Les cinq principes de la propagande de guerre appliqués au discours de Rachad
Par Ahmed Bensaada – De nombreuses années d’observation des conflits à travers le monde et une étude minutieuse des «média-mensonges» ont permis à mon ami Michel Collon de dresser une liste de cinq principes de propagande de guerre. Ces derniers sont applicables à toutes les guerres et servent à conditionner l’opinion publique à l’acception d’une confrontation ou d’un conflit armé. Collon rappelle qu’il a été fortement inspiré par l’ouvrage de l’historienne Anne Morelli intitulé Principes élémentaires de propagande de guerre.
Voici un exercice intéressant dans la conjoncture actuelle : analyser le discours du mouvement islamiste Rachad qui regroupe des anciens du FIS (Front islamique du salut) à l’aune de ces cinq principes.
1- Cacher les intérêts
«Nous ne cherchons pas le pouvoir», «nous voulons libérer le peuple de l’emprise des généraux», «Dawla madania, machi askaria» (Un Etat civil et non militaire), «nous voulons sauver notre pays de la mafia», «nous ne sommes pas des islamistes», «nous sommes ouverts à toutes les idéologies», etc.
Autant d’affirmations qui sont en complète contradiction avec le passé politico-religieux des principales figures de ce mouvement, de leurs relations douteuses avec la nébuleuse islamiste internationale, de leurs sympathies avec les djihadistes libyens et syriens et de leur appartenance à l’organisation islamiste internationaliste «Motamar El-Oumma» et son projet de califat «rachidiste».
Et pour ceux qui en doutent encore, on leur recommande fortement de visionner quelques-unes des nombreuses vidéos de notre ami Rafaa.
2- Cacher l’histoire
Le mouvement Rachad s’est forgé une réputation dans la falsification de l’histoire de la décennie noire. Experts dans le «qui-tue-quisme», les militants de Rachad s’évertuent à blanchir les terroristes et à noircir les militaires, à innocenter les djihadistes et incriminer l’armée algérienne. Pour eux, les djihadistes qui ont pris les armes ne sont que des gentils touristes qui aiment la randonnée pédestre dans les maquis algériens, alors que les militaires sont des méchants qui n’aiment pas les randonneurs.
Pitoyable inversion des rôles qui ne fait que remuer le couteau dans la plaie de milliers de familles qui ont perdu des êtres chers.
Occulter l’histoire et la métamorphoser : une spécialité de Rachad !
3- Diaboliser l’adversaire
Le troisième principe de propagande de guerre est très commun dans le discours de Rachad : le gouvernement, les militaires, les responsables, tous sentent le soufre de l’Enfer. Rien de bon n’a été accompli et ne sera jamais accompli par eux. Ils sont le mal personnifié. Toute petite historiette est montée en épingle, saupoudrée de quelques «fake news» présentées comme des vérités vraies, alimentant des heures interminables de diarrhées verbales, hululées dans le cyberespace et sur Al-Magharibia, leur chaîne de propagande.
On accuse de crimes, on invente des histoires, on exagère des évènements, on sort du contexte, on utilise fallacieusement des vidéos ou des images émouvantes tout en abusant du pathos : Rachad fait feu de tout bois pour diaboliser toute personne qui s’oppose à son projet.
4- Se faire passer pour les défenseurs des victimes
Evidemment, Rachad se place toujours comme le défenseur de la veuve et de l’orphelin, du faible et du «zawali», de l’opprimé et du pauvre. Il les défend avec véhémence contre «l’ogre étatique», ne ménageant aucun effort sonore pour ce faire. Son rôle est facile car il ne donne rien de concret, ni de tangible ni de substantiel. Il n’utilise que sa parole, que des mots, que des palabres. Bref, que du vent.
Il insinue ainsi que, de l’autre côté, les adversaires sont des tyrans qui n’ont aucun respect envers leurs concitoyens, des despotes dénués de compassion et d’empathie.
Mais en réalité, Rachad n’est qu’un vulgaire phénomène acoustique qui force un peu trop sur les décibels. C’est le chant des sirènes qui chantent si harmonieusement, entourées par les cadavres de ceux qu’elles ont réussi à attirer par leurs mélodies.
5- Monopoliser et empêcher le débat
On ne peut pas nier que le mouvement Rachad est omniprésent sur le cyberespace, que ce soit sur les médias sociaux ou sur la chaîne qui leur sert d’organe de presse. Plusieurs intervenants, plusieurs fois par jour, pour raconter les mêmes balivernes, mais à des sauces différentes. L’important, c’est d’occuper l’espace médiatique et de monopoliser la parole afin de ne laisser aucune chance à l’éclosion d’idées contradictoires.
Et dès qu’elles apparaissent, il faut les combattre. Non pas par le débat d’idées et l’argumentation, mais par le dénigrement et les attaques ad personam. Ce fut le cas, par exemple, lors de la sortie de mon dernier livre Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien ? J’ai été traité par les «ténors» de Rachad de mercenaire à la solde de la «houkouma» (gouvernement), d’employé du DRS, que mon livre n’était qu’un «koutayeb» (petit livre), et j’en passe. Sir Zitout, le chef de la bande, a même solennellement déclaré : «Ahmed Bensaada est avec la issaba [bande mafieuse] dans la diabolisation des ahrar [hommes libres].» Car, il faut se le dire : eux sont libres, les autres non. Tout cela, sans que ce beau monde ait lu une seule page de mon livre !
Après lecture (je suppose), Rachad a recruté huit auteurs dont nul autre que l’inénarrable Moncef Marzouki, l’ancien président de la Tunisie, surnommé «Tartour» (pantin) par son peuple bien-aimé.
Des centaines de pages sans qu’une seule de mes thèses soit discutée ou invalidée. Que des attaques insignifiantes sur ma personne ou ma supposée appartenance aux services secrets français ou émiratis. A les écouter, James Bond ne serait qu’un amateur devant mes aventures rocambolesques. Mais si mon livre était aussi insignifiant, pourquoi avoir dépensé autant d’efforts, d’énergie et de salive ?
Dans un conflit, il existe deux camps au minimum. Il faut donc créer une dichotomie manichéenne. D’un côté, il y a les «gentils» qu’il faut écouter : c’est Rachad. De l’autre, il y a les méchants qu’on doit faire taire : ce sont tous les adversaires de Rachad.
Cette analyse montre bien que le mouvement Rachad possède une expertise dans la propagande de guerre selon les cinq principes énoncés par Michel Collon.
J’ai bien dit «de guerre». A bon entendeur, salut.
A. B.
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