Le discours de Macron qui explique pourquoi l’Algérie boude le G5 Sahel
Par Abdelkader S. – Discours de colon à colonisé. Injonctions, ordres, directives, distribution de bons points. C’est dans la peau du chef que le président français s’est adressé à ses «homologues» des pays d’Afrique subsaharienne qui constituent le G5 Sahel. «Nous devons», a-t-il répété du début jusqu’à la fin, en énumérant les actions qui «doivent» être menées et en indiquant d’un doigt dictateur la direction à suivre sous la houlette de la Métropole.
C’est à partir de Paris, en visioconférence, crise sanitaire oblige, qu’Emmanuel Macron a dicté la nouvelle feuille de route aux présidents du Mali, du Niger, du Tchad, de la Mauritanie et du Burkina Faso. Il a salué «l’intensité de [notre] mobilisation collective pour le Sahel», invitant le président tchadien à faire preuve du même «volontarisme» que son prédécesseur à la tête de ce «cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité», créé en 2014.
«Vous avez donné un gage éclatant de votre engagement», a insisté le locataire de l’Elysée, en se félicitant des «décisions fortes et courageuses» prises par les cinq présidents africains et des «véritables résultats et les acquis [obtenus] dans la zone des trois frontières», non sans avoir admis, au passage, les lourdes pertes dans les armées des pays concernés et dans les rangs des troupes françaises engagées dans la région.
Après avoir donné sa bénédiction aux élections qui se déroulent au Niger dans de «parfaites conditions», Emmanuel Macron note que l’ennemi «a perdu son emprise», grâce, a-t-il dit, à l’opération Barkhane qui a permis de reprendre des zones qui étaient occupées par les terroristes. Et d’annoncer «l’enjeu de N’ndjamena» qui est, a-t-il décrété, de «passer à une nouvelle étape» et «d’aller encore plus loin et plus fort sur la mobilisation collective en matière de consolidation de notre structuration militaire». A charge pour la France de chercher les financements nécessaires auprès des pays européen et des monarchies du Golfe.
Macron enjoint, ensuite, ses interlocuteurs d’avoir «le même sursaut politique et civil que celui que nous avons eu il y a un an». Il y a pour ça «trois messages très simples à passer», assène-t-il : ne pas relâcher la pression sur les groupes terroristes, poursuivre l’emprise sur les trois frontières et mener dès les prochains jours et les prochaines semaines des opérations concrètes dans cette zone pour retrouver le contrôle. La dictée ne s’arrête pas là.
«Le deuxième message que je voudrais faire passer, c’est que nous devons obtenir le soutien collectif à la force conjointe du G5 Sahel», a-t-il ajouté en rappelant les mécènes qui ont financé cette force conjointe, qui a besoin de quarante millions d’euros par an pour la «faire fonctionner». En parallèle, Macron ordonne que soit lancé un «chantier diplomatique» qui consiste à conférer au G5 Sahel une sorte de couverture onusienne. «Mais on ne doit pas attendre, on doit dès maintenant accélérer le financement», a-t-il précisé. Ce qui devrait mettre l’eau à la bouche des cinq pays africains qui escomptent certainement des retombées en devises sonnantes et trébuchantes pour équiper leurs armées.
Enfin, Macron explique à ses homologues que «nous ne devons pas seulement lutter contre l’emprise des groupes terroristes, nous devons aussi donner une perspective aux populations du Sahel». En bon président d’un pays civilisé, il dicte la méthode : «Une impulsion au plus haut niveau de l’Etat, des objectifs mesurables et tangibles, un dialogue étroit avec les partenaires.»
Comment le président français pouvait-il escompter de l’Algérie et de son armée qu’elles se soumettent ainsi à de tels oukases aux forts relents néocolonialistes ?
A. S.
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