pensée en Algérie
Contribution de Youcef Benzatat – Périodiquement, des libres penseurs en Algérie sont pris à partie par des extrémistes de tous bords : nationalo-conservateurs, islamistes et berbéristes. Ce sont, en effet, ces trois excroissances de la société qui constituent les failles de clivage qui empêchent le peuple d’émerger en tant que peuple uni autour d’un intérêt commun pour édifier le socle d’une nation promue à l’exemplarité au sortir de la nuit coloniale, par un combat de longue haleine et acharné, porté par l’espoir de la libération de la servitude et la soumission.
Tout autant, en empêchant la société algérienne d’émerger du chaos hérité de la période coloniale. Un chaos duquel devaient émerger un Etat et des institutions garantissant les libertés fondamentales, articulées autour des principes fondamentaux des droits de l’Homme, la liberté de conscience, la justice sociale, le droit à l’éducation, à la santé, au logement, au travail, à la liberté d’expression et aux droits politiques les plus élémentaires, à la hauteur des attentes du peuple, longtemps privé de tous ces fondamentaux de l’existence, de sa dignité et le respect de sa personne humaine, par une colonisation inique et particulièrement cruelle.
Tout libre penseur, intellectuel ou militant qui ose affronter ces extrémismes pour les ramener à la raison, afin d’élaborer ensembles les contours d’un intérêt commun pouvant donner naissance à cette Algérie promue au rang d’une grande nation exemplaire, est violemment pris à partie par ces extrémistes, souvent dépourvus de facultés éthiques et de grandeur d’esprit pour se projeter dans l’histoire à la gloire du triomphe de l’aventure humaine. S’ils sont misérablement dépourvus de ces facultés, ils sont, cependant, habilement dotés de cupidité, cyniquement rusés de machiavélisme et grossièrement effrontés devant l’adversité.
L’affront des nationalo-conservateurs, détenteurs du pouvoir de fait, autoritaires, totalitaires et liberticides, fossoyeurs des prospérités économiques, politiques, sociales et culturelles, promoteurs et marionnettistes de toute potentialité de clivage dans la société civile, pour l’empêcher d’advenir et de tisser un fort lien social, les mains affreusement et fermement agrippées au robinet d’où jaillissent les entrailles de la terre sur lesquelles sont bâties leurs luxuriances, vous accablent de toutes les traîtrises contre la patrie et d’être à la solde de la main étrangère devant toute occurrence. L’affront contre leur égarement et leur insouciance se retrouve, avec effronterie, culpabilisé de volonté de déstabilisation du pays et d’atteinte à l’unité de l’armée, outrageusement exposé à la sanction extrême, pour anéantir toute volonté de récidive et terroriser toute potentialité de solidarité active, médiatique, intellectuelle et politique.
Les islamistes, prescrivant avec un orgueil démesuré et vaniteux le bonheur pour tous, qu’ils puisent dans leur aliénation dans l’imaginaire mythologique religieux, avec arrogance et certitude d’être missionnés par la source unique et irréfutable de vérité, les condamne à ne pouvoir accepter de pensée en contre champ de leur système religieux, sous peine de se voir traduite par l’apostasie, une souillure des écritures célestes, de la mécréance, de l’égarement, de la perte de personnalité dans le mimétisme occidental. Considérant que le pays est musulman, donc le peuple est forcément religieux par filiation. Ce qui légitime la prise en otage par le religieux du système éducatif. L’enfant est initié aux rituels musulmans contre sa volonté dès la naissance, provoquant une castrante inhibition de sa liberté de conscience.
Bien qu’il aurait fallu lui laisser le choix en attendant qu’il soit adulte. Cette manière de considérer l’Algérie comme une terre musulmane et les Algériens comme un peuple musulman est une attitude totalitaire par sa prétention hégémonique. Dans ces conditions, l’affront aux islamistes débouche violemment sur la même rengaine, celle de la volonté de nuire à la quiétude collective et la tentative de division du peuple. Les auteurs de cet affront sont systématiquement mis au banc de la société et considérés comme des indus citoyens. En considérant que tous ceux qui ne s’identifient pas à leur système de pensée sont des indus citoyens, qui a pour conséquence la division du peuple, alors qu’ils prétendent se soucier de son unité. Il serait donc impossible dans ces conditions d’aller vers une citoyenneté républicaine pour remettre en question l’autoritarisme et le totalitarisme du régime politique en vigueur, qui est lui-même structuré autour des fondements du religieux.
Quant à l’affront des berbéristes, ethnicistes, adeptes de la pureté identitaire et du nationalisme ethnique, dont le projet politique se fonde sur la ghettoïsation régionale et le séparatisme, qui ne laisse aucune possibilité à la formation de l’unité du peuple, ni à l’intégrité territoriale, se voit traité de raciste, d’incitation à l’ostracisme et, pour brouiller le débat, il se voit traité d’arabo-islamiste, arabo-baâthiste et un tas d’autres clichés parmi les plus éculés dans le lexique de la victimisation à outrance.
Le libre penseur doit donc mener bataille sur trois fronts, devant trois failles de clivage, aussi têtues les unes que les autres. C’est le prix à payer pour s’acquitter de son devoir d’honorer la promesse des martyrs, pour le combat qu’ils ont initié, pour sortir l’humanité de l’âge colonial, en apportant sa contribution à la consolidation de l’unité du peuple et la réalisation du salut de la nation exemplaire dont ils ont jeté les fondements.
Y. B.
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