Mouvement de contestation au Maroc et en Algérie : trois «étranges» similitudes
Par Houari A. – Quelques dizaines de Marocains se sont rassemblés dans la capitale du pays pour raviver le mouvement de contestation du 20 février 2011. La police et la gendarmerie de Mohammed VI ont, comme d’habitude, dispersé les manifestants à coups de matraque et de coups de pied. Les images ont été filmées par l’agence de presse française AFP. Des manifestants qui, profitant du retour des marches hebdomadaires en Algérie, ont appelé à faire de même dans toutes les villes du royaume.
Des observateurs avisés n’ont pas manqué de s’interroger sur les étranges et nombreuses similitudes entre les deux mouvements de contestation. D’abord, l’appellation. Le mot «Hirak» a été importé du Maroc, plus exactement du Rif où la flamme de la protesta est loin d’être éteinte, d’autant que ses principaux animateurs se trouvent toujours en prison et que cette région frondeuse du nord du Maroc dénonce un ostracisme qui lui est imposé par le pouvoir central. La campagne lancée par des cercles non identifiés pour lancer le «Hirak» algérien en 2019 semble être calquée sur sa copie marocaine et émane donc du même «laboratoire» spécialisé dans la gestion des foules et la manipulation des internautes via les réseaux sociaux, notamment Facebook et YouTube.
La deuxième coïncidence tout aussi étrange et la quasi-similitude des dates, 20 février au Maroc et 22 février en Algérie. S’il est évident que le choix de ce jour trouve son explication dans le fait que ce fut un vendredi, donc jour non ouvré, il n’en demeure pas moins que les auteurs de ce choix auraient pu jeter leur dévolu sur une autre date qui aurait correspondu à un vendredi, avant ou après le 22 février, d’autant plus que les appels à sortir ce jour précisément avaient fait leur apparition sur la Toile plusieurs semaines, voire plusieurs mois auparavant. Cette homologie ne peut être le fruit du hasard. Et la sortie des manifestants à Rabat au lendemain de celle des Algériens le 16 février dernier dans ce qui s’apparente à une reprise crescendo de l’occupation hebdomadaire de la rue en est une preuve suffisante, estiment les mêmes observateurs.
Troisième élément qui confirme cette concordance entre les deux «Hirak», le slogan scandé par les manifestants marocains qui appellent à sauvegarder le caractère pacifique en dépit de la répression. Le mot répété deux fois, «silimia silmia» (pacifique, pacifique), retentit exactement de la même façon en Algérie et au Maroc. Choix dicté par l’asymétrie des forces ? Non, expliquent des sources informées. Cette attitude adoptée par les manifestants dans les pays où le «printemps arabe» a sévi il y a dix ans et où le but n’était pas de provoquer une guerre civile mais de remplacer le régime par un autre sans trop de grabuge, comme en Egypte et en Tunisie, fait partie des principales recommandations du Canvas, le centre «d’actions et de stratégies non violentes», créé par la CIA en Serbie et par lequel sont passés l’ancien président tunisien Moncef Marzouki, et l’ex-Premier ministre libyen post-Kadhafi, Abderrahmane Al-Kib.
Le Canvas apprend aux «révolutionnaires en herbe» comment élaborer un scénario «détaillé» de l’événement, choisir l’heure et l’endroit qui conféreront la meilleure visibilité possible à l’action et faire parvenir aux journalistes toute information nécessaire concernant l’événement. Avant cela, les initiateurs de cette formation, parrainée secrètement par des institutions américaines, expliquent que pour atteindre ces objectifs, il faut tout d’abord définir les groupes sociaux sur lesquels l’action doit influer et le message à transmettre, et savoir quel effet le message a produit sur le public «afin de préparer encore mieux de prochaines actions».
Un document de travail a été élaboré par cette organisation pour initier l’opposition dans les pays du tiers monde aux nouvelles techniques de subversion basées sur des actions subtiles qui recourent à la manipulation et à la provocation. Les actions à mener «pacifiquement» sont consignées dans un document intitulé «Lutte non violente en 50 points». Le document explique comment «enfermer l’adversaire dans un dilemme». On y lit : «Les actions dilemmatiques mettent votre adversaire dans une situation où sa façon de réagir, quelle qu’elle soit, aura pour lui un effet négatif. Les stratèges de la lutte non violente s’efforcent de placer leurs actions dans un cadre faisant que l’adversaire en sortira toujours perdant et leur mouvement toujours gagnant. Autrement dit, si l’adversaire réagit, il le regrettera ; s’il ne réagit pas, il le regrettera aussi.»
C’est ce que les spécialistes appellent désormais la guerre de quatrième génération.
A ces trois similitudes – au moins – s’opposent néanmoins deux différences de taille. La première est que le Maroc finance les cyberactivistes qui se remuent à Londres, Paris et Genève. La seconde est que les médias français braquent leurs projecteurs sur l’Algérie et épargnent le Makhzen ; exigent la libération des détenus d’opinion en Algérie et laissent les militants et les journalistes marocains emprisonnés moisir dans leur cellule.
H. A.
Comment (25)