Remords
Par Karim B. – De division en annexion, le monde arabo-musulman est en train de subir une mue qu’il n’a pas programmée lui-même. Passés de régimes dictatoriaux multi-décennaux à une situation d’instabilité menaçant parfois de guerres civiles, plusieurs peuples arabes en sont aujourd’hui à se demander s’ils n’auraient pas dû renoncer à ce que la machine médiatique a appelé le «printemps arabe».
C’est vrai, on dit ici et là que les conséquences directes des soulèvements qui ont eu lieu dans plusieurs pays de la région sont tout ce qu’il y a de plus normal et ressemblent aux répliques d’un séisme qui auront vite fait de s’arrêter avec le temps. Les défenseurs de cette thèse – tous ou presque – n’en veulent pour preuve que la révolution française qui est passée par plusieurs étapes, dont certaines furent sanglantes, avant d’aboutir à la démocratie qu’on connaît aujourd’hui.
Possible. Sauf que la révolution française n’avait pas été téléguidée de l’extérieur mais était le fait d’un peuple français écœuré par une monarchie cupide et réactionnaire à laquelle il fallait substituer un régime républicain. La France n’avait pas perdu une once de son territoire et les révolutionnaires n’avaient pas retourné leurs armes les uns contre les autres. Un survol rapide de la situation dans les pays post-révolte démontre que les choses sont loin de s’être améliorées et que, malheureusement, la situation risque d’aller en s’aggravant dans les années à venir.
En Tunisie, les chiffres de la pauvreté augmentent à une vitesse exponentielle et les dirigeants actuels ne semblent pas accorder quelque priorité à ce phénomène qui retardera la stabilisation politique du pays.
En Egypte, les yeux étaient rivés sur les élections présidentielles pendant que le pays plonge dans une faillite économique et une crise financière sans précédent. Les recettes de l’Etat, qui étaient déjà maigres sous Moubarak, ont fondu comme neige au soleil et les analystes égyptiens eux-mêmes augurent d’une détérioration de la situation générale dans ce pays, laquelle sera exacerbée par une sérieuse pénurie d’eau dans les dix années à venir. L’Egypte pourrait se voir confrontée à une guerre pour sauver sa part de cette ressource vitale, mais elle risque d’en sortir vaincue, son armée étant affaiblie à l’intérieur.
En Libye, un pays en construction est un pays détruit, mais les prémices d’une dislocation sont visibles à l’œil nu. Un pays trop grand et trop riche à la fois n’est jamais à l’abri des prédateurs occidentaux. Le morcellement de ce pays semble n’être qu’une question de temps. Le Soudan en sait quelque chose.
En Syrie et au Yémen, les Etats-Unis ont permis à Al-Qaïda de s’installer confortablement et pour longtemps. Les régimes héréditaires de ces deux pays, qui n’ont rien à envier aux monarchies du Golfe en matière d’autoritarisme, sont ébranlés, certes, mais l’alternative démocratique est loin d’être acquise.
Le géant saoudien a avalé le nain bahreïni, sur «conseil» des Américains, pour le sortir du giron iranien. Demain, ce sera au tour du Qatar (peut-être) d’être englouti dans une sorte d’opération de ramassage de vieux morceaux laissés par la colonisation britannique pour n’en faire qu’un seul réservoir de pétrole plus facile à siphonner.
K. B.
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