Automobile : la commission technique refuse d’exécuter le décret d’Aït Ali
Par Houari A. – L’expert dans le domaine de l’automobile, Mourad Saadi, a révélé que la commission technique du ministère de l’Industrie refuse d’exécuter le décret légué par Ferhat Aït Ali, limogé par le président Tebboune lors du dernier remaniement partiel du gouvernement. Le directeur du site spécialisé Carvision a expliqué cette «rebuffade» par les nombreuses aberrations contenues dans le texte imposé par l’ancien ministre.
Mourad Saadi en a cité au moins trois, en estimant que tout le décret est, en réalité, à revoir de fond en comble par le gouvernement. «Au lieu de libérer le secteur et laisser la concurrence régir le marché, Ferhat Aït Ali a tout verrouillé», a-t-il expliqué sur une chaîne de télévision privée. «La situation qui prévaut actuellement est la conséquence de la gestion du passé et nous continuons de commettre les mêmes erreurs à ce jour», s’est désolé l’expert, un des pionniers de la presse spécialisée dans l’automobile en Algérie.
Mourad Saadi a énuméré les erreurs commises par le prédécesseur de Mohamed Bacha, en regrettant que Ferhat Aït Ali ait «imposé» sa propre feuille de route de façon «autocratique», refusant toute critique ou remise en cause. Le cahier des charges laissé par l’ancien ministre a demandé huit mois entre la date de sa prise de fonction et la publication du texte controversé en août 2020. «Comment se peut-il que l’élaboration d’un tel document que nous avons critiqué avec force ait demandé autant de temps ?» s’est-il interrogé en regrettant qu’ils n’aient pas été écoutés, «ni les concessionnaires automobiles qui avaient émis de nombreuses réserves», a-t-il ajouté, en rappelant que Ferhat Aït Ali avait déclaré que les remarques étaient «pertinentes», tout en décrétant qu’il était «hors de question» de changer quoi que ce soit.
L’article 3 du décret exécutif en question interdit aux Algériens établis à l’étranger d’investir dans le domaine de l’importation et de la distribution des véhicules en Algérie. «Y a-t-il des Algériens en Algérie et des trois-quarts d’Algériens hors d’Algérie ?» s’est demandé Mourad Saadi qui affirme ne pas comprendre cette approche irrationnelle. L’article 4 du même décret limite le nombre d’agréments à un seul et le nombre de marques à deux par concessionnaire. «Je m’interroge : le marché algérien est-il libre ou non ? S’il est libre et qu’un investisseur a les moyens de convaincre jusqu’à dix constructeurs automobiles de travailler avec lui parce qu’il en est capable, pourquoi, dans ce cas, promulguer une loi qui interdit de représenter autant de marques ?» a enchaîné l’expert algérien. «Certains pourraient dire qu’une telle restriction vise à éviter le monopole, mais il faut savoir que c’est le marché qui tranche et qui conduira à une décantation entre les véritables professionnels et les mauvais gestionnaires, ce n’est pas à l’Etat de décider qui doit faire quoi, le rôle de l’Etat se limite au contrôle», a-t-il argumenté.
«A vrai dire, ce cahier des charges n’a même pas sa raison d’être, normalement, ce n’est pas au ministère de l’Industrie de s’ingérer dans la relation qui lie l’importateur et le fabricant», a encore ajouté Mourad Saadi, en expliquant qu’«il s’agit là d’une relation commerciale» et que le ministère «n’a pas à s’ingérer dans des questions purement techniques qui ne concernent que la marque et son représentant, telles que la surface du showroom, le volume de la pièce de rechange, etc. Il va de soi que le constructeur lui-même fixera des conditions draconiennes pour veiller à l’image de marque de son produit et qu’il ne s’associera pas avec le premier venu».
Autre point d’achoppement, le nombre d’agréments précisé dans l’article 5, qui interdit à l’importateur d’en obtenir plusieurs. «On dresse des obstacles devant les investisseurs et cela ne sert pas l’activité économique et empêche la création d’emplois», a réagi Mourad Saadi qui a préféré ne pas aborder la question de la construction automobile en Algérie, car il y a à boire et à manger, a-t-il laissé entendre.
L’intervenant a, par ailleurs, souligné qu’il n’est pas certain que l’actuel ministre confirme les agréments provisoires octroyés par son prédécesseur sur la base du cahier des charges dont il en a hérité. Ce n’est donc pas demain la veille que les Algériens renoueront avec un véhicule neuf.
H. A.
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