La nouvelle est tombée ce 1er avril : ils sont rentrés pour demander pardon
Contribution du Dr Abderrahmane Cherfouh – Le virus et le confinement imposent de lourds sacrifices. Ça donne de l’angoisse et ça provoque des cauchemars. J’imagine que nous sommes des millions de par le monde à en rêver durant notre sommeil. Comme tout un chacun, hier j’avais fait un rêve bizarre, étrange, qui n’a rien à voir avec le coronavirus, un rêve qui m’a mis K.-O. Je suis encore assommé par cette histoire invraisemblable que j’aimerais raconter aux lecteurs d’Algeriepatriotique si la rédaction du journal le permettait.
Un grand événement se passe à l’aéroport international Houari-Boumediene. Il va sûrement faire les manchettes de tous les journaux du pays et même du monde. La nouvelle est tombée ce 1er avril et avait pris de court tous les médias. Tous les journalistes du pays ont eu vent de l’affaire par ouï-dire et attendaient l’arrivée imminente à l’aéroport d’Alger des trois anciens ministres, Chakib Khelil et Bouchouareb Abdessalem en fuite à l’étranger qui avaient décidé de se rendre de leur plein gré à la justice du pays. Ils sont accompagnés par tous les criminels qui avaient pillé et volé le pays. Saïdani, Farid Bedjaoui, Hemche, Omar Habour, le général Belkecir et sa femme, la femme et le fils de Chakib Khalil et tous les collectionneurs d’appartements de grand luxe et les amateurs de pot-de-vin connus et inconnus du public qui avaient détourné des milliards de dollars et les avaient placés à l’étranger. Ils se sont donné le mot en 1er avril et avaient décidé d’un commun accord de se rendre aux autorités du pays pour être jugés.
Chakib Khelil, le plus âgé du groupe, sourire aux lèvres et très décontracté, avait déclaré aux journalistes qui l’attendaient à la sortie de l’aéroport «Mes chers compatriotes, comme vous le voyez, nous sommes tous là en chair et en os. Quel soulagement et quel bonheur de respirer l’air frais et doux de notre belle Algérie et sentir agréablement le souffle du vent parcourir notre peau. Vous ne pouvez pas imaginer combien ça nous fait du bien, moi et tous mes autres compagnons dans la fortune, et maintenant dans l’infortune, de fouler le sol de notre chère patrie qui nous a permis de nous enrichir et nous a rendus célèbres dans le monde entier pour l’avoir volée et escroquée.
Il faut que vous le sachiez, nous ne sommes pas des ingrats comme certains le pensaient, nous sommes des hommes d’honneur et nous avons des principes.» Ils avaient de la difficulté à parler, leurs voix étaient étouffées par un sanglot. «Vous connaissez tous le proverbe qui dit : l’homme est capable du meilleur comme du pire», avait poursuivi Chakib Khalil aux journalistes incrédules qui se bousculaient pour relater l’événement en direct aux téléspectateurs. «Nous avons tous un problème de conscience. Nous reconnaissons d’avoir sciemment volé l’argent du peuple et d’avoir causé un préjudice énorme à l’économie du pays et rien n’est plus important à nos yeux que l’amour de la patrie et le bien-être du peuple algérien.
Nous allons rendre au peuple ce qui appartient au peuple. Loin de notre pays, nous avons perdu le sommeil, rongés que nous sommes par les remords d’avoir trahi notre beau pays que nous aimons et chérissons. Nous ne pouvions pas continuer à vivre dans le luxe et l’opulence avec l’argent volé alors que le peuple algérien n’arrive pas à joindre les deux bouts et côtoie la misère. C’était devenu une évidence et un devoir de nous repentir et de rendre des comptes à notre cher peuple. De là où nous étions, nous avions honte d’être entourés d’employés qui nous servaient du champagne meilleur cru, du foie gras, du caviar à volonté, du poisson de plusieurs sortes et d’autres bonnes choses, alors qu’en Algérie il y a pénurie d’huile et de pâtes. Nous avions honte de nous prélasser dans nos grandes maisons équipées de toutes les commodités avec des grandes piscines chauffées alors qu’en Algérie il y un manque d’eau dans les villages et que les robinets sont à sec. Ce serait indécent de notre part de continuer à vivre une vie de rêve avec l’argent que nous n’avions pas gagné à la sueur de notre front alors que chez nous en Algérie les gens vivent dans la pauvreté et n’ont presque plus rien à manger.
