Influence allemande dans le dossier sahraoui : le cauchemar de Rabat
Contribution de Sabri Oukaci – Le pillage des ressources naturelles du Sahara Occidental par le Maroc concerne principalement l’agriculture d’exportation, le phosphate, la pêche et le tourisme, et ce malgré l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendu en décembre 2016, déclarant que le Maroc et le Sahara occidental étaient deux territoires distincts et séparés.
Un sac des ressources du Sahara Occidental organisé officiellement par le Makhzen et soutenu par des gouvernements complices, dont le préjudice annuel subi est évalué à 1 milliard d’euros, par l’avocat au barreau de Lyon, enseignant-chercheur et maître de conférences français, Gilles Devers.
«Cet accord sert à spolier les ressources du Sahara Occidental. L’argent recueilli par le Maroc va à la Maison royale et au financement de la colonisation», affirme Devers.
Rappelons que l’actuel accord de partenariat dans le domaine de la pêche conclu entre l’Union européenne et le Maroc, sans consultation des Sahraouis, est entré en vigueur le 18 juillet 2019, et avec une clause de renouvellement tacitement. Son premier protocole de mise en œuvre a une durée de quatre ans couvrant la période du 18 juillet 2019 au 17 juillet 2023.
Cet accord permet à un total de 128 navires de l’UE en provenance d’Espagne, du Portugal, de France, d’Allemagne, de Lituanie, de Lettonie, de Pologne, des Pays-Bas, d’Irlande, d’Italie et du Royaume-Uni de pêcher dans la zone économique exclusive marocaine (ZEE), comprenant les territoires colonisés de la République arabe sahraouie démocratique. Cependant, la flottille européenne est composée en majorité d’unités battant pavillon espagnol, responsables d’une prise totale estimée à près de 85 000 tonnes par an, dont près de 90% viennent des eaux du Sahara Occidental !
Il est à souligner toutefois que cet accord, portant extension des Accords d’association et de libre-échange UE/Maroc au territoire du Sahara Occidental, a été dénoncé devant la CJUE lors de l’audience du 3 mars 2021, consacrée au recours en annulation introduit par le Front Polisario, seul représentant de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), dépossédé de ses ressources et richesses naturelles.
En effet, le chiffre d’affaires généré par l’exportation de produits par les autorités coloniales marocaines, essentiellement du poisson issu du Sahara Occidental, a représenté, en 2019, près de 435 millions d’euros, selon un document publié en décembre par la Commission européenne. En retour de cette razzia qui affecte les réserves halieutiques du Sahara Occidental, l’Europe verse au Maroc une contribution financière totale s’étalant sur la durée de l’accord s’élevant à 208 M € ! En 2020, ce sont ainsi plus de 50 millions d’euros offerts par l’Europe que la maison royale va utiliser pour financer la colonisation.
La Commission européenne affirme qu’avec ces accords elle contribuerait au maintien, voire à l’augmentation du taux d’emploi au Sahara Occidental et donc à atténuer la pression migratoire, surtout en temps de crise.
Notons que pour la période 2014-2020, l’Union européenne avait déjà versé environ 1,4 milliard d’euros, soit environ 200 millions d’euros par an, alloués à l’aide bilatérale au Maroc à destination, entre autres, de la gouvernance démocratique, l’Etat de droit et le développement de la société civile, le soutien au secteur privé, la croissance durable et la création d’emplois !
Un soutien financier qui n’a manifestement pas servi à retenir les milliers de jeunes Marocains qui ont migré de manière illégale, principalement vers les territoires ibériques, pour fuir les discriminations, l’absence de liberté et le chômage.
Devant la fuite en avant du Makhzen et l’illégalité de l’occupation des terres de la RASD, certaines entreprises européennes ont décidé de prendre leurs responsabilités et de cesser tout soutien à des activités de spoliation des richesses au Sahara Occidental.
Deux acteurs importants des mines de phosphates exploitées par le Maroc au Sahara Occidental ont récemment annoncé leur retrait. Il s’agit de l’allemand Continental, qui fournit des éléments clés pour une carrière exploitée par la puissance occupante marocaine au Sahara Occidental, et la société suédoise d’équipement minier Epiroc, qui avait annoncé qu’elle ne fournirait plus la mine de phosphate controversée de Bou Craa au Sahara Occidental occupé.
«Nous n’avons aucun accord pour la maintenance ou la fourniture de la mine de Boucraa au Sahara Occidental et nous n’avons pas l’intention de fournir la mine à l’avenir», a écrit Camilla Goldbeck-Löwe, vice-présidente de la responsabilité d’entreprise Epiroc, dans un courriel à l’ONG Western Sahara Resource Watch (WSRW) du 8 septembre 2020.
Pour ce qui est du site de Jorf Lasfar, exploité par Continental, le contrat de coopération pour la fourniture de pièces de rechange signé pour cinq ans a expiré en 2020, entraînant la société à décider – pour des raisons financières et stratégiques – de ne pas le renouveler et de supprimer progressivement la production qui a pris fin au mois de décembre 2020, a affirmé un porte-parole de l’entreprise germanique en février 2021.
Une prise de conscience allemande et européenne qui risque de s’accélérer à l’avenir et toucher d’autres entreprises fortement impliquées dans le pillage des ressources sahraouies, telle Siemens qui active en partenariat avec une des sociétés appartenant à la Holding Royale dans la construction de parcs éoliens au Sahara Occidental occupé.
Après la crise diplomatique déclarée le 1er mars 2021 entre Rabat et Berlin, il est plus que probable que le puissant Etat allemand, reconnaissant et défendant le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, pèsera de tout son poids sur les décisions continentales à venir afin d’imposer le respect du droit international aux membres de l’UE, face à l’expansionnisme marocain soutenu par quelques-uns de ses supports au sein même de l’Union. Un cauchemar pour Rabat.
S. O.
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