Réponse de l’historien Ali Farid Belkadi à la Belge Myrthe Spiteri
Contribution d’Ali Farid Belkadi – Grand merci à Mme Myrthe Spiteri, directrice aux Pays-Bas de Blossom Books, d’avoir supprimé le passage abject de Dante sur le Prophète de l’islam dans sa réédition de la Divine Comédie.
Il ne s’agit pas de «Cancel culture», c’est bien plus élémentaire, les musulmans ne s’attaqueront jamais à Jésus Christ, ni à Moïse ni à aucun des 124 000 prophètes et 315 messagers divins, selon le hadith rapporté la tradition musulmane. Pas même au Bouddha Siddhārtha Gautama, samyaksambuddha, qui n’a jamais prononcé le nom de Dieu, que l’érudit Mohammed Hamiddulah, disparu le 17 décembre 2002, se basant sur certains commentateurs assimilait au prophète Dhu l-Kifl ?
Mme Myrthe Spiteri déclare au quotidien hollandais De Standaard : «Nous ne voulions pas blesser inutilement. Chez Dante, Mahomet subit un sort grossier et humiliant simplement parce qu’il est le fondateur de l’islam. Avec notre série de traductions, nous voulons présenter les classiques de la littérature d’une manière accessible et agréable aux nouveaux lecteurs, en particulier aux plus jeunes.»
Dans la version originale, le Prophète de l’islam est décrit au huitième cercle de l’Enfer comme un «semeur de scandale et de schisme», condamné à errer la poitrine ouverte en deux…
Voici ce que j’écrivais en 2006 sur un site paraissant à Paris, en plein débat houleux sur les dessins désormais connus sous le nom de «Caricatures du Prophète», publiés par Charlie Hebdo.
Les caricatures de Mahomet par Alighieri Dante et Salvador Dali Dantesque
Il y a pire que ces fantasques dessins du Prophète Muhammad (SSL), imaginés par de ternes Picrochole-caricaturistes à la demande du tabloïd danois Jyllands-Posten, dont personne n’avait jamais entendu parler auparavant. Dans des temps anciens, le peintre Sandro Boticelli, qui venait de travailler avec Domenico Ghirlandajo et Cosimo Rosselli à la décoration de la chapelle bâtie par Sixte IV, avait brossé le Prophète de l’islam tel que Dante l’avait représenté dans la Divine Comédie : «(Mahomet) crevé du col jusqu’au trou d’où l’on pète. Les boyaux lui pendaient entre les jambes ; on voyait la fressure, et l’affreux sac qui change en merde ce que l’homme avale.» L’Enfer. Chant XXVIII. (V. 28-36).
Il est indispensable de reproduire ce passage immonde de la Divine Comédie de Dante. Qui n’a jamais entendu des personnes familières, de culture française, proférer à haute voix l’expression : «C’est dantesque !» pour dire de telle ou telle chose qu’elle est phénoménale.
Salvador Dali a reproduit, à sa façon délirante, la scène intolérable, tirée du passage de l’Enfer de Dante. Il n’était pas en odeur de sainteté chez les surréalistes qui le baptisèrent Avida Dollar, pour son amour du lucre et de la richesse, en modifiant l’ordre des lettres de son nom. D’autres peintres des temps jadis se sont essayés à ce style délétère, qui offusque la sensibilité des personnes respectueuses de la croyance d’autrui.
Voltaire, qui s’est rétracté vers la fin de sa vie, en reconnaissant la grandeur de l’islam, a écrit une pièce de théâtre Fanatisme ou Mahomet le Prophète qui fait du Prophète de l’islam un chef de guerre assoiffé de pouvoir. En 1994, la Ville de Genève avait retiré sa contribution financière au Théâtre de Carouge qui voulait monter la pièce de Voltaire. Les représentations furent ainsi annulées. En 2005, c’est-à-dire onze ans plus tard, le même metteur en scène Hervé Loichemol récidiva. Genève est cette ville où gisent impunément l’argent et l’or escroqués par des Arabo-musulmans à d’autres Arabo-musulmans.
Quelques jours plus tard, le même metteur en scène fera cette fois-ci appel à un comédien algérien pour interpréter deux laconiques rôles – le Derviche et le Patriarche – dans une pièce de Gottold Ephraïm Lessing (XVIIIe siècle), intitulée Nathan le sage. Loichemol et d’autres qui s’enorgueillissent de Voltaire oublient que le même auteur a écrit un Traité sur la tolérance. Chap. XXIII (1763) : «Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps (…) Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil (…) Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères !»
«Voltaire n’était pas athée. De nos jours, pour faire son beurre, il suffit d’écrémer des textes d’auteurs polémistes.»
A.-F. B.
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