Nous sommes affligés et tristes de voir les enfants du peuple dévorés par les requins alors que nos enfants sont choyés et étudient dans les meilleures universités du monde. Les comptes en banque que nous détenions, les bolides dernier cri que nous achetions pour nous et pour nos enfants, les avions et les jets privés que nous louions, les palaces que nous fréquentions, les grands hôtels de luxe, les salons de massage, les cures de jouvence dans les meilleurs établissements spécialisés, les voyages reposants que nous effectuions à travers le monde pour nous relaxer et nous amuser et toutes les mondanités, nous jurons que c’est fini.
A un certain moment de la vie, il faut savoir choisir, rien n’est éternel et tout a une fin. Nous avons tous un honneur et une dignité à défendre. Nous demandons pardon aux Algériens de les avoir pillés et volés. Nous avions tous visionné le documentaire poignant montrant des Algériens vivant dans des conditions dignes du moyen-âge qui avait ému et fait pleurer le Premier ministre. Nous avions eu tous la même réaction que lui. Nous avions tous été émus et avions pleuré nous aussi. Nous ne sommes pas des monstres. Nous sommes des êtres humains après tout. Nous sommes prêts à aller en prison rejoindre notre ami Sellal et consorts et manger la soupe d’El-Harrach tant vantée par la bande.»
Comme une traînée de poudre, la nouvelle s’est vite répandue dans tout le pays. Dans toutes les villes et villages, dans toutes les contrés, dans les coins les plus reculés et dans toute l’Algérie profonde, on ne parlait que de ça.
Bouchouareb, très détendu et nullement gêné, s’adressa, lui aussi, aux journalistes qui n’en revenaient pas et qui étaient presque dans un état second devant cet incroyable miracle. «Vous allez bientôt avoir une autre grande surprise, ce ne sera pas long et vous allez le savoir. Il n’y a pas que nous qui avions volé et avions fui à l’étranger, il y a aussi nos autres acolytes qui sévissent et qui se cachent à l’intérieur du pays et qui ont fait aussi beaucoup de mal à l’Algérie. Ils sont nombreux les personnes qui vont se manifester et poser le même geste et se dénoncer, et fort possible que d’autres associations et organisations en fassent autant.»
Sitôt dit, sitôt fait. Et comme par enchantement, sans crier gare, tous les députés et tous les sénateurs qui ont versé des pots-de-vin pour être élus, ont décidé à leur tour de démissionner et ont promis de rembourser tout l’argent qu’ils ont gagné malhonnêtement en trafiquant les scrutins. Cette décision surprenante et inattendue de la part des faux députés et des faux sénateurs a fait boule de neige. Des centaines de milliers de faux anciens moudjahidine ont décidé, à leur tour, de se rendre à l’évidence et de se désister de leurs fausses attestations de moudjahidine tout en s’engageant à rembourser tout l’argent qu’ils ont encaissé.
Ensuite, ce fut le tour des anciens ministres, des hauts responsables, des ambassadeurs, des walis, des chefs de daïra, des maires malhonnêtes qui tiraient profit de leur position en encourageant la corruption et en acceptant les pots-de-vin de demander pardon au peuple et de rendre au Trésor ce qui appartient au Trésor au centime près.
Et la machine se met en branle, les médecins du secteur public qui exerçaient illégalement dans le privé ont décidé de n’exercer que dans un seul secteur. Le corps médical, toutes professions confondues, les juges, les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les architectes, les ingénieurs, les journalistes, enfin, tous les corps de métier qui portaient préjudice à leurs confrères par leur comportement et qui n’étaient pas honnêtes ont décidé, eux aussi, de se conformer aux règles qui régissent leur métier et de respecter leur conseil de l’ordre. Tous les professeurs, tous paliers confondus, ont aussi uni leur voix et décidé à l’unanimité de ne plus donner aux élèves des cours privés en faisant payer aux malheureux parents d’élèves des sommes astronomiques.
Décidément, le ton fut donné, un véritable tsunami s’est déclenché à travers tout le pays. Les messages affluaient de partout de tous les coins les plus reculés de l’Algérie profonde. Tous ceux qui ont versé dans les malversations et tombé dans l’illégalité se sont dénoncés et ont décidé, eux aussi, de rendre l’argent volé, qui ira certainement renflouer le Trésor algérien et faire le bonheur des laissés-pour-compte. Telle une avalanche qui dévale des montagnes sous l’effet des soubresauts de la nature, tous ceux qui se sont enrichis sur le dos du peuple ont éprouvé de la honte, ont eu des remords et ont regretté leurs actes. Ceux qui ont pris plusieurs logements grâce à des connaissances ont décidé de les rendre à l’OPGI. Même ceux qui habitaient dans les bidonvilles, et qui une fois recasés et leurs bidonvilles éradiqués vendaient leur logement et construisaient un autre bidonville pour encore en bénéficier, ils ont décidé, eux aussi, de le rendre à leur APC.
