Massacre génocidaire au Yémen dans l’indifférence internationale
Contribution de Mesloub Khider – Dans le sillage des «Printemps arabes» des années 2010, les forces houthistes, à la faveur des manifestations antigouvernementales et anticorruption, conquièrent une grande partie du pays en 2014. De guerre civile opposant les rebelles chiites houthistes aux partisans d’Abd Rabbo Mansour Hadi, le président du Yémen, exilé en Arabie Saoudite en 2015, le conflit prend une dimension internationale en mars 2015. En effet, c’est à cette date que la coalition sunnite des pays arabes dirigés par l’Arabie Saoudite se constitue pour intervenir militairement au Yémen en vue de rétablir Abd Rabbo Mansour Hadi dans ses fonctions. Des potentats moyenâgeux des Emirats arabes unis, du Koweït et du Qatar figurent parmi les membres de cette coalition génocidaire, de même le dictateur égyptien Al-Sissi et le président islamiste soudanais, Al-Bachir. Tous ces tyrans criminels sont appuyés par les puissances impérialistes, notamment la France, par leur soutien logistique et militaire. L’Iran participe également à la curée géostratégique, elle qui tisse sa toile impérialiste autour de l’Orient et de l’Afrique.
Précisément, c’est pour contrer l’influence grandissante de l’Iran dans ces régions stratégiques, notamment au Yémen, que l’Arabie Saoudite se résout à lui couper l’herbe sous les pieds, avant de lui décapiter bientôt sa tête en la supprimant de la carte géographique avec l’aide des Etats-Unis, déterminés à engager une guerre exterminatrice contre l’Iran. En effet, l’Arabie Saoudite craint surtout l’encerclement de son territoire par l’Iran, dont l’emprise s’étend des frontières turques jusqu’au Liban, en passant par la Syrie et le Golfe d’Aden au Yémen. L’expansion géostratégique et l’accroissement de l’influence régionale de l’Iran inquiètent au plus haut point l’Arabie Saoudite. Or, l’Iran contrôle désormais un corridor terrestre s’étendant de Téhéran à la côte méditerranéenne, lui donnant accès à un port maritime très éloigné à l’ouest, et loin des eaux du golfe Persique fortement surveillées par les patrouilles.
Ainsi, dans le même temps où les Etats-Unis sombrent dans une crise multidimensionnelle, l’Iran renforce ses positions. Notamment en Syrie. D’après certaines sources, l’Iran aurait expédié des armes sophistiquées aux Houthis. Elle aurait également dépêché des conseillers militaires au Yémen, y compris ses mercenaires afghans aguerris pour suppléer les troupes houthistes. Avec les Houthis, l’Iran, dans sa stratégie de renforcement de son influence, tente ainsi de réitérer son expérience réussie avec le Hezbollah, devenu sa tête de pont contre Israël.
Le houthisme est une nébuleuse organisation chiite revivaliste apparue dans les années 1990, baptisée Forum des Jeunes Croyants. Les Iraniens le désignent sous le nom d’Ansarallah (les partisans d’Allah). Le mouvement houthiste est très proche de l’Iran et du Hezbollah. Les Houthis, ces seigneurs de la guerre sainte, sont réputés pour leur sagesse belliqueuse. En décembre 2017, quand l’ancien président Ali Abdallah Saleh s’est détourné de l’Iran et des Houthis pour se rallier à l’Arabie Saoudite, il est religieusement assassiné. Rappelant les exécutions de la CIA commis dans les années soixante, méthode très employée également par le Hezbollah.
De fait, après la Syrie, le Yémen est devenu le dernier territoire d’affrontements interimpérialistes, notamment à travers les rivalités entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, leurs «alliés» respectifs et les superpuissances toujours à la manœuvre.
Ironie de l’histoire, dans ce panier de crabes impérialistes du Moyen-Orient, hier encore les forces militaires américaines et iraniennes combattaient ensemble en Irak, dans des batailles militaires conjointes, contre l’Etat islamique.
