Le torchon brûle entre Rachad et MAK : la raison inavouée d’un divorce brutal
Par Abdelkader S. – Rien ne va plus entre l’organisation islamiste Rachad et le mouvement séparatiste MAK. Les leaders et les activistes de ces deux entités qui mènent le bal au sein du mouvement de contestation populaire ont scellé leur divorce par une série d’accusations mutuelles et d’actions qui dénotent une profonde animosité qui risque même de dégénérer.
Le premier casus belli a été constaté à Kherrata, dans la wilaya de Béjaïa, le 16 février dernier, lorsque des manifestants actionnés par Rachad ont «interdit» l’emblème caractéristique du MAK, différent de celui brandi durant les manifestations aux côtés du drapeau tricolore national en guise d’affirmation du caractère amazigh de la nation algérienne. Sur les réseaux sociaux, un animateur de Rachad à Paris, transfuge du FFS, a dénoncé ce qu’il a qualifié de «tentatives d’atteinte à l’unité nationale», en arguant que le Hirak a pour but, justement, de «souder le peuple autour d’une même revendication, celle de l’instauration d’un Etat démocratique».
A cette «répudiation» manifeste, le chef de file du MAK a répondu par un discours au vitriol, dans lequel il a reproché en des termes virulents aux animateurs du Hirak de ne pas inclure les détenus appartenant à son mouvement parmi ceux pour la libération desquels des appels sont lancés et des actions sont menées par ses figures de proue. Ferhat Mehenni a pesté contre ses déjà ex-alliés qu’il accuse d’avoir deux pas et deux mesures et d’adopter un soutien sélectif et une attitude excommunisante à l’égard de ses militants.
En réalité, la cause sous-jacente de cette bisbille est le leadership sur la Kabylie. C’est, en effet, à partir de cette région frondeuse, anti-pouvoir, que les différents protagonistes du Hirak veulent relancer le mouvement, car conscients que c’en est le fer de lance. On se souvient tous du fameux slogan, scandé à travers tout le pays, par lequel les manifestants rendaient un hommage soutenu aux «Kabyles» pour avoir pu empêcher les élections présidentielles de s’y tenir le 12 décembre 2019. Rachad et le MAK se disputent cette carte maîtresse, cet atout qui fera basculer la tendance dans un sens ou dans un autre.
Rachad a attendu de sceller une nouvelle alliance avec le RCD, qui a rejoint le mouvement, forcé, avant de tourner le dos à un MAK trop menaçant qui risquait de lui faire de l’ombre dans son fief. L’organisation islamiste, téléguidée par les anciens du FIS, estime qu’elle peut désormais s’arc-bouter sur l’ex-parti de Saïd Sadi et sur Karim Tabbou, le disciple fervent de Hocine Aït Ahmed dont il mime jusqu’à l’accent et la voix, dans sa guerre contre l’institution militaire. Une guerre héritée du parti extrémiste FIS, aigri de n’avoir pas pu réaliser son projet de califat, et du ressentiment jamais enterré du «zaïm» qui a gardé enfouie au plus profond de lui sa rancœur envers l’armée des frontières jusqu’à sa mort.
Autre marqueur de cette rupture entre les islamistes et les autonomistes, les révélations faites par un organisateur du Hirak à Londres qui, s’exprimant en kabyle, a dénoncé les dérives fascisantes de Rachad et de son meneur dans la capitale britannique, accusé d’œuvrer à faire main basse sur le Hirak et à soumettre tous les autres intervenants à son autorité autoproclamée.
A. S.
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