Le Premier ministre italien Mario Draghi : «La Turquie doit se retirer de Libye !»
De Rome, Mourad Rouighi – Après la récente mission des trois ministres des Affaires étrangères, d’Italie, de France et d’Allemagne à Tripoli et l’unité réaffirmée de l’UE sur le dossier libyen, après des mois d’ambiguïté de certaines capitales, qui ont pleinement soutenu le général Khalifa Haftar, l’Europe semble désormais convaincue de devoir soutenir le nouveau gouvernement d’unité nationale dirigé par Abdel Hamid Dbeibah et d’orienter son action dans le sens de la feuille de route des Nations unies.
L’Italie, par exemple, après avoir inauguré le ballet diplomatique à Tripoli, avec la double visite de Luigi Di Maio, compte beaucoup sur la visite du Premier ministre, Mario Draghi, qui se rend en Libye ce lundi.
Pour de nombreux experts, l’Italie se prépare avec cette mission menée au plus haut niveau à défendre avec force et conviction en Libye ses intérêts internationaux et son rôle dans la pacification du voisin du sud.
Mario Draghi, qui effectue là sa première sortie à l’étranger, sera accompagné par une importante délégation comprenant nombre de chefs d’entreprise intéressés par le plan de reconstruction annoncé par Abdel Hamid Dbeibah avec, à leur tête, l’administrateur délégué d’Eni, Claudio Descalzi.
Quant à la diplomatie italienne, elle soutiendra le «gouvernement d’unité nationale» avec un objectif clair, l’aider – dans le cadre des Nations Unies – à organiser des élections et consentir à la nouvelle équipe de faire face à la situation économique aggravée par la pandémie du Covid-19 et lui proposer des solutions à même de dénouer une situation sociale fortement dégradée.
Le Premier ministre italien a voulu annoncer la couleur et lancer un message clair visant à insister pour que tout soit mis en œuvre pour «préserver l’accord de cessez-le-feu et obtenir l’évacuation de ceux qui ont alimenté cette guerre, les mercenaires et les armées d’autres pays, dont la Turquie».
Une pique contre un pays qui a exercé un protectorat sur la Libye durant plus de quatre siècles (1503-1911), qui, au fil des années, a su tisser un réseau précieux de relations au sein du sérail politique de ce pays et qui jouit d’une influence, que l’on dit décisive sur les différents protagonistes de la scène libyenne.
De même, à Rome on est loin d’ignorer que le gouvernement précédent de Fayez Al-Sarraj a permis à Ankara de s’installer dans la base d’Al-Watiyah et près de Misrata et de s’y positionner dans le cadre d’un accord militaire durable qui, disons-le en passant, a interrompu l’avancée triomphale de Khalifa Haftar, en contrariant fortement les plans de ses parrains internationaux à Paris, au Caire, à Abou Dhabi et à Riyad.
Une phrase à effet qui n’a pas manqué de faire réagir de nombreux commentateurs, qui estiment qu’il sera difficile pour le nouveau locataire du Palais Chigi de traduire cette intention en des effets concrets, même si la déclaration du Premier ministre italien représente sans aucun doute un tournant dans la position italienne, s’orientant de plus en plus vers un axe avec Paris sur ce dossier et sur d’autres questions.
Et à ceux qui lui demandent s’il y a deux approches sur la question libyenne, la sienne et celle de Luigi di Maio, Mario Draghi se montre catégorique : «La ligne de politique étrangère du gouvernement est une et une seule : soutenir le gouvernement d’unité nationale en Libye dans la perspective d’élections début décembre, dans le respect du cessez-le-feu et obtenir le retrait des forces étrangères qui ont joué un rôle destructeur dans ce pays».
La Turquie est prévenue.
M. R.
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