Pourquoi Belhimer ne cite pas les trois «autres» pays qui menacent l’Algérie ?
Par Nabil D. – Le ministre de la Communication alerte contre une cyberguerre qui est menée contre l’Algérie à partir de «cinq pays étrangers dont le Maroc». Pourquoi Amar Belhimer cite-t-il le voisin de l’Ouest et tait les quatre autres ? Quels sont-ils ? «L’administration de Facebook a publié un communiqué dans lequel elle affirme avoir bloqué des comptes qui s’attaquent à plusieurs pays, parmi lesquels l’Algérie, quelques-uns de ces comptes ont une relation avec des membres de l’armée française», a-t-il précisé. On apprend donc que la France fait partie du faisceau de pays qui dirigent leurs cyber-armes contre l’Algérie dans ce qu’il a qualifié de «guerre systématique».
Le porte-parole du gouvernement parle de «complot» et de «plan» visant à «attenter à la stabilité de l’Algérie de diverses manières», notamment en «souillant l’image du pays» et en «incitant à l’atteinte à la sécurité, à l’unité et à la stabilité de notre patrie». S’appuyant sur une analyse de Kaspersky, la société privée multinationale spécialisée dans la sécurité des systèmes, le ministre avance que l’Algérie «est le pays le plus menacé par la cyberguerre avec des attaques ayant ciblé 44% des utilisateurs», ajoutant que notre pays «a été classé premier dans le monde arabe et quatorzième au niveau mondial en termes de cyber-attaques en 2018».
La question que d’aucuns se posent est : pourquoi le ministre de la Communication, prompt à citer deux «ennemis» – le Maroc et la France – occulte les autres pays qui nous livrent une guerre via Internet ?
En 2017, l’expert Ali Kahlane mettait déjà en garde contre la vulnérabilité de nos réseaux informatiques. L’ancien professeur à l’Ecole militaire polytechnique (ex-Enita) et président de l’Association des opérateurs de télécoms alternatifs (AOTA) appelait, alors, à une «hygiène numérique» pour éviter de subir une attaque comme celle qui avait affecté près de cent pays avec plus de 200 000 attaques en quarante-huit heures, la même année.
L’attaque du site de l’APS, cette-année-là, était «pratiquement un cas d’école», avait fait savoir cet expert. «Beaucoup ont expliqué que la vulnérabilité du site venait du fait qu’il était hébergé à l’étranger, et la preuve en était que les sites régionaux de l’APS, en l’occurrence, Oran, Constantine et Ouargla, n’avaient, eux, pas été inquiétés, parce qu’ils étaient bel et bien hébergés en Algérie», avait-il souligné, en indiquant que le site de l’APS «aurait pu être attaqué exactement de la même manière avec les mêmes résultats même s’il avait été hébergé en Algérie», avant de s’interroger sur les raisons qui avaient permis cette faille de sécurité.
En août 2019, Facebook annonçait avoir bloqué deux campagnes de manipulation, «orchestrées l’une depuis l’Arabie Saoudite, l’autre depuis les Emirats arabes unis et l’Egypte, et dirigées contre de multiples pays au Maghreb». «En tout, le réseau social a supprimé pas moins de 800 comptes, pages, groupes et événements, principalement sur Facebook mais aussi sur Instagram, qui cherchaient à attiser les tensions dans certains Etats», indiquait l’agence de presse française AFP, qui expliquait que «les auteurs de ces campagnes ont tenté de dissimuler leur identité» mais «les ingénieurs du réseau ont trouvé des connexions avec des individus liés au gouvernement saoudien, d’une part, et avec deux sociétés de marketing, New Waves en Egypte et Newave aux Emirats, d’autre part».
Une cyberguerre a été déclarée à l’Algérie via le hacking d’un grand nombre de sites officiels hébergés en «.dz», en décembre dernier. «L’Algérie est mal lotie dans le cyberespace où la guerre technologique a déjà commencé», déplorait un spécialiste de la question.
Les Emirats arabes unis, le Qatar et la Turquie seraient-ils les trois pays qu’Amar Belhimer s’interdit de mentionner dans son accusation contre les «cinq» Etats malveillants qui nous veulent du mal ? Pourquoi ces pays devraient-ils être «protégés» par le porte-parole du gouvernement, alors que le Maroc et la France peuvent, eux, être montrés du doigt sans craindre de provoquer une crise diplomatique ?
N. D.
Comment (21)