Débat Le Pen-Darmanin : la France identifie le musulman comme ennemi
De Paris, Mrizek Sahraoui – La télévision publique française a renoué, ce jeudi, avec le débat politique, exercice supplanté depuis plus d’une année par la crise sanitaire. Dans cette première joute politique cathodique se sont affrontés la présidente du Rassemblement national et l’actuel ministre de l’Intérieur. Ce n’est pas le débat du siècle dont on se souviendra. Tant s’en faut, mais l’échange aura au moins eu le mérite de la clarté et a fini par dissiper le flou qui, d’ordinaire, entoure la séquence électorale à venir. La laïcité, la sécurité, l’islam et l’immigration seront sûrement les points nodaux de la campagne pour l’élection présidentielle d’avril 2022.
Qui mieux que Marine Le Pen, la fille de son père – fondateur du mouvement extrémiste – et Gérald Darmanin, le fervent disciple de Sarkozy, le maître à penser de toute une génération de cadres positionnés à califourchon entre la droite et la droite extrême, pour traiter ex professo de tels sujets auxquels a été consacrée la quasi-totalité du temps imparti à la confrontation ?
La France du XXIe siècle a fini par identifier son ennemi supposé être la source des multiples maux qui frappent le pays : l’immigré qui ne peut être que musulman, lui-même obligatoirement islamiste, donc forcément délinquant, vecteur d’insécurité quand il n’est pas carrément terroriste. C’est la conclusion que d’aucuns ont tirée au terme du débat. Une synthèse partagée par Alexis Corbière, député de la France Insoumise présent dans le second débat organisé dans la foulée, lequel a également dénoncé un «intolérable amalgame» et un patchwork idéologique dangereux.
Il était prévisible que la question de l’immigration et toutes les thématiques consubstantielles allaient fonder le débat de la campagne électorale de la présidentielle, laquelle vient d’être lancée ce jeudi. Tout comme il tombe sous le sens (qu)’Emmanuel Macron fait tout pour imposer de fait un agenda et les «priorités» à travers notamment (sa) loi-valise sur «le séparatisme», pudiquement dite loi «confortant le respect des principes de la République».
Les opposants à Emmanuel Macron y voient une instrumentalisation de sujets clivants qui ne sont plus l’apanage exclusif du parti d’extrême droite visant à bipolariser la vie politique entre son mouvement, La République En Marche (LREM), et le Rassemblement national (RN), son [meilleur] adversaire dont il saura prendre barre le moment venu grâce au front républicain qui, rappelons-le, avait relativement fonctionné en 2017.
Il est vrai que la stratégie qui consiste à disloquer les partis de droite mais dans le même temps à favoriser l’essor de l’extrême droite, une manœuvre qu’Emmanuel semble vouloir rééditer en 2021, avait porté ses fruits sous Mitterrand. La différence, c’est qu’à cette époque-là le mouvement extrémiste dirigé alors par Jean-Marie Le Pen ne pesait quasiment rien dans le paysage politique français. Contrairement à aujourd’hui où le parti d’extrême droite, dédiabolisé, fait figure de premier parti d’opposition, avec des millions de sympathisants et d’électeurs.
Pari très risqué, donc.
M. S.
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