Philip Morris Algérie accusé d’alimenter le marché de la contrebande en France
Par Nabil D. – La filiale algérienne du géant mondial du tabac Philip Morris est accusée de consacrer une partie de sa production au marché parallèle en France, selon TF1. «Dans le cas très clair de l’Algérie, on suralimente un marché, sachant très bien que la plus grande partie de ces produits finiront, en l’occurrence, dans des pays comme la France», a affirmé le Suisse Raoul Setrouk, un ancien responsable de la distribution des cigarettes de l’industriel américain en Afrique, interrogé par la chaîne française.
Selon ce dernier, la firme, dont le quartier général est situé à New York et le siège opérationnel à Lausanne, «connaît parfaitement» les statistiques de consommation pour chaque pays. «Il est impossible pour un fabricant de tabac ou pour n’importe quelle multinationale de ne pas connaître très précisément son marché», a-t-il insisté, en ajoutant : «On sait exactement, dans des régions, dans des îles, dans des quartiers, le nombre de consommateurs qu’on a, de quelle marque, etc.».
En France, note TF1, 30% des cigarettes ne sont pas vendus chez des buralistes. Pour l’ancien cadre de Philip Morris, il est «impensable pour les industriels de se passer de cette part du gâteau». «Il y a le marché officiel et ces marchés parallèles sur lesquels personne ne veut laisser sa part aux autres», a-t-il expliqué.
La direction du groupe industriel au chiffre d’affaires colossal de 74 milliards de dollars, qui a refusé de donner une interview à la chaîne française sur le sujet, selon TF1, a réfuté ces accusations en bloc, dans une réponse qu’il a faite par écrit. «Philip Morris International est engagé avec détermination dans la lutte contre le commerce illicite en France et dans le monde», a répondu la firme américaine, en relevant qu’en Algérie elle «applique une surveillance étendue» de ses «volumes de vente» afin de «détecter rapidement les écarts inexplicables».
Nonobstant, constate TF1, «malgré cela, les cigarettes authentiques continuent d’alimenter l’essentiel du marché français de la contrebande». Des cigarettes qui sont introduites en France par les Pyrénées, à la frontière avec l’Andorre. C’est dans le massif montagneux de cette principauté enclavée, bordée par l’Espagne et la France, qu’un Algérien enrôlé dans ce réseau de trafic est mort d’hypothermie en octobre 2018. Le jeune, âgé de 20 ans, est décédé à l’hôpital d’une hypothermie alors qu’il tentait de traverser la montagne, en pleine vague de froid, flanqué d’un lourd sac contenant des cartouches de cigarettes destinées à la vente au marché noir à Toulouse et Perpignan.
«Ce sont souvent des hommes dans une grande précarité, en situation irrégulière, dont les trafiquants font des mules, et le terme revêt une grande signification», avait affirmé un procureur à France TV Info qui avait rapporté l’information à l’époque.
La jeune victime n’était pas seule lorsque les services de secours avaient été alertés pour venir en aide à un groupe de passeurs pris dans le blizzard et épuisés par les lourds fardeaux qu’ils transportaient, des cartons de 100 cartouches de cigarettes chacun. Mais le jeune homme avait été abandonné par ses accompagnateurs qui avaient pris la fuite, le laissant seul gisant sur la banquise.
Le jeune homme n’est pas un trafiquant mais un passeur, avait précisé le procureur de Perpignan, estimant que les trafiquants «profitent de ces gens faibles qui sont dans la misère et qui sont prêts à prendre tous les risques pour quelques dizaines d’euros, car c’est comme cela qu’ils sont payés, par des hommes sans scrupules qui, eux, font du bénéfice sur la misère des autres. Ce sont eux qui réalisent les profits, pas les passeurs».
Qui sont les barons qui dominent ce vaste trafic de cigarettes ? Se trouvent-ils en Algérie ou en France ? La revente de cigarettes de fabrication algérienne à même le trottoir dans pratiquement toutes les grandes villes françaises est monnaie courante. Que ce soit à Paris, Marseille, Toulouse, Lyon ou Lille, les trafiquants activent au su et au vu de la police sans qu’ils soient réellement inquiétés.
Les autorités algériennes ouvriront-elles une enquête à la lumière des graves accusations de Raoul Setrouk ?
N. D.
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