Ainsi, depuis 2014, contre ce pays, le Yémen, déjà meurtri par l’extrême pauvreté, peuplé de 28 millions d’habitants, au territoire d’une importance géostratégique capitale, la coalition génocidaire saoudienne a déversé une tempête de bombes américaines, anglaises et françaises. Bilan provisoire : selon l’ONU et les ONG humanitaires, le conflit a fait, depuis le déclenchement de la guerre génocidaire impulsée par l’Arabie Saoudite, plus de 230 000 morts, en majorité des civils, tués par les bombardements et les frappes aériennes de la coalition dirigée par la monarchie saoudienne. A ces victimes, il faut souligner que 5 millions de Yéménites ont été déplacés.
Dans cette guerre génocidaire perpétrée contre les Yéménites, de nombreuses victimes civiles ont été tuées par des armes vendues par la France à l’Arabie Saoudite. En effet, le royaume saoudien a acheté pour plus de 1,5 milliard d’euros de matériel de guerre. Des armes françaises ont été trouvées au Yémen. La France compte parmi les pays impliqués dans cette guerre génocidaire, en fournissant des armes à l’Arabie Saoudite. A cet égard, si le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont annoncé fin janvier 2021 la suspension de la vente d’armes à l’Arabie Saoudite, la France continue à vendre des armes à cette monarchie moyenâgeuse génocidaire. Il faut préciser que ce catastrophique bilan n’inclut pas les victimes de la crise humanitaire.
Ces bombardements ont causé des dommages considérables : des hôpitaux, des écoles, des mosquées, des quartiers résidentiels ont été détruits. Plus de 3 millions de maisons ont été pulvérisées, des sites antiques anéantis. Outre ces bombardements, l’Arabie Saoudite a également imposé un blocus sur l’aide d’urgence et les importations commerciales, engendrant des milliers de morts supplémentaires. Au reste, des millions de Yéménites n’ont toujours pas accès à l’eau potable, à l’assainissement et aux sanitaires, provoquant l’apparition du choléra. En raison de la malnutrition, de multiples maladies mortelles se sont également propagées.
Aujourd’hui, au Yémen, les conditions de survie, car on ne peut parler de conditions de vie, sont catastrophiques. D’après l’ONU, il s’agit de la «pire crise humanitaire du monde». Sur une population de 28 millions d’habitants, plus de 22 millions nécessitent une aide alimentaire, dont 8,4 millions sont dans une situation de «famine imminente». Situation aggravée par la fermeture par l’Arabie Saoudite des ports, aéroports et axes routiers à destination du Yémen. Outre les horreurs de la guerre, la population exsangue yéménite affronte, en plein XXIe siècle, la résurgence de l’épidémie de choléra, propagée à la suite de la dégradation des conditions de vie.
Ce faisant, réduits à vivre comme des bêtes, dans l’indifférence de la bonne conscience universelle toujours prompte à s’émouvoir de la disparition de quelques richissimes célébrités musicales ou cinématographiques, à quelques encablures des pays musulmans du Moyen-Orient les plus riches au monde, de nombreux Yéménites succombent à la mort. D’aucuns parviennent à se réfugier dans les pays limitrophes, d’autres tentent leur chance en Europe après un long périple périlleux africain.
Force est de constater qu’en dépit de la pandémie du Covid-19, la guerre génocidaire ne montre aucun signe d’apaisement. Sur le terrain, les combats continuent.
Ainsi va ce monde immonde. Un génocide contre les Yéménites est perpétré quotidiennement depuis plusieurs années, mais aucun pays, à travers sa population, ne proteste contre les responsables de cet holocauste.
Tous les jours, dans toutes les écoles et sur de nombreuses chaînes de télévision du monde entier, on fait verser des océans de larmes de lamentations aux enfants et aux téléspectateurs pour le génocide des juifs commis au siècle dernier (génocide barbare commis par le capitalisme, dans sa phase de militarisation totalitaire de la société et de guerre totale exterminatrice, comme celle que l’on vit actuellement avec son entreprise d’euthanasie économique et humaine perpétrée contre les populations assassinées à petit feu par la paupérisation absolue et la famine, et bientôt les guerres généralisées), mais l’holocauste des Yéménites exécuté à notre époque ne suscite qu’indifférence. A croire que la vie d’un Yéménite vaut moins qu’un Shekel.
M. K.
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