Pour ne pas être en reste, tous les dirigeants du football qui achetaient et vendaient les matchs, tous les arbitres qui acceptaient des pots-de-vin pour favoriser telle équipe ou telle autre, tous les commerçants véreux, les boulangers, les chauffeurs de taxi, les marchands des fruits et légumes, les épiciers, les employés de bureaux qui s’absentaient, les buralistes, les courtiers immobiliers, les restaurateurs, les cafetiers, les ouvriers d’usine, les maçons enfin tous les membres des corps de métiers que renferment l’Algérie ont juré de ne plus voler leurs compatriotes et de respecter la loi. Même ceux qui crachaient par terre, qui jetaient les immondices partout et embêtaient les filles et les femmes dans les rues ont décidé d’adopter à l’avenir un comportement civique et exemplaire.
Et pour montrer leur attachement au pays et leur sens du patriotisme, tous les émigrés qui sont disséminés dans tous les coins de la planète, et après concertation ont décidé à leur tour de se conformer à la loi et de changer leurs devises dans les banques officielles du pays et pas dans le marché parallèle de devises afin de ne pas encourager l’économie informelle et de participer autant que faire se peut à renflouer les caisses de l’Etat en devises.
Devant tant de générosité, le président de la République, qui a suivi avec grande attention cet événement point par point, était aux anges et a tenu à saluer tous les Algériens et a prononcé un discours qui a fait vibrer les cœurs de tous les patriotes algériens et provoqué un sentiment de fierté dont l’écho continue de résonner encore dans le massif de l’Ouarsenis, le massif du Dahra, les montagnes du Djurdjura, l’Atlas tellien, les montagnes de l’Aurès et dans l’immense Sahara algérien et partout en Algérie.
«Vous ne pouvez pas savoir combien je suis fier d’appartenir à cette Algérie qui a enfanté des héros et qui sait se retrouver dans les moments difficiles, a encore déclaré le Président. Connaissant nos valeurs ancestrales qui ont toujours caractérisé les Algériens, je suis très ému et très touché par tant de générosité, par votre altruisme, par cette spontanéité dont vous avez fait preuve, par votre esprit de sacrifice, par votre sens de la solidarité, par votre courage légendaire, je vous remercie de tout cœur car vous venez d’écrire une page légendaire de notre histoire qui restera à jamais gravée dans toutes les mémoires pour la postérité.
Sachez que votre sacrifice n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, vous êtes de vrais nationalistes. Vous nous aviez montré la voie et nous devrions suivre votre exemple. On raconte beaucoup de choses sur moi et certaines mauvaises langues murmurent que j’ai été mal élu avec un score dérisoire. Il est impératif de mettre de côté tout ce qui nous différencie et de nous mobiliser tous pour le bien de notre Algérie éternelle.
Je déclare solennellement qu’à partir d’aujourd’hui je n’assumerai plus la fonction du premier magistrat du pays. Je présente ma démission.» Il régnait un silence absolu sur les hauteurs d’Alger aux Tagarins, là où se trouve le siège de l’état-major. Ils étaient tous là, assis autour d’une grande table. Le grand chef se leva, il portait une tenue militaire impeccable, d’une élégance rare qui donne la chair de poule et force le respect. Tout le monde était suspendu à ses lèvres et attendait religieusement son discours. «Le peuple a parlé et nous l’avons compris. Nous respectons la parole et le choix du peuple.
Nous prenons acte avec sérieux de tout ce que le peuple a voulu nous transmettre par son message et nous allons le prendre en considération. Nous allons prendre la décision que nous devrions prendre et il n’y aucun doute que c’est la bonne décision. Nous allons suivre la voie de la raison et confier le destin du pays au peuple. Qu’il en prenne soin et nous serons toujours à ses côtés pour le meilleur et pour le pire. La souveraineté appartient au peuple. A partir d’aujourd’hui, nous, les décideurs, avons décidé de ne plus décider. Les détails de la passation de consignes vous seront communiqués ultérieurement. Désormais, plus rien ne sera plus comme avant en Algérie. C’est le peuple qui va décider à l’avenir. Ensemble, nous vaincrons, ensemble nous triompherons ! Gloire à nos martyres !»
Sur ce, tous les Algériens furent invités à partager un repas copieux et devinez le menu ? Du poisson, toutes sortes de poissons, il y avait pour tous les goûts ! Un vrai festin ! Du poisson à volonté, à satiété, jusqu’à n’en plus redemander.
A. C.
(Canada)
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