Al-Karama, Rachad et Mou’tamar El-Oumma : tentative échouée d’infiltrer l’UE
Contribution de Wacim Kahoui – C’est la présence, en mars dernier, aux discussions de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen à Bruxelles de Rachid Mesli, directeur d’Al-Karama, qui a provoqué l’ire des démocrates algériens, sidérés de voir un ancien leader du Front islamique du salut (FIS dissous), responsable de l’assassinat de plusieurs journalistes, universitaires, des femmes et des hommes de sciences lors de la décennie noire, plaider au Parlement européen pour la liberté de presse et d’opinion et pour un Etat de droit !
La question posée était alors de savoir en quelle qualité Al-Karama, antenne de l’organisation terroriste Rachad et de Mou’tamar El-Oumma, a été conviée à participer aux discussions de la sous-commission des droits de l’Homme présidée par l’eurodéputée belge Marie Arena et sur quelle base cette invitation a été adressée à Rachid Mesli.
Pour répondre de manière claire, nette et précise à ces interrogations, il faut remonter au Réseau des droits de l’Homme et de la démocratie de l’Union européenne (HRDN), un groupement informel d’ONG opérant au niveau de l’UE dans les domaines plus larges des droits de l’Homme, de la démocratie et de la paix à l’intérieur de l’UE et à l’extérieur.
Ce réseau, HRDN, place les droits de l’Homme et la démocratie au cœur de l’agenda politique interne et externe de l’UE. Cette vision doit, selon ses représentants, se manifester dans une Union européenne qui protège efficacement les droits de l’Homme dans les pays membres et qui est une force de changement positif dans le monde. Tel est plus ou moins le point de vue officiel de ce réseau qui vise à influencer les politiques des droits de l’Homme de l’UE et des Etats membres et la programmation de leurs instruments de financement pour promouvoir la démocratie, les droits de l’Homme et la paix dans les pays de l’Union et dans le monde.
Pour comprendre comment fonctionne ce réseau, il faut savoir qu’il est représenté par un groupe de travail au sein même du Parlement européen pour, dit-on, contribuer au renforcement de l’action du Parlement européen en matière de droits de l’Homme et de démocratie et soutenir le rôle de l’UE en tant qu’acteur mondial sur ces questions, par le biais d’un engagement avec la sous-commission des droits de l’Homme (DROI) et la commission des affaires étrangères (AFET), l’unité d’action pour les droits de l’Homme.
Pour voir plus clair, il faut savoir que ce réseau fait un vrai travail de lobbying dans le domaine des droits de l’Homme, en interagissant avec un autre groupe appelé groupe des amis des droits de l’Homme du Parlement européen, (GFHR). Ce qui explique en partie, pourquoi, par exemple, les pays ciblés en Afrique du Nord sont plutôt l’Algérie surtout et pas le Maroc, l’Egypte un peu et pas la Jordanie, l’Arabie Saoudite parfois et jamais le Qatar, etc. comme si les pays arabes épargnés sont respectueux des droits de l’Homme et la démocratie. Un deux poids deux mesures justifié par le nerf de la guerre qui alimente certaines ONG.
A ce stade s’impose une autre question : Al-Karama, antenne de l’organisation terroriste Rachad et de Mou’tamar El Oumma, est-elle membre du groupe des amis des droits de l’Homme du Parlement européen (GFHR) ou est-elle membre du réseau des droits de l’Homme de l’Union européenne (HRDN) ?
Selon notre enquête, Al-Karama a effectivement soumis sa candidature à plusieurs reprises à la fois au groupe d’amis des droits de l’Homme du Parlement européen, FGHR, et au réseau des droits de l’Homme de l’Union européenne, HRDN.
Il s’est avéré qu’Al-Karama, antenne de l’organisation terroriste Rachad et de Mou’tamar El-Oumma, a effectivement tenté, vainement, d’adhérer au réseau des droits de l’Homme de l’Union européenne, HRDN. Elle a déposé un dossier en bonne et due forme au niveau du groupement et a même usé de différentes pressions dans l’espoir d’une recevabilité, mais en vain.
S’agissant du GFHR, qui n’est pas organisé en association ou en groupement, c’est plutôt une structure libre dont nous n’avons pas, à ce jour, trouvé de trace formelle ou informelle de la liste des membres et, par conséquent, il n’est pas possible pour l’instant d’affirmer ou d’infirmer l’adhésion d’Al-Karama au niveau de cette structure.
En revanche, 57 organisations sont membres du réseau HRDN ; ces organisations ont un statut officiel d’ONG européennes, elles sont listées et publiées sur le site du réseau HRDN qui les définit comme travaillant sur les droits de l’Homme, la démocratie et la consolidation de la paix.
Le HRDN précise que l’adhésion est ouverte à toute organisation ou réseau non gouvernemental qui s’engage à poursuivre l’agenda décrit par ses objectifs. Il est souligné aussi que les membres n’ont pas besoin d’être basés à Bruxelles mais doivent faire du plaidoyer auprès des institutions de l’UE à Bruxelles et doivent s’engager à se rendre à Bruxelles pour les réunions du HRDN.
Al-Karama ne fait donc pas partie de la liste des 57 ONG membres du réseau, sans doute les principes d’adhésion du réseau HRDN ne sont pas compatibles avec les objectifs d’Al-Karama puisque, pour y adhérer, il faut s’engager à promouvoir un message non partisan, qu’il soit politique ou religieux.
En principe, le HRDN n’accepte pas les «observateurs» dans ses réunions. Cependant, le réseau peut envisager d’inviter une organisation anciennement ou présentement candidate à une réunion ordinaire, ce qui expliquerait la présence de Rachid Mesli, ancien leader du Front islamique du salut (FIS) aux réunions du HRDN et aux discussions de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen.
Après avoir essuyé un refus catégorique au niveau du haut-commissariat des droits de l’Homme des Nations unies, Al-Karama poursuit ses efforts en vue d’une adhésion au HRDN, le réseau des droits de l’Homme de l’Union européenne, peine perdue d’avance puisque des instances européennes habilitées ont lancé des enquêtes sur cette nébuleuse.
W. K.
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