La révolution pacifique algérienne inachevée et dévoyée par les islamistes
Contribution d’Abdelaziz Boucherit – La pensée islamiste, une dérive issue de l’islam politique, avait été toujours une tare et un frein pour toutes les revendications relatives à la modernité des sociétés musulmanes. Un dogme figé dans ses contraintes millénaires qui entrave le développement des pays musulmans. La surdité constante des islamistes, encore bloqués sur leurs certitudes passéistes et qui refusent les recommandations des experts éclairés pour réformer l’islam, pose le risque de la pérennité de l’islam de demain. Les appels à la raison sur les impératifs qui pèsent sur les aspirations d’une jeunesse sensible aux innovations bienfaisantes de la société moderne mettent à mal l’avenir d’unité de beaucoup de nations musulmanes.
Le peuple algérien a payé le prix fort, en voyant sa révolution polluée avant d’être spoliée par les islamistes arabisants et récalcitrants. L’islam politique a pour objectif de construire la oumma et non les nations. Tout islamiste est structuré mentalement autour de cette idée. La révolution algérienne avait été trahie, pervertie et trompée par ces derniers. Elle fut stoppée dans son élan par la malice insidieuse des religieux. Les islamistes se sont emparés de toutes les structures, du système éducatif pour produire, chaque année, des milliers de soldats formés pour défendre la seule cause valable à leurs yeux : l’Etat islamique.
Un islamiste se sent d’abord appartenir à la nation arabe islamique et ne pense jamais à sa nation de naissance. La méprise des démocrates était d’avoir laissé le pays s’islamiser par une idéologie latente, rampante et dévoyée à outrance. Une idéologie conservatrice et non conforme aux souhaits de liberté, d’égalité, de fraternité et de prospérité du peuple algérien. Céder, avec facilité, l’école entre les mains des islamistes était une grave erreur. La révolution algérienne reste inachevée par le piège tendu et le calcul néfaste et fallacieux de la politique islamique hors du temps.
De toutes les révolutions menées par les hommes à travers le monde, la seule qui eut avorté serait la révolution algérienne. Elle n’a pas éloigné de l’espace politique les religions, et notamment la religion musulmane. Toutes les autres révolutions, en l’occurrence celles de France, Russie, de Chine et du Vietnam, pour ne citer que ces dernières, avaient, chacune à sa manière, combattu, parfois avec hargne et une violence destructrice, pour défaire l’ancien schéma de la société conformiste et écarter la pensée religieuse de l’espace politique et public.
Et, ainsi, ouvrir la voie à la pensée moderne de s’épanouir. La compétence basée sur la valeur humaine et la pensée moderne est la seule richesse de notre époque moderne. La rigueur de la pensée du peuple algérien est emprisonnée et étoffée dans un charlatanisme d’une époque millénaire. La désolation, à nos yeux, fut l’impuissance d’une élite qui observe avec passivité le massacre et qui n’eut pas assez de courage pour dénoncer, frontalement, les meurtrissures systématiques d’une idéologie ankylosée sur le mental de la société algérienne.
La révolution algérienne avait manqué à sa réputation de révolution des lumières. Elle aurait dû séparer le politique et le religieux en faisant de ce postulat une de ses constantes immuables et inaltérables. Libérer l’Etat de ses turpitudes religieuses et permettre à la diversité algérienne de s’exprimer et coexister en construisant, chacune avec ses propres richesses, le pays. Libérer dans l’espace sociétal commun toutes les formes de pensées humaines, morales, ethniques, religieuses, philosophiques et politiques. Il ne peut y avoir de paix en Algérie sans la mise en place de la sérénité du peuple, basée sur les valeurs citées, adaptées et gérées par la composante algérienne avec toute sa diversité.
La révolution algérienne avait, décidément, avorté et serait, désormais, un exemple induit d’erreurs à ne pas suivre pour la plupart des autres peuples du monde entier. Ces peuples, qui aspirent à la liberté, doivent se convaincre et intégrer, pour toujours, le postulat de ne jamais associer les islamistes dans les combats sociétaux relatifs à la liberté et la modernité. Ne jamais, non plus, prendre comme base la pensée islamique pour conduire une révolution qui aurait comme objectif la démocratie et le bien-être des peuples. La politique islamique débouche, systématiquement, sur l’impasse. Ce qui fut le drame de l’Algérie, noyée dans sa misère malgré ses immenses richesses naturelles.
L’Algérie d’aujourd’hui doit retirer l’éducation nationale de l’emprise de l’influence islamique pour former les citoyens aux compétences notables, véritablement ouverts au savoir universel ; la denrée substantielle qui pilote le monde. Arrêter une arabisation, mortellement évasive avec ses lacunes, qui produit des pseudo-douktour inadaptés pour le marché du travail. En limitant, drastiquement, l’enseignement de l’arabe et en favorisant, sans complexe, celle du français et tamazigh. C’est la seule voie possible pour une Algérie algérienne, libre, indépendante et pérenne dans son développement. L’arabisation, avec ses lots de carences, n’eut apporté aucune valeur ajoutée pour construire une société humaine harmonieuse. Elle n’avait apporté que concepts de haine et division entre les différentes entités réelles du peuple algérien.
On le voit, aujourd’hui, dans la confrontation des idées, des clans hostiles, diamétralement opposés, sans aucune possibilité d’entente, ni de rapprochement. Aucune des valeurs sociétales de paix, de sérénité et de liberté ne sont respectées dans la société algérienne actuelle, en occurrence le civisme, la considération d’autrui, la justice, l’équité, la tolérance, la responsabilité, l’honnêteté, la loyauté, et j’en oublie certainement beaucoup.
Notre société est, désormais, polluée à jamais par des diplômes faussés, étriqués et vidés de la substance d’une compétence réelle. Des diplômes diminués et délivrés par le système éducatif basé sur une arabisation forcée à outrance. Les auteurs d’une telle démarche s’acharnent avec un cynisme éhonté pour gagner du temps afin de bloquer, à jamais, la société pour la livrer à l’obscurantisme religieux et aux esprits fermés à la raison, aux esprits critiques et aux esprits embués de doutes. Un obscurantisme lié à un islam politique dévastateur pour l’islam des lumières de nos aïeux.
Depuis l’indépendance, tous ceux qui croyaient à un Etat musulman et démocratique furent abusés par le calcul et la malice des arabisants islamistes. Ces derniers poussèrent le culot jusqu’à vouloir prendre le pouvoir par la violence, pour établir, sans se cacher d’ailleurs, une République islamique dont l’idéologie, le droit, la formation, les institutions et la politique devaient répondre aux impératifs stricts de la Charia. Ce qui est communément appelé : l’islam politique. La décennie noire fut un drame pour le peuple algérien qui reste jusqu’à ce jour impuni.
La décennie noire était une guerre civile, notablement et curieusement menée contre les Algériens, leur patrimoine culturel et leur véritable authenticité. Une guerre qui, délibérément, s’attaqua à l’élite raffinée de l’Algérie. Elle y décima les meilleurs et exila tous ceux qui eurent tenté une résistance vers les pays occidentaux.
La paix au nom de l’unité nationale, slogan perfide et insidieux, fut inventé par le régime de Bouteflika, connu pour son esprit pervers et manipulateur, pour justifier l’insertion et le rétablissement des assassins de la décennie noire, dans leurs nouveaux droits élargis avec, en prime, un travail idéologique d’islamisation sur toute la société. Il leur céda toutes les structures de la formation et l’éducation nationale. Le deuxième coup de Bouteflika, après celui de 1962, mit à genoux une Algérie encore fragile, mit au péril une entente de tous les Algériens pour construire une République démocratique et laïque. Bouteflika fut doublement traître pour le pays, juste pour assouvir son besoin de pouvoir. Il légua, poings liés, l’Algérie aux islamistes arabisants d’Abdelaziz Belkhadem et d’Amar Ghoul, sans leur demander des comptes sur les milliers d’Algériens injustement assassinés pendant la décennie noire. Il fit un Etat de non-droit qui fut incapable d’assurer la sécurité du citoyen livré à lui-même.
Bouteflika avait toujours usé des méthodes de voyous empruntées à la sournoiserie et au cynisme sans limite d’une mafia sans scrupule. La preuve, il avait fait le vide autour de lui. Toute l’élite algérienne a été écrabouillée, écartée, chassée, exilée et parfois assassinée. Le critère de compétence fut rabaissé au degré de mesquinerie et de servitude, à l’image d’un Amar Ghoul.
Cependant, il faut reconnaître à Bouteflika une subtilité malfaisante de l’esprit, aguerri dans la manipulation des hommes et de la déchéance de l’intelligence au détriment d’une servitude bestiale.
Le futur des démocrates algériens se prépare, désormais, loin de leur pays. Avec la pratique politique actuelle, empreinte des principes de la pensée arabo-islamique. Les intellectuels et les faiseurs de la richesse algérienne connaîtront, vraisemblablement, le même sort que les pieds-noirs en 1962 ; les nouveaux pieds-noirs de l’Algérie postindépendance. La preuve, le système actuel, sans vergogne, prépare des lois pour pousser dehors, vers l’exil permanent, toute la communauté algérienne vivant à l’extérieur du pays, en la dépossédant de sa nationalité.
Vidé de ses ressources intellectuelles, de sa substance dynamique, de la jalousie de ses enfants qui hissent le pays vers les sommets du savoir de ses enfants et du patrimoine millénaire des aïeux, l’Algérie deviendrait une proie facile et un sujet approprié pour une nouvelle colonisation. Une colonisation des influences politiques, des savoirs technologiques et des compétences scientifiques des autres peuples. Ce résultat serait le fruit des manigances de Houari Boumediene, Ahmed Ben Bella et Abdelaziz Bouteflika qui avaient entravé le destin de l’Algérie indépendante. Les arabisants islamistes ne s’embarrasseraient pas du tout pour léguer, à leur tour, l’Algérie aux pays du Golfe ou à la Turquie.
A. B.
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