L’ennemi idéologique
Par Bachir Medjahed – Quel système politique voulons-nous construire si le paysage politique n’est pas sédimenté en droite, gauche et centre ou en deux blocs, républicain et démocrate ? Ce sont les modèles qu’on voit outre-mer qui fonctionnent et qui nous servent de référents. Il y en a bien sûr de ceux qui, dans l’espace arabo-musulman, diront que ce ne sont pas nos modèles, alors que nous n’avons aucun modèle spécifique à cet espace.
L’injection d’un parti islamiste dans le paysage politique nous apparaît comme le ver qu’on introduit dans le fruit. Le système démocratique est ainsi dénaturé. La réintégration de l’islamisme réintroduit la notion d’ennemi idéologique. Fatalement, on aura tendance à se créer un pôle laïc comme un contrepoids. Or, il n’y a pas, pour le moment, de volonté à créer un pôle laïc. Mais celui-là finira par être une réalité car toute force crée une réaction.
Il est naturel qu’une animation politique au cours d’une campagne électorale importante se fasse autour de clivages politiques. L’islamiste va se déterminer par rapport à quoi ? Fatalement, il accusera ses adversaires d’être des laïcs, des athées, des occidentalisés, des sionistes même. Que serait la réponse de ses adversaires ? Les conditions de la fitna commencent alors à se mettre en place. C’est d’abord la rhétorique guerrière, ensuite les indexes menaçants, les marches sans autorisation. En face, il n’y aura pas la soumission.
Revenons à ce qui est pratique. Peut-il y avoir une alternance pacifique, douce, entre programme islamiste et programme laïc ? Entre deux programmes mortels l’un pour l’autre ?
Dans une lettre au feu président Chadli Bendjedid, Abdallah Djaballah, qui dirigeait le parti Ennahda, écrivait que la démocratie ne peut exister que dans un paysage politique exclusivement islamiste, l’alternance se faisant alors entre équipes d’hommes les mieux à même de réaliser le projet islamiste qui est le même pour tous.
Dans le cas d’en face, feu Hachemi Chérif, alors secrétaire général d’Ettahadi, disait la même chose pour la démocratie, à savoir qu’il faut débarrasser le champ politique de tout parti islamiste.
Un autre obstacle. Quel sera le rôle du conseil des oulémas par rapport à celui du Conseil constitutionnel ? Toujours pour Abdallah Djaballah, le conseil des oulémas doit être au-dessus de tout et de tous car il contrôlera la conformité des lois à la charia.
B. M.
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