L’Algérie et l’âge d’or de la diplomatie du pétrole
Contribution de Khaled Boulaziz et Kaerdin Zerrouati – «Nous devons garder à l’esprit que l’impérialisme est un système mondial, il est la dernière étape du capitalisme. Il doit être vaincu dans une confrontation mondiale. La fin stratégique de cette lutte devrait être sa destruction. Notre part, la responsabilité des exploités et des laissés-pour-compte de ce monde est d’en éliminer ses fondements des nations opprimées, d’où sont pillés le capital, les matières premières et la main-d’œuvre bon marché.» (Che Guevara.)
Le 24 février 2021, l’Algérie célébra le cinquantenaire de la nationalisation de hydrocarbures, ce jour vit aussi la disparition de Zaki Ahmed Yamani, grand stratège et flamboyant ministre du Pétrole sous feu Faysal Ben Abdelaziz Al-Saoud.
Belaïd Abdeslam, ministre algérien du Pétrole de l’époque et Zaki Ahmed Yamani furent les architectes de l’embargo pétrolier de 1973 contre l’Occident et sa politique meurtrière au Moyen-Orient.
Ce choc pétrolier est inscrit à jamais dans l’imaginaire occidental et reste un cas d’école quand la volonté politique y est, pour un combat contre les élites occidentales qui rêvent de présider au destin de ce monde.
Dans les faits, le 16 octobre 1973, les Etats membres de l’Opep ont accepté d’augmenter le prix du pétrole de plus 70% à 5,11 dollars américains le baril. Le jour suivant, les Etats membres appartenant à l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OAPEC) cessèrent la livraison du pétrole vers tout pays ayant aidé Israël pendant la guerre de 1973.
Lorsque le président américain Richard Nixon débloqua une aide militaire de 2,2 milliards de dollars à Israël, la Libye annonça qu’elle ne livrerait plus de pétrole aux Etats-Unis. Les autres membres de l’OAPEC rapidement lui emboîtèrent le pas. Peu de temps après, l’embargo fut étendu aux Pays-Bas.
Les conséquences de l’embargo ont été immédiatement ressenties lorsque le prix du pétrole a grimpé. Des pénuries de pétrole ont également fait leur apparition dans le monde entier et le rationnement fut initié par la plupart des pays de l’hémisphère occidental ; réminiscence des disettes de la Seconde Guerre mondiale
Cependant, les effets à long terme de l’embargo ont été extraordinaires et ont radicalement modifié la façon dont le monde a commencé à percevoir sa propre sécurité énergétique. Les Etats-Unis ont donné le feu vert à des projets d’exploration pétrolière massifs en mer et dans l’Etat de l’Alaska, auparavant à coût prohibitif.
D’autres pays comme la France et le Royaume-Uni ont diversifié leurs sources d’énergie, en investissant massivement dans le gaz naturel, l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Le Japon a même changé son orientation des industries pétrolières lourdes vers l’électronique et a conduit son industrie automobile à produire des modèles plus petits et plus économiques.
Dans l’industrie pétrolière elle-même, l’équilibre des pouvoirs est passé des super majors, ou Seven Sisters, comme on les appelait alors, aux compagnies pétrolières nationalisées. Les super majors ont également été accusés au moment de profiter de la crise et de nombreux experts estiment que, par conséquent, ils ont été traités avec suspicion par le grand public des pays occidentaux depuis.
Les événements de 1973 initièrent donc avec force le mouvement des énergies alternatives qui a pris un élan énorme au cours des 36 dernières années (le changement climatique a également donné un coup de main) et a accru la dépendance de la région vis-à-vis des pays occidentaux qui achètent son pétrole.
Pièce maîtresse du projet politique interne, la problématique pétrolière ne s’est jamais cantonnée aux frontières nationales. Comme il a été mentionné, l’activisme des pays arabes producteurs du pétrole au sein de l’Opep a concouru à lui attribuer une position stratégique sur la scène internationale, et plus particulièrement dans le Tiers Monde. Outre cela, son engagement à faire de l’Opep une plateforme de lutte contre le néocolonialisme a traditionnellement donné au pétrole arabe une teinte éminemment politique.
En somme, la diplomatie pétrolière est une des formes d’une lutte pour la souveraineté énergétique des pays producteurs. Les enjeux de la problématique pétrolière à échelle nationale s’exportent et confèrent à la pétro-diplomatie une tonalité politique, idéologique, en adéquation avec les principes des grands mouvements de décolonisation du siècle passé.
Dans sa logique d’émancipation, ces mouvements ont noué des alliances stratégiques par le biais d’accords de coopération pétrolière qui laissent entrevoir les aspirations de formation d’un bloc de pays exportateurs unis, capable d’imposer ses règles sur le marché pétrolier mondial.
Les différents ministres du Pétrole algérien, entre autres l’imminent Nordine Aït Laoussine, furent de tout temps les porte-parole d’une Algérie avant-gardiste, lucide dans ses priorités, celles de disposer pleinement de ses ressources minières pour son développement et celui des damnés de la terre.
Cette position politique hautement universelle reste toujours d’actualité quoique que prédisent les différents think-tanks occidentaux.
- B./K. Z.
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