Une journaliste juive tunisienne révèle la véritable origine du voile dit islamique
Par Kamel M. – Chantal de Rudder est une juive de Tunisie. Elle était reporter de guerre et a sillonné les quatre coins de la planète. Auteure du livre Un voile sur le monde, elle y explique comment a «démarré» l’histoire du voile. Ce dernier est-il un objet politique ou religieux ? «On peut dire aujourd’hui qu’il peut être ce qu’on veut, mais il faut se demander comment ça a démarré, parce qu’il y a beaucoup de femmes qui le portent en pensant que c’est un objet religieux, il y en a d’autres qui savent que c’est un objet politique», a-t-elle affirmé sur CNews. «La grande réussite de la part des islamistes, c’est d’avoir fait croire que c’était un objet musulman coranique», a-t-elle ajouté.
«Moi je suis née en Tunisie, ma grand-mère était voilée, mais ma grand-mère n’était pas musulmane, elle était juive. Le voile est un objet patriarcal autour de la Méditerranée qui a beaucoup sévi. Quand j’étais petite, en Tunisie, au milieu des années 1950, j’ai vu Bourguiba enlever le voile des femmes. Ailleurs, dans les autres pays musulmans, en Iran, en Turquie, en Bosnie, etc., le voile avait été aboli parce que la plupart des leaders musulmans voyaient dans ce que Bourguiba appelait l’épouvantable chiffon le symbole de l’arriération musulmane qui avait permis la domination occidentale», a déclaré l’ancienne rédactrice en chef du Nouvel Observateur.
A la question de savoir ce qui a fait revenir le voile après qu’il eut disparu, elle répond que «c’est un phénomène extraordinaire car non seulement il est revenu, mais il est refait son apparition dans les endroits où on ne l’avait jamais vu». «Il revient partout et sous une autre forme – j’insiste, ce n’est pas le même voile, ce n’était pas cette agression du noir, du sombre qui symbolise l’Iran», poursuit-elle. «Ce qui se passe avec la révolution islamique de 1979, c’est quelque chose d’inouï. C’est la première révolution islamique et, dans le monde entier, les musulmans ont l’impression de sortir de l’humiliation. Khomeiny est obsédé par le voile, le tchador. Il en fait un objet constitutionnel», souligne la scénariste française, selon laquelle «à partir de ce moment-là, le voile devient non pas le sixième pilier de l’islam – non, parce qu’il y a énormément de musulmanes qui ne sont pas voilées et qui ne sont pas moins musulmanes que les autres – mais le sixième pilier de l’islamisme».
La journaliste, qui dit avoir «fait la moitié du tour du monde pour comprendre comme la chose s’est agencée», estime que le voile «a une géostratégie». «En Arabie Saoudite, dit-elle, pays riche, le pétrole permet une volonté de pouvoir, une envie d’impérialisme et, en face, on a Nasser au même moment, lequel est séculariste et représente le socialisme. Entre Nasser et les Al-Saoud, il va se passer une guerre que les Américains vont soutenir du côté saoudien, lequel va fonder une ligue islamique qui regroupe tous les islamistes de la planète et les Américains vont applaudir cela parce que cela allait permettre de porter un coup à Nasser.»
Elle se remémore une vidéo de Nasser haranguant la foule et pris d’un fou rire en racontant sa conversation avec le chef des Frères musulmans qui lui avait demandé d’obliger les femmes à porter le voile quand elles sortent. «En vérité, relativise-t-elle, personne n’avait compris ce qu’il était en train de se passer à ce moment-là.» Elle explique : «Les Frères musulmans sont les premiers à avoir pensé à une révolution de tissu, à une évangélisation par le voile qui allait montrer que leur islam se verrait sur les femmes.» «Pour eux, l’autre islam n’est plus valable», souligne la coauteure du livre Le plaisir de tuer, pour laquelle «le voile dans la rue est une forme de normalisation de l’islam».
K. M